12 janvier 2014 " l'autre chemin (2)

LECTURE- Lecteurs au pluriel.

ACTES Chapitre 10
1 Il y avait à Césarée un homme appelé Corneille, qui était capitaine dans un bataillon romain dit « bataillon italien ». 2 Cet homme était pieux et, avec toute sa famille, il participait au culte rendu à Dieu. Il accordait une aide généreuse aux pauvres du peuple juif et priait Dieu régulièrement. 3 Un après-midi, vers trois heures, il eut une vision : il vit distinctement un ange de Dieu entrer chez lui et lui dire : « Corneille ! » 4 Il regarda l’ange avec frayeur et lui dit : « Qu’y a-t-il, Seigneur ? » L’ange lui répondit : « Dieu a prêté attention à tes prières et à l’aide que tu as apportée aux pauvres, et il ne t’oublie pas. 5 Maintenant donc, envoie des hommes à Jaffa pour en faire venir un certain Simon, surnommé Pierre. 6 Il loge chez un ouvrier sur cuir nommé Simon, dont la maison est au bord de la mer. » 7 Quand l’ange qui venait de lui parler fut parti, Corneille appela deux de ses serviteurs et l’un des soldats attachés à son service, qui était un homme pieux. 8 Il leur raconta tout ce qui s’était passé, puis les envoya à Jaffa.
9 Le lendemain, tandis qu’ils étaient en route et approchaient de Jaffa, Pierre monta sur le toit en terrasse de la maison, vers midi, pour prier. 10 Il eut faim et voulut manger. Pendant qu’on lui préparait un repas, il eut une vision. 11 Il vit le ciel ouvert et quelque chose qui en descendait : une sorte de grande nappe, tenue aux quatre coins, qui s’abaissait à terre. 12 Et dedans il y avait toutes sortes d’animaux quadrupèdes et de reptiles, et toutes sortes d’oiseaux. 13 Une voix lui dit : « Debout, Pierre, tue et mange ! » 14 Mais Pierre répondit : « Oh non ! Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé d’interdit ni d’impur. » 15 La voix se fit de nouveau entendre et lui dit : « Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur. » 16 Cela arriva trois fois, et aussitôt après, l’objet fut remonté dans le ciel.
17 Pierre se demandait quel pouvait être le sens de la vision qu’il avait eue. Or, pendant ce temps, les hommes envoyés par Corneille s’étaient renseignés pour savoir où était la maison de Simon et ils se trouvaient maintenant devant l’entrée. 18 Ils appelèrent et demandèrent : « Est-ce ici que loge Simon, surnommé Pierre ? » 19 Pierre était encore en train de réfléchir au sujet de la vision quand l’Esprit lui dit : « Écoute, il y a ici trois hommes qui te cherchent. 20 Debout, descends et pars avec eux sans hésiter, car c’est moi qui les ai envoyés. » 21 Pierre descendit alors auprès de ces hommes et leur dit : « Je suis celui que vous cherchez. Pourquoi êtes-vous venus ? » 22 Ils répondirent : « Nous venons de la part du capitaine Corneille. C’est un homme droit, qui adore Dieu et que tous les Juifs estiment. Un ange de Dieu lui a recommandé de te faire venir chez lui pour écouter ce que tu as à lui dire. » 23 Pierre les fit entrer et les logea pour la nuit. Le lendemain, il se mit en route avec eux. Quelques-uns des frères de Jaffa l’accompagnèrent.
24 Le jour suivant, il arriva à Césarée. Corneille les y attendait avec des membres de sa parenté et des amis intimes qu’il avait invités. 25 Au moment où Pierre allait entrer, Corneille vint à sa rencontre et se courba jusqu’à terre devant lui pour le saluer avec grand respect. 26 Mais Pierre le releva en lui disant : « Lève-toi, car je ne suis qu’un homme, moi aussi. » 27 Puis, tout en continuant à parler avec Corneille, il entra dans la maison où il trouva de nombreuses personnes réunies. 28 Il leur dit : « Vous savez qu’un Juif n’est pas autorisé par sa religion à fréquenter un étranger ou à entrer dans sa maison. Mais Dieu m’a montré que je ne devais considérer personne comme impur ou indigne d’être fréquenté. 29 C’est pourquoi, quand vous m’avez appelé, je suis venu sans faire d’objection. J’aimerais donc savoir pourquoi vous m’avez fait venir. » 30 Corneille répondit : « Il y a trois jours, à la même heure, à trois heures de l’après-midi, je priais chez moi. Tout à coup, un homme aux vêtements resplendissants se trouva devant moi 31 et me dit : “Corneille, Dieu a entendu ta prière et n’oublie pas l’aide que tu as apportée aux pauvres. 32 Envoie donc des hommes à Jaffa pour en faire venir Simon, surnommé Pierre. Il loge dans la maison de Simon, un ouvrier sur cuir qui habite au bord de la mer.” 33 J’ai immédiatement envoyé des gens te chercher et tu as bien voulu venir. Maintenant, nous sommes tous ici devant Dieu pour écouter tout ce que le Seigneur t’a chargé de dire. »



PREDICATION- R


Dimanche dernier, nous avons pris l'autre chemin. Celui emprunté par l'évangile naissant. En explorant un des textes du jour, un passage de la lettre de Paul aux Ephesiens, nous avons vu comment Paul, discrètement, tissait une autre morale des rapports entre les gens, ces gens, tous ces gens qui formaient ces assemblées nouvelles. Des nouveaux rapports / entre les enfants et les parents / entre les pères et les enfants, entre les hommes et les femmes/ entre les serviteurs et leurs maîtres, au nom : de l'égalité devant Dieu, au nom : de la liberté nouvelle qui se répandait sur tous ces affranchis au nom de Jésus-Christ, celui qui avait été lui-même affranchi de la mort elle-même.

Nous continuons cette semaine à parcourir cet autre chemin, avec le livre des Actes, écrit par Luc.
Si Luc évoque la même période, il écrit quelques décennies plus tard que Paul. Il écrit à une époque où il n'y avait sans doute plus beaucoup de témoins de l'époque profuse où ces assemblées nouvelles naissaient et essaimaient . Une autre époque, quand il fallait déjà rendre compte des racines de ce mouvement juif messianique et diversifié qui s'appellera plus tard le christianisme.
Disons qu'au temps où Luc accomplit son oeuvre d'historien, nous sommes juste entre la profusion et l'institution. Toujours cette fameuse bascule improbable, qui consiste à vouloir conserver l'énergie au risque de la faire disparaitre.
Une parenthèse : le protestantisme a depuis sa création, tenté, sans doute sans le vouloir , de garder l'équilibre , je dirais avec un jeu de mot presque involontaire, à se donner les moyens d' instituer sans tuer.

L'événement de la rencontre de Corneille et de Pierre est presqu'un mythe. Je veux dire qu'au délà du fait que cette rencontre ait eu lieu ou non, que Luc l'ait raconté comme un mythographe ou non, cette histoire raconte un phénomène capital et réel. Pour en marquer l'importance, Luc utilise un chapitre entier.
Finalement, juste pour répondre une question banale : est-ce que je peux manger avec n'importe qui ?

Ce n'est pas la peine d'entrer dans les détail littéraires de ce texte bien construit, où un ange, des voix, l'Esprit parlent aux deux personnages pour qu'ils puissent se rencontrer. Ce n'est même la peine d'entendre tout ce que Simon "surnommé" Pierre va raconter à Corneille. Tout est dit dans ce texte, qui s'arrête avant le discours.
Notons simplement parmi les nombreux effets littéraires de ce texte les injonctions à se re-lever, même mot que ressusciter, deux fois adressées à Simon Pierre, au cours de sa première "extase" car c'est le mot grec, et ensuite en direct par l'Esprit, injonction qui se poursuit à travers la bouche même de Simon pour Corneille qui s'était abaissé pour l'accueillir , Simon Pierre qui dit à Corneille " relève toi, moi aussi, je ne suis qu'un humain.
Un moment de bascule capital qui sera peut-être noté ainsi quand on racontera un jour l'histoire de la réconciliation des humains entre eux et avec Dieu et sa création. Mais pour l'instant, juste quelques mots, dans une Bible que plus grand monde ne lit.

Relève toi, moi aussi, je ne suis qu'un humain.
Et c'est au travers de cette humanité commune qui m'a été révélée au cours d'un songe bizarre où il y avait une nappe qui portait des aliments impurs pour moi, c'est au travers du souvenir de ces trois personnes qui sont venues me voir comme elles sont venues voir Abraham aux chènes de Mambré pour que Dieu pense à dire " « Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire ? Abraham deviendra certainement une nation grande et puissante et en lui seront bénies toutes les nations de la terre. », c'est au travers de tout cela que je vais commencer, moi, Simon en hébreu surnommé Céphas en grec avec toi Corneille vivre le moment où cette promesse, LA promesse se réalise.

Au nom de ce Dieu commun, au nom de ce Dieu que nous avons en commun, toi qui manges des choses que je ne mange pas, toi qui es un étranger, aussi officiellement impur pour moi que tout ce que tu manges, toi qui en fait ne pensais pas la même chose de moi, au nom de cette humanité commune que je découvre avec toi, une humanité qui se remet debout pour aller à la rencontre,
comme ce Christ que tu ne connais pas encore, mais dont je vais te parler, a été aussi relevé,
pour aller à la rencontre de ceux qui sont restés en Galilée , cette région qu'on appelait Galil haGoyim ce qui veut dire région des nations, pour la distinguer de la Judée, justement. Je vous précède en Galilée, aurait dit mon Christ relevé. Comme j'ai été relevé pour aller vers toi, et que tu as été relevé pour aller vers moi.

C'est alors un nouveau judaïsme qui nait, un judaïsme exteriorisé, qui ne fait qu'amplifier un mouvement universaliste qui existait déjà et que Paul, entre autres a impulsé et que Luc codifie.

Mais tout cela passe par la réponse à la question : est-ce que je peux manger avec n'importe qui ? Est-ce que je peux partager mon repas avec n'importe qui ?

Luc, toujours historien, racontera au quinzième chapitre de son livre des actes, le fameux concile, où cette question a été tranchée, en y répondant "oui", avec quelques réserves de compromis, mais les règles strictes ont été abrogées.

Alors, quand nous allons communier tout à l'heure, pensons -y . Cet être humain, côté de moi, avec qui je vais partager le même pain, le même vin, est aussi loin de moi que Corneille l'était de Simon Pierre, mais il a été relevé aussi. Comme moi, il a été remis debout. Cette personne humaine a marché vers moi comme j'ai marché vers elle. Je vais communier . Pour non seulement vivre cette fraternité désarmante de simplicité, mais pour aussi la prophétiser. Pour annoncer les véritables agapes du Jour du Seigneur, quand toutes les prophéties seront accomplies.
Mais la promesse faite à Abraham, se réalise chaque fois que je n'ai plus peur d'aller communier avec cet étranger, dont j'ai réalisé le bonheur qu'il y a de le considérer et d'être considéré par lui comme un frère, comme une soeur.


AMEN.

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