QUELQUES PREDICATIONS (version écrite) 2010 / 2011
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21 janvier 2011 Cérémonie pour l'unité des chrétiens. Ste Rosalie (XIIIe arr.)
21 janvier 2011 Cérémonie pour l'unité des chrétiens. Ste Rosalie (XIIIe arr.)
Lecture de l’évangile Mt 5, 21-24
Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commettra un meurtre en répondra au tribunal. Et moi je vous le dis : quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ; celui qui dira à son frère : « Imbécile » sera justiciable du Sanhédrin ; celui qui dira : « Fou » sera passible de la géhenne de feu. Quand donc tu vas présenter ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande
Prédication
Lors de notre assemblée avec la congrégation du Saint Esprit, mercredi dernier et certains étaient là, nous nous sommes concentrés sur le texte des Actes, perçu non pas comme un foyer de nostalgie envers un jardin d'Eden à jamais révolu, mais comme une prophétie qui nous indique ce qui sera. Parce que la grâce de Dieu est plus forte que tout, elle nous indique le temps où cette assiduité à l'étude, cette convivialité, cette pratique du partage, cette joyeuse unanimité - très différente du consensus , sera. Parce qu'elle est plus persistante que nos illusions la grâce de Dieu nous guide vers le temps où la distinction entre riches et pauvres n'existera plus, ni celles entre anciens et nouveaux. La grâce de Dieu nous indique le temps de la communion pleine, le temps du Jour du Seigneur qui sera et qui sera un fait.
Mais il devient intéressant d'avoir associé à ce récit des Actes le texte de Matthieu, qui nous rappelle lui, le cheminement d’exigence que nous incombe pour que cette grâce de Dieu, qui par nature est gracieuse et je dirais donc qu'elle est libre, prenne le plaisir de s'accomplir, car elle ne peut pas s'accomplir n'importe comment, ou en d'autres termes, elle n'a pas envie de s'accomplir , par exemple, au milieu de la colère et des injures.
Comme ce prétendant qui arrive à son premier rendez vous avec un bouquet de fleurs mais aussi avec quelques minutes d'avance... il attend donc un peu avant de sonner à la porte , et hélas, il ne peut s'empêcher d' entendre sa belle injurier de la plus vile des façons quelqu'un au téléphone, alors que fait-il ? Troublé, il dépose le bouquet, laisse un mot disant qu'il reviendra peut-être, et s'en va. La femme après avoir senti une présence , raccroche son téléphone, sort avec un grand sourire, qui hélas se fige quand elle voit le bouquet, et le mot. Je dirai que ce mot là est déposé dans nos textes aujourd'hui, et que de nombreux bouquets ont été déposés devant nos portes, depuis longtemps.
Je précise quand même, pour la parité, que la femme au téléphone aurait pu être un homme, et le soupirant une soupirante, mais j'aurais eu du mal avec la métaphore du bouquet.
Revenons à ce fameux chapitre 5 de Matthieu où Jésus nous apparaît comme un véritable législateur .
Il a été dit aux anciens, le mot ici signifie « ancêtres », c'est à dire ceux qui ont reçu la loi de Moise, et moi, mais moi, je vous dis.
Jésus ose dire, moi, je, vous dis. C'est à dire qu'il ramasse l'autorité de la Loi et la prolonge par la personnalisation qu'il en fait.
Certains diraient qu'il la radicalise au point qu'elle en devienne impossible.
A mon sens, Jésus n'extrapole pas tant que ça. Dans le décalogue lui même, le 5e commandement: tu ne commettras pas de meurtre est aussi lié avec le 8e « tu ne feras pas de faux témoignage » car faire un faux témoignage peut conduire à un meurtre. Les dix paroles, ou les 10 commandements, sont interdépendants, les nouveaux commandements de Jésus, semblent dans le prolongement des anciens, même s'ils peuvent nous sembler provocateurs.
Des indices qui montrent que Jésus n'extrapole pas énormément sont à trouver dans l'observation des termes et formules rapportés par Matthieu : déjà nous remarquons que cette interdiction de le colère n'est pas en soi, mais qu'il s'agit bien de la colère contre son frère, c'est à dire une colère faite pour l'atteindre, pour le blesser, et peut être même pour tuer une partie de lui. Il est peut être intéressant de remarquer, malgré l'espèce de valorisation de la colère qu'on entend un peu partout, que celle ci ne sert finalement à rien, et qu'elle peut être une arme extrêmement contondante, et que selon Jésus, si elle n'est pas un meurtre, elle est tout de même une arme dont le prolongement est le meurtre. L'amplification de la colère par une partie de la droite républicaine contre les candidats démocrates aux états unis l'a une fois de plus démontré.
Ensuite, Jésus qui ne parlait pas français, ne dit pas « imbécile » mais emploie un mot araméen « raka » qui cause bien des soucis aux traducteurs. Mais le sens profond de cette injure est le « vide », traiter quelqu'un de vide est finalement une insulte prodigieuse, car comment ton frère respirant le même souffle que toi, issu de la même origine que toi, pourrait-il être « vide » alors que toi tu serais plein ?
Mais n'oublions non plus que ces phrases de Jésus ne concernent pas seulement ceux qui pourraient insulter, mais aussi ceux qui se sentent continuellement dévalorisés par les autres – je pense au harcèlement moral, nouvelle plaie apparente de nos sociétés – en entendant ces paroles, ils sont réconfortés : Oui, je te le dis , aux yeux de Dieu, et en tant que créature de Dieu, tu n'es pas « raka », tu n'es pas vide.
Ou « fou » dont le mot grec viendrait d'un mot hébreu qui signifie « rebelle », c'est à dire en dehors de la société des humains. Alors oui, dans la nouvelle législation orale de Jésus, la colère contre son frère est gravissime, il n'est pas question de supporter l'outrance de ceux qui se prétendent pleins pour arriver à traiter les autres de vide, et il n'est pas question de rejeter un frère sous l'étiquette de « rebelle » ou de le définir je dirais définitivement comme « asocial ».
Quand on pense que nos histoires respectives, catholiques et protestants, ou que notre histoire commune a longtemps été alimentée par la colère, par la désignation de l'autre comme « vide » et par l'injure suprême qui consiste à l'exclure en arguant qu'il se met lui même dehors, on comprend mieux, à mon sens, le caractère réaliste des injonctions de Jésus dans Matthieu. Surtout quand on sait que Jésus lui même a été victime de la colère, a été désigné comme sans valeur, et compris comme un asocial.
Et cette loi orale, devient très importante pour analyser nos moeurs habituelles, tout ce qui n'est pas explicitement condamnable par la loi, mais qui entraine, dans les familles, dans les entreprises , dans les organisations d'églises, et entre les religions, tant de souffrances intimes. Jésus, ici, ne fait qu'en révéler la gravité. Et si nous ne prenons pas conscience de cette gravité, nous continuerons à idéaliser le règne de Dieu... Car, ce n'est pas à un idéal que Jésus nous appelle, c'est à une matérialisation , à une réalisation de la prophétie , ne serait-ce que celle qui dit « tu aimeras ton prochain comme toi même », à une parole qui se fasse chair.
L'unité entre dénominations chrétiennes est un élément de ce cheminement vers le règne de Dieu, mais l'exigence est plus forte, et le projet oecuménique est bien plus large que la réconciliation des églises, voire la marche vers leur union future. L'unité, spectaculaire, décrite dans le livre des actes, est à rechercher aujourd'hui dans l'examen sans concession que je fais de la façon dont à la fois je traite mon frère, et aussi dans l'examen sans concession, que je dois faire de la façon dont je pourrais me laisser traiter par celui que je dois encore reconnaître comme mon frère. « Personne n'est vide » semble nous dire Jésus dans ce texte, vous êtes tous remplis du souffle de Dieu. Ne vous prétendez pas plus pleins que les autres, et aussi, ne vous laissez pas vider.
Alors après tout cela, nous comprenons mieux l'histoire de l'offrande qui doit être laissée devant l'autel, pour aller d'abord régler le contentieux avec son frère. Oui, parce que cette offrande, ou aujourd'hui la prière de repentance et la réception du pardon de Dieu sont faites pour sentir le pardon de Dieu pour des fautes que nous avons commises à son égard, et elles peuvent être nombreuses (lui avons nous consacré un peu de notre temps, avons nous étudié sa parole avons nous loué dieu pour sa création, , pour un moment de grâce, pour la vie qu'il nous donne ? Pour tous ceux nous pouvons demander pardon et il nous le donne) , mais le pardon du frère, ce n'est pas Dieu qui le donne, c'est le frère. Il faut donc toutes affaires cessantes d'abord oser aller se réconcilier avec lui avant de régler avec une offrande, ou une prière de repentance le problème que nous avons eu avec Dieu. Et c'est le frère d'abord, et Dieu ensuite, dit Jésus. Aucune offrande, aucune contrition n'a le pouvoir de te donner le pardon d'un manquement que tu auras commis à l'égard de ton frère.
Alors chers amis, sommes nous prêts pour un cheminement vers l'unité qui parlera non seulement à nos Églises entre elles, mais qui fera signe aussi à nos contemporains, sommes nous prêts à faire sentir le règne de Dieu à l'intérieur même de notre société régulée trop souvent par la peur, et où la méfiance devient maîtresse du jeu ? Quelque chose me dit que c'est le nouveau champ œcuménique, presque missionnaire, qui pourrait s'ouvrir aujourd'hui. AMEN.
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5 et 6 février 2011 Maison Fraternelle et Port-Royal
Esaïe 58.7-10
7Ne s’agit-il pas de partager ton pain avec celui qui a faim
et de ramener à la maison les pauvres sans abri ?
De couvrir celui que tu vois nu,
et de ne pas t’esquiver devant celui qui est ta propre chair ?
8Alors ta lumière poindrait comme l’aurore,
et tu te rétablirais bien vite ;
ta justice marcherait devant toi,
et la gloire du SEIGNEUR serait ton arrière-garde.
9Alors tu appellerais,
et le SEIGNEUR répondrait ;
tu appellerais au secours,
et il dirait : Je suis là !
Si tu éloignes du milieu de toi le joug,
les gestes menaçants
et les discours malfaisants,
10si tu offres à l’affamé
ce que tu désires toi-même,
si tu rassasies l’affligé,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres,
et ton obscurité sera comme le midi.
PRÉDICATION
Dimanche dernier, nous évoquions, dans le temple de Port Royal/ ici-même, la lumière de la création du monde. Celle qui peut venir jusqu'à nous, et nous faire apparaître Dieu comme sorti de son obscurité originelle. Lumière de l'origine qui peut venir jusqu'à nous et nous faire sentir qu'un vis à vis est possible avec dieu. Il a un visage, il nous envisage.
Cette lumière si nous l'avons désirée, et si la désirons encore, et si nous ne la confondons pas avec n'importe quel spot, n'importe quelle autre source lumineuse, si nous ne sommes pas comme des papillons de nuit, les soirs d'été qui s'écrasent sur sur des vieux néons,
peut venir éclairer nos actes
peut illuminer nos paroles qui sans elle ne seraient que de la vanité, de l'esbroufe ou de la publicité.
Notre parole en effet n'est pas la parole de Dieu.
Nos actes ne sont pas l'acte permanent de Dieu, souverain de l'univers. Notre parole n'est pas créatrice, nos actes ne sont pas créatifs. Au mieux, ils sont des lointains échos de l'acte parole originel et créatif. C'est dans cet écho, que certains théologiens appellent une entrée dans la danse, une mise en harmonie, que nos actes, et nos paroles, prennent sens, trouvent leur beauté et leur cohérence. Le reste, est du bruit, ou du vent. Le bruit et le vent de la vie, à aimer aussi, même si ça ne dit rien, ne fait rien.
Pour recevoir cette lumière, il ne suffit donc pas de se mettre sur un escabeau, de s'élever sur ses talons, de mettre ses mains en porte voix et de crier « que la lumière soit », car notre parole n'est pas créatrice.
Pour être au bénéfice de la lumière, bien plus importante que la parole, il suffit consciemment, dans ce petit ilot de conscience que nous avons, de désirer Dieu lui même. C'est en conscience que nous allons rencontrer Dieu. Pas dans les méandres de nos raisonnements, pas dans le clair obscur de notre spiritualité, mais en éveil.
Désirer entendre l'écho de la parole originelle qui dit « que la lumière soit » et notre visage apparaîtra, et sortira de l'obscurité des générations. Après l'avoir admis, rencontré, dans notre conscience, un chemin s'ouvre. Voilà le résumé de la prédication de dimanche dernier, sans ses arguments. Mais c'est un préambule pour aborder Esaïe.
Ces textes viennent de l'antiquité. Dans ces temps là, on savait ce qu'était que la nuit. Pour nous, urbains, modernes, la nuit, la vraie nuit, au milieu d'une campagne, quand on arrête sa voiture , qu'on se gare un peu et qu'on éteint les phares, est toujours un étonnement.Nous avons beaucoup de peines à imaginer les ténèbres dans lesquelles vivaient nos ancêtres, quand la lumière du soir avait toujours une limite.
Les Hébreux, dont la journée commençait le soir, avaient eux aussi une autre représentation que la nôtre. Ils en avaient sans doute une meilleure conscience. La nuit, l'obscurité enveloppe l'univers, le jour n'est qu'un moment, qu'une chance, éphémère. Ils avaient déjà conscience d'une réalité qui nous échappe, à nous, peuples des villes. Ils avaient conscience de l'immensité du monde qui les entouraient, conscience des limites de la lumière des hommes. Cela a beaucoup joué dans leur poésie, dans leur lecture de la réalité et du divin.
Leur spiritualité était une spiritualité des ténèbres comme en témoigne ce désir de lumière et l'importance spectaculaire de ce thème dans la Bible. Leur espérance , leur foi, leur prophétie, était tendue vers le Jour, le jour du seigneur, pour qu'il y ait un matin, après qu'il y eut un soir. C'était une spiritualité du désir.
Nous, nous sommes des animaux diurnes et 24 h sur 24 (même la nuit, des diodes nous entourent et veillent sur nous, et la lumière de la ville vient éclairer , à travers notre fenêtre, notre sommeil). Nous ne désirons plus la lumière car nous croyons l'avoir puisqu'elle veille sur nous 24/24/.
Mais l'obscurité enveloppe toujours l'univers.
Nous sommes montés sur notre escabeau, avons décrété « que la lumière soit ». Mais ce n'est pas la lumière originelle. Cette lumière là, notre lumière d'homme lucioles, ne nous envisage pas. Elle nous dévisage.
Nous sommes comme des dieux, qui baignons dans la lumière alors que cette lumière n'est qu'un halo provisoire et fragile. Nous nous dévisageons au lieu de nous envisager, au lieu de nous aimer, nous nous examinons, nous scrutons, nous surveillons, au lieu de veiller les uns sur les autres. Car nous ne nous voyons pas réellement, ni nous mêmes, ni les autres. Jésus, bien dans son temps, le disait: il parlait de ses contemporains comme des aveugles qui guident d'autres aveugles. Phrase redoutable, bien loin du Jésus insipide qu'on nous présente souvent.
Nous ne voyons rien, alors qu'il suffirait d'un rien pour apercevoir nos vrais visages. Si au lieu de nous dévisager, nous nous envisagions, nous faisions apparaître le visage éclairé par la lumière de Dieu.
Ce rien, cette banalité, est décrite dans ce texte d'Esaïe. C'est un chemin qui se dessine, que vont emprunter ceux qui ont découvert qu'ils vivaient dans l'obscurité. Par un simple sursaut de conscience, tout à coup, ils sont devenus deviennent gênés par le bain permanent de lumière physique ou symbolique, mais de toutes façons artificielle, car même la lumière du soleil provient d'un simple astre qui brille provisoirement au milieu de la nuit, d' une simple planète que rien n'éclaire et qui est devenu le symbole de l'autosuffisance et de l'outrecuidance.
Voici ce chemin d'Esaïe, , rencontrer Dieu ce n'est pas évident a priori, mais c'est en fait très simple.
Mais après l'avoir rencontré, et la nuance est importante, il s'agit de le découvrir. C'est ce que nous dit ce prophète.
7Ne s’agit-il pas de partager ton pain avec celui qui a faim
et de ramener à la maison les pauvres sans abri ?
De couvrir celui que tu vois nu,
et de ne pas t’esquiver devant celui qui est ta propre chair ?
8Alors ta lumière poindrait comme l’aurore
J'entends : on le sait qu'il faut aimer son prochain, plus faible que nous. Hélas, il ne s'agit pas que d'une simple morale qui nous dispenserait d'une réflexion. Si la bonne nouvelle est avant tout destinée aux pauvres, aux faibles c'est pour une raison très simple. Ils sont dans la réalité. C'est le peuple de la nuit, que souvent nous ne voyons pas, parce que nous sommes aveuglés par la lumière que nous produisons. Ce peuple des ténèbres, nous en faisons parfois partie , peut être provisoirement, parfois définitivement, quand nos repères, s'écroulent, quand notre condition, souvent, bascule, quand nous perdons un secours, une aide, notre emploi, la santé ou quelqu'un. A ce moment là, nous passons de l'autre côté du jour et nous réalisons la réalité intime de notre condition humaine. Il est important, pour ces moments là, d'avoir déjà rencontré Dieu.
Et maintenant, je dis tu, comme le prophète, pour suivre son chemin littéraire.
Tu ne vas pas t'approcher de ces gens par compassion, pour souffrir avec eux. Cela n'a aucun intérêt d'augmenter la souffrance du monde. Tu vas t'approcher d'eux parce qu'ils sont l'intimité du monde créé par Dieu. Tu vas t'approcher d'eux pour bénéficier encore de la lumière de Dieu, pour découvrir Dieu, après l'avoir rencontré.
Le peuple des ténèbres a vu une grande lumière, dit la prophétie de Noël. C'est ce peuple qui maintiendra ton espérance, ton désir de cette lumière que tu as rencontrée et que maintenant tu dois dé- couvrir.
Si tu éloignes du milieu de toi le joug,
les gestes menaçants
et les discours malfaisants,
si tu rassasies l’affligé,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres,
et ton obscurité sera comme le midi.
Oui, les raisons de la morale de l'aide au prochain sont profondément théologiques et vitales.
Cette morale peut être politique: tu éloigneras le joug, l'oppression, c'est toi qui le feras, et tu n'attendras pas de Dieu qu'il le fasse pour toi, car il ne le fera pas. Tu supprimeras les gestes menaçants, c'est à dire déjà tu prendras conscience que même dans ta société baignée de lumière et de lucidité, de toutes les menaces dont on t’afflige. Tu réaliseras que même dans ta société dite post démocratique et néanmoins aisée, dispendieuse bruyante et souvent charmante, envoutante, loin d'être une dictature comme celles qui commencent à s'écrouler dans les pays arabes, même ici, tu réaliseras que tu vis sous des menaces, permanentes de beaucoup de choses. Ecoute ce que l'on te dit, tout ce qui passe, et tu prendras la mesure de toutes ces menaces, même si la menace est subtilement distillée,et ces menaces, tu les éloigneras, les discours malfaisants, qui font du mal, pareil. Tu n'auras plus peur, tout simplement.
10si tu offres à l’affamé
ce que tu désires toi-même,
Voilà exprimée une invitation subtile à éprouver de nouveau le désir, malgré notre sensation de satiété continuelle, malgré le gavage incessant que nous nous infligeons. Voilà exprimé le passage: le passage d'une spiritualité de la consommation à une spiritualité du désir.
Esaie invite à rejoindre le peuple de ceux qui désirent encore, qui sont affamés, affamés du jour du Seigneur, affamés de changement. Ce n'est pas un peuple de croyants, ni de gens spécialement intéressants. C'est juste le peuple de Dieu, le peuple de la terre, comme dit la Bible. La réalité humaine. L'intimité du monde.
Ton bain d'illusion t'empêchait de le savoir, mais le prophète te raconte qu'en allant vers ceux que tu ne voyais pas, le peuple des ténèbres, le peuple de ceux qui désirent la lumière, tu t'approches de toi même, et tu t'approches de la lumière originelle créatrice d'un monde nouveau. N'oublie pas que Dieu, avant de créer dans la lumière, vivait dans l'obscurité, c'est à dire dans la réalité profonde du monde.
si tu rassasies l’affligé,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres,
et ton obscurité sera comme le midi.
La prophétie d'Esaie est donc la suivante: Un jour Dieu dit « que la lumière soit » et la lumière fut. Et lui même, il apparut.
Mais cette lumière n'est pas facilement visible, elle n'est pas cette lumière qui a envahi le monde. Elle s'est réfugiée, patiente, au sein d'un peuple dont tu méconnais qu'il est le tien.
Ce peuple d'affamés, d'affligés, ce peuple sous l'oppression, le joug, la menace et les discours qui font du mal. Cette lumière est chez eux , même si eux ne sont pas fréquentables. Toi tu ne les voyais pas, parce qu'ils étaient dans l'obscurité que ta fabrique de lumière a créée, tu ne les voyais pas, toi qui n'avais plus le désir du jour parce que tu croyais que tu l'avais, mais tu étais dans l'aveuglement, tu ne les voyais pas, tout simplement, parce que tu avais peur de l'obscurité.
Alors les voilà. Ils sont là. Ils sont comme toi. Ton désir renait. Ta conscience se refait une santé. Tu rencontres Dieu, et tu poursuis sa découverte.
Au cœur de l'obscurité.
(avec ta lumière (adjonction à PR).
AMEN.
13 MARS 2011 MAISON FRATERNELLE
LECTURE LA PARABOLE DES DEUX FILS ET DU PÈRE
Lc 15,1 Les collecteurs d'impôts et les pécheurs s'approchaient tous de lui pour l'écouter. 2 Et les Pharisiens et les scribes murmuraient; ils disaient: «Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux»! 3 Alors il leur dit cette parabole:
4 «Lequel d'entre vous, s'il a cent brebis et qu'il en perde une, ne laisse pas les quatre-vingt dix-neuf autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée? 5 Et quand il l'a retrouvée, il la charge tout joyeux sur ses épaules, 6 et, de retour à la maison, il réunit ses amis et ses voisins, et leur dit: "Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, ma brebis qui était perdue"! 7 Je vous le déclare, c'est ainsi qu'il y aura de la joie dans le ciel, pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion.
8 «Ou encore, quelle femme, si elle a dix pièces d'argent et qu'elle en perde une, n'allume pas une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin jusqu'à ce qu'elle l'ait retrouvée? 9 Et quand elle l'a retrouvée, elle réunit ses amies et ses voisines, et leur dit: "Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, la pièce que j'avais perdue"! 10 C'est ainsi, je vous le déclare, qu'il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit».
11 Il dit encore: «Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père: "Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir". Et le père leur partagea son avoir. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre. 14 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l'indigence. 15 Il alla se mettre au service d'un des citoyens de ce pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs. 16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentrant alors en lui-même, il se dit: "Combien d'ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim"! 18 Je vais aller vers mon père et je lui dirai: "Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. 19 Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers". 20 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié: il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. 21 Le fils lui dit: "Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils" 22 Mais le père dit à ses serviteurs: "Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé". Et ils se mirent à festoyer.
25 Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c'était. 27 Celui-ci lui dit: "C'est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu'il l'a vu revenir en bonne santé". 28 Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l'en prier; 29 mais il répliqua à son père: "Voilà tant d'années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres; et, à moi, tu n'as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui"! 31 Alors le père lui dit: "Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32 Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé"».
4 «Lequel d'entre vous, s'il a cent brebis et qu'il en perde une, ne laisse pas les quatre-vingt dix-neuf autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée? 5 Et quand il l'a retrouvée, il la charge tout joyeux sur ses épaules, 6 et, de retour à la maison, il réunit ses amis et ses voisins, et leur dit: "Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, ma brebis qui était perdue"! 7 Je vous le déclare, c'est ainsi qu'il y aura de la joie dans le ciel, pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion.
8 «Ou encore, quelle femme, si elle a dix pièces d'argent et qu'elle en perde une, n'allume pas une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin jusqu'à ce qu'elle l'ait retrouvée? 9 Et quand elle l'a retrouvée, elle réunit ses amies et ses voisines, et leur dit: "Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, la pièce que j'avais perdue"! 10 C'est ainsi, je vous le déclare, qu'il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit».
11 Il dit encore: «Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père: "Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir". Et le père leur partagea son avoir. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre. 14 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l'indigence. 15 Il alla se mettre au service d'un des citoyens de ce pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs. 16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentrant alors en lui-même, il se dit: "Combien d'ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim"! 18 Je vais aller vers mon père et je lui dirai: "Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. 19 Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers". 20 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié: il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. 21 Le fils lui dit: "Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils" 22 Mais le père dit à ses serviteurs: "Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé". Et ils se mirent à festoyer.
25 Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c'était. 27 Celui-ci lui dit: "C'est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu'il l'a vu revenir en bonne santé". 28 Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l'en prier; 29 mais il répliqua à son père: "Voilà tant d'années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres; et, à moi, tu n'as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui"! 31 Alors le père lui dit: "Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32 Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé"».
Nous allons faire comme s'il s'agissait de la suite de ce que vous avez entendu de multiple fois à propos de ce texte.
Commençons donc par un rappel des titres donnés par la tradition à cette parabole tellement célèbre
Le fils prodigue. Un mot qui n'est pas dans ce texte, bien sûr, et qui désormais n'est plus dans le vocabulaire de chacun. Beaucoup, et pas seulement les enfants le confonde avec « prodige » et on a vite fait de parler de la parabole de l'enfant prodige. Mais vous allez voir que cette torsion là n'est peut être pas sans signification.
Pour ceux qui l'emploient encore, l'adjectif « prodigue » est d'abord plutôt péjoratif – c'est celui qui « gaspille ». Mais on trouve aussi des acceptions neutres, voire positives. Est prodigue « celui qui donne généreusement, sans compter ». Si bien que l'on pourrait aussi bien sinon mieux parler, en l’occurrence, et de son point de vue, de la parabole du « père prodigue ».
Le titre « la parabole du fils retrouvé » existe aussi. Mais cela ne va pas complètement, puisque le fils n'est pas « retrouvé » au milieu de son errance. Il n'est pas retrouvé car en fait personne n'est allé le chercher.
Il est clair que c'est lui qui décide de faire demi tour et qui va retrouver son père. Certes, c'est son père qui l'aperçoit d'abord, mais ce même père n'est quand même pas , fou d'inquiétude, parti à sa recherche. A la maison du père, on se préoccupait peut-être de son sort mais, puisque tout était bien clair, on ne se lançait pas à sa recherche.
Cette parabole est déjà l'histoire d'un parent qui laisse partir son enfant, mais qui le laisse « vraiment » partir.
On pourrait donc parler de la parabole du père retrouvé.
Nous pouvons aussi dire que le fils le plus jeune retourne certes chez son père, mais qu'il n'est plus le même. Il a voyagé, il s'est amusé, il s'est assumé... Il a vécu. Et ce n'est plus le même qui revient. On pourrait dure que le jeune homme qui est parti n'est jamais revenu. Celui qui est revenu est un autre.
On pourrait donc parler de la parabole du fils transformé.
Etc.
Alors voilà, cette parabole n'a pas vraiment de titre convenable. Chaque titre veut insister sur quelque chose. Mais on le sait bien aujourd'hui, une parabole n'est pas une fable avec une pointe morale, mais une histoire avec de multiples chemins, qu'un jour ou l'autre, dans notre vie, on emprunte. Par exemple, en empruntant le point de vue de l'un ou l'autre personnage.
De qui vous sentez vous le plus proche dans cette parabole ? Du fils le plus jeune ? Du fils aîné ? Du Père ? Du serviteur ?
Je vous pose cette question pour que vous vous la posiez parce que j'ai remarqué que c'est comme cela qu'on comprend une parabole : quand on la laisse nous comprendre.
Je fais une hypothèse, un peu intuitive, mais basée sur l'observation des groupes qui réagissent à ces textes. L'hypothèse que la majorité des lecteurs et auditeurs de cette parabole se sent d'emblée plus proche du fils le plus jeune, mais pas parce qu'il se repentirait, mais parce qu'il ose partir.
Le lecteur ou l'auditeur se sent spontanément plus proche de ce fils là parce qu'en général il aime penser à ses vies qui se se déroulent dans des univers parallèles. Il aurait bien aimé faire ce qu'il a fait : sortir de son milieu, s'arracher, tout plaquer, se dissiper, quitter les rails posés devant lui. Il aurait aimé faire cela mais bien sûr il aura succombé aux sirènes de la convenance qui l'auront poussé à rentrer ses désirs suspects. Si bien que l'identification au fils le plus jeune finit parfois par une espèce d'identification aigre au fils ainé. Mais peut être pas si aigre que ça. Pourquoi ? C'est simple : Parce que le caractère rebelle du plus jeune migre vers le fils ainé. C'est au moment où le fils le plus jeune « rentre » que l'ainé « sort » de ses gonds. Qui est le rebelle final ? On dirait dans cette parabole que l'histoire du fils ainé commence quand celle du fils le plus jeune se termine.
Donc réellement, un champ très vaste à explorer que selon une expression convenue, les dimensions de cette prédication obligent à une certaine restriction.
Je vais donc me concentrer sur ce fameux fils le plus jeune.
Qu'est ce qu'on peut remarquer d'intéressant ?
Le récit indique en son milieu qu'au temps de la disette, il rentre en lui même pour penser à rentrer chez lui. Et la remarque qui survient, peut être un peu poétique, mais chez Luc, les effets littéraires semblent vraiment être voulus, est la suivante. S'il rentre en lui même, c'est qu'il est sorti de lui même.
Il n'est pas simplement sorti de chez lui, il est sorti de lui même. Lui tel qu'il avait été conçu et préconçu par ses parents
- à propos où est la mère ? Contre toute attente, elle est là aussi quand dans le verset 20 on lit « Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié », on pourrait traduire, il fut pris aux entrailles et en occurrence, la figuration ici est plutôt maternelle... » . Comme il était encore loin, son père fut saisi d'un amour maternel ».
Fin de la parenthèse...
Ce fils est sorti de lui même pour aller se chercher. Et il s'est trouvé quand il est rentré en lui-même. Quand enfin il a rencontré autre chose que la fatalité qui l'a poussé dehors, cursus obligatoire qu'il a gaspillé jusqu'au bout?
Il rentrera et son père fera un banquet, une véritable fête qui elle ne sera pas du gaspillage – quoique la critique du fils ainé porte la dessus: en gros, il lui dit « tu gaspilles ton argent pour ce fils qui a gaspillé ton argent , tu es comme lui...
Que pouvons nous remarquer encore ?
Que le fils le plus jeune rentre en lui même et formule la phrase qu'il va dire à son père. Cette phrase se termine par « traite moi comme l'un de tes ouvriers » Quand il essaiera de dire cette phrase, le père ou l'auteur du texte, lui coupe la parole, et cette demande là « traite moi comme un de tes ouvriers, saute. Ecoutez bien :
17 Rentrant alors en lui-même, il se dit: "Combien d'ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim"! 18 Je vais aller vers mon père et je lui dirai: "Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. 19 Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers". 20 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié: il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. 21 Le fils lui dit: "Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils" 22 Mais le père dit à ses serviteurs: "Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,
C'est là que nous sommes amenés à mieux comprendre la réaction du fils aîné qui dit « moi je n'ai jamais désobéi à tes ordres... » Le fils aîné lui a toujours été aux ordres. Il a toujours été traité, même pas comme un ouvrier, mais comme un serviteur, un esclave.
Le fils revenu de tout et revenu vers ce qui est important allait commettre l'erreur de revendiquer d'être aux ordres. Mais son père lui a coupé la parole juste à ce moment là, en ameutant tout le monde pour faire la fête.
Pourquoi vous ai je raconté cela. Tout simplement pour faire un peu de théologie. A un moment donné, en lisant ce récit, on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas uniquement d'une histoire familiale sur la jalousie, qu'il ne s'agit pas simplement d'un miroir de nos situations dans nos fratries. Cette histoire, dans un de ses aspects, raconte simplement une figure du Christ. Luc, répétons le encore une fois est un écrivain exceptionnel.
Le fils que nous pourrons désormais appeler prodigue, et même prodige c'est aussi le Christ. Le fils prodigue c'est celui qui sort de sa condition et qui par en errance. Comme Jésus, qui s'il est censé être le plus vieux de sa fratrie devient, par son essor, par son existence, le fils le plus jeune d'une religion ancienne.
Il quitte la Galilée et en même temps sa condition respectable et enviée de menuisier. Il quitte son pays et il part. Comme ce mouvement juif qui déjà du temps de Luc, quitte sa terre d’élection pour aller ailleurs. Jésus quitte la Galilée, mais ce Christ quitte la maison de son père, pour vivre l'incarnation dans le Monde. Il part avec la partie de l'héritage de son père qu'il dilapide diront certains, avec n'importe qui, y compris des prostituées, des gens de mauvaise vie, des païens – comme cet endroit où paissent des porcs en témoigne et j'en passe. Il dépensera sans compter, diront ceux qui ont non seulement une idée du sens profond de la grâce de Dieu, mais qui ont compris que la vie elle même est de toutes façons une dépense totalement prodigue au bout de laquelle il n'y a plus rien, jusqu'à l'extinction du dernier souffle. Le Christ, lui même, est allé jusqu'au bout de sa vie. Lui aussi, il est rentré dans lui même pour comprendre les contours de sa vocation. Le Seigneur de notre Bible quitte son moi sacré pour apparaître nu, sur la terre comme n'importe quel humain en état de nécessité vitale. Il sort de chez son père, comme le semeur est sorti pour semer, et pour semer, vous vous en souvenez, avec une totale prodigalité.
Quand ce fils, ce fils prodigue rentre chez son père, il n'est plus le même, il n'est plus aux ordres et symboliquement plus aux ordres d'une ancienne loi, dans laquelle vit encore le fils aîné. Le retour du fils prodigue chez son père change la donne, et même, change le père.
Ce fils prodigue rentre en lui même, mais son père l'aperçoit de loin et dit « il fallait festoyer et se réjouir » parce que ton frère que voici était mort et il est vivant. Il était perdu et il est retrouvé.
Non pas, vous le remarquez vous même, « on le croyait mort », mais il était mort.
Luc, habile dans ses constructions, nous raconte une parabole de Jésus mais qui nous parle du Christ. Luc sans le dire explicitement nous raconte l'évangile, de Noël, à l'épreuve dans le désert, en passant par le Carême que nous commençons aujourd'hui, jusqu'à Pâques. Luc raconte l'émancipation d'une ferveur théologique qui se détache, sans le condamner, de son ancien socle. Il se paie même le luxe littéraire d'aller interroger sur leur devenir ceux qui, n'ont jamais désobéi aux ordres, n'ont jamais contrevenu aux observances de la loi.
Ce fils prodigue, et pour nous presque cet enfant prodige, qui dépense sans compter, celui qu'on accusera de se commettre avec les païens, de favoriser les femmes, celui qu'on traitera d'ivrogne, a eu le courage de s'arracher de sa condition pour aller découvrir le sens de sa mission.
Cette fête, presque sacrificielle, où l'on passe de la mort d'un fils aux retrouvailles, à la mort d'un veau gras, à la liesse, cette joie malgré les ombres du devenir d'un fils aîné qui peut être n'a pas compris qu'il s'agissait de participer à la fête, est une prophétie, qui célèbre la rencontre entre le nouveau et l'ancien, l'errance et le retour, la mort et la vie, une prophétie de réconciliation universelle.
Celle à laquelle croyait ardemment les lecteurs de Luc, et celle à laquelle nous sommes appelés à ré envisager, si notre sel ne veut pas perdre sa saveur, si nous voulons bien croire que notre lumière n'est pas simplement à mettre sous le boisseau.
AMEN
Pâques 2011 PORT ROYAL
Matthieu 28.1-10
1Après le sabbat, alors que le premier jour de la semaine allait commencer, Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent voir le sépulcre. 2Soudain, il y eut un grand tremblement de terre ; car l’ange du Seigneur, descendu du ciel, vint rouler la pierre et s’asseoir dessus. 3Son aspect était comme l’éclair et son vêtement blanc comme la neige. 4Les gardes tremblèrent de peur et devinrent comme morts. 5Mais l’ange dit aux femmes : Vous, n’ayez pas peur, car je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié. 6Il n’est pas ici ; en effet, il s’est réveillé, comme il l’avait dit. Venez, regardez le lieu où il gisait, 7et allez vite dire à ses disciples qu’il s’est réveillé d’entre les morts. Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. Voilà, je vous l’ai dit.
8Elles s’éloignèrent vite du tombeau, avec crainte et avec une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle aux disciples. 9Mais Jésus vint au-devant d’elles et leur dit : Bonjour ! Elles s’approchèrent et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui. 10Alors Jésus leur dit : N’ayez pas peur ; allez dire à mes frères de se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront
Pâques signifie Passage. Mais de quel passage parle-ton ? Beaucoup répondent : le passage de la mort à la vie. Mais que savent-ils de la mort, et encore moins de la vie ?
Alors ce précieux texte de l'orfèvre Matthieu nous livre, simplement en le lisant, quelques non moins précieuses indications, pour savoir ce que veut dire Pâques..
On va y découvrir 3 facettes de ce passage , de cette Pâque.
La première parlera d'une brèche dans le temps, où survient le passage de l'accomplissement au commencement.
La deuxième facette parlera de l'effroi qui est la marque de ce passage.
La troisième parlera du dépassement de cette peur sacrée par l'annonce.
Première facette
Ce récit, je devrai dire ce passage, commence par « après le sabbat ».
C'est à dire après le dernier jour, celui du sabbat, où l'on se repose mais à condition d'avoir la sensation du devoir accompli pour les 6 jours qui précèdent. Ca aussi, c'est un commandement dans le commandement du sabbat. Donc, il ne s'agit pas d'aller se reposer, sans avoir, « accompli » sa semaine. Cet idée d'accomplissement nous entrouvre la symbolique déployée ici.
« Après le sabbat »
Ce n'est pas qu'une simple indication temporelle, et puis, sérieusement, ça nous serait un peu égal de savoir platement quand cette histoire s'est déroulée.
Ce qui nous plait en revanche de découvrir c'est cette signification : c'est après le dernier jour que ça se passe. Et le texte précise davantage en disant « avant que le premier jour ne commence ». Ca se passe donc après le dernier jour, et avant le premier jour.
Non seulement nous sommes bienheureux de recevoir à Pâques, la bonne nouvelle qu'il y a un premier jour après le dernier jour, mais nous sommes encore plus stupéfiés de voir dans la symbolique de ce texte qu'il existe un espace, improbable, entre ce dernier jour et ce premier jour.
Et dans cet espace, hors du temps que nous connaissons, se tient le Seigneur, celui qui justement, fait la Pâque, accomplit le passage, celui qui fait passer, le passeur, celui qui ressuscite l'espérance qu'après toute fin, il y a un commencement.
Pas un recommencement, mais un commencement absolu.
C'est dans cet instant là, cet instant où il n'y a rien à dire mais uniquement à se réjouir, que nous place d'emblée ce texte de Matthieu. L'instant du passage entre un accomplissement et un commencement.
Abordons une deuxième facette de ce passage.
Au verset 4 , nous avons ces gardes, qui après le tremblement de terre, un tremblement de terre en forme de réplique de celui que nous avons vécu lors de la crucifixion, après ce tremblement de terre et cette apparition de l'ange qui roule la pierre pour que les femmes constatent bien qu'il n'est pas dans le tombeau,
Nous avons ces fameux gardes destinés à empêcher que quelqu'un, un des fanatiques, viennent enlever le corps.
Ces gardes tremblèrent de peur et devinrent comme morts, dit le texte.
Comme morts, le jour de Pâques...
Qui sont ces gardes, que nous apprennent-ils ?
Ils nous apprennent qu'à Pâques il est possible d'avoir peur. Peur en l’occurrence de l'imprescriptible qui survient devant les yeux des gardes au point qu'ils en deviennent comme morts.
C'est à dire , figés, raide, froids, devant inattendu complet, qui change toutes les données prescrites. Ce sont eux qui devaient garder un mort, empêcher qu'on l'enlève, et un petit matin, ce sont eux qui sont morts, ce sont eux qui sont enlevés.
Peut-être que pour ce passage, cette Pâque,il ne faut pas simplement finir son dernier jour et attendre paisiblement le premier jour, mais qu'au passage, nous puissions percevoir, ce qu'est réellement cette mort, dont on a toujours entendu parler, en voyant des gens disparaître autour de nous.
En tous les cas, par l'effroi dont ils ont été saisis, ces gardes, n'auront plus jamais la même vie.
Parce qu'ils étaient là, après que quelque chose venait juste de se passer, dans une dimension du temps qu'il ne connaissent pas.
Parce qu'ils étaient là, après que quelque chose venait juste de se passer, dans une dimension du temps qu'il ne connaissent pas.
Comme morts, déjà, ils ont de la chance, en bonne logique biblique : on ne survit pas au divin.
Les gardes sont là pour nous dire que ce passage, n'est pas, n'est pas du tout, une continuité, après l'automne l'hiver, après le printemps l'été, après Noël, Pâques... Mais que c'est un passage au travers ce que la bible appelle le Kairos, c'est à dire le temps favorable, le temps de Dieu.
Abordons la troisième facette de ce passage.
L'ange laisse la peur aux gardes il dit aux femmes : vous, n'ayez pas peur.
Pour vous, ce n'est pas la peine de goûter les faveurs du sacré par l'effroi, comme ces gardes.
Vous n'ayez pas peur, car vous avez déjà connu ce sacré quand il s'incarnait dans le comportement de Jésus, dans ses paroles , dans sa mission. Mais plutôt de rester dans la peur, d'avoir eu le sens du sacré mais de l'avoir laissé vous figer sur place, allez tout raconter. Allez dire aux disciples qu'il s'est réveillé, Jésus, dont vous étiez vous aussi les disciples, et maintenant vous êtes les premiers disciples à annoncer qu'il s'est réveillé d'entre les morts.
Et dans leur course, elles rencontrent Jésus en personne, qui leur dit à peu près la même chose que l'ange.
Alors qu'avons nous appris?
Nous avons d'abord remarqué que le passage de Pâques, n'est pas qu'un passage de la mort à la vie, car cette expression est finalement incompréhensible.
Pâques survient quand tout est terminé et de préférence , accompli, d'une façon ou d'une autre, positive, ou négative.
Dans une fraction mystérieuse du temps, je pourrais même dire dans une brèche, Pâque est un entrainement vers un commencement.
Celui-ci, nous ne l'avons pas forcément souhaité.
Recommencer, passe encore, mais commencer, c'est inimaginable,
Qui parmi nous a encore la sensation de commencer quelque chose, ou la simple sensation de commencer en permanence ? Bienheureux êtes vous, qui avaient cet état d'esprit. Vous êtes dans l'instant de Pâques.
C'est quand tout est terminé, ou que tout va se terminer, et quand peut être même on avait accepté cette situation, et peut être même qu'on n'en avait rêvé, d'en finir pour dire, enfin, enfin....
C'est à ce moment là que tout se met à commencer.
La meilleure comparaison c'est avec ce que vit une femme qui ne s'attendait pas à encore avoir un autre enfant, quand celui qui était le dernier, a déjà 12 ans. Tout commence alors qu' elle se disait, bon, c'est terminé.La comparaison a ses limites. Mais c'est la plus proche de la signification que je suis allé nous chercher , ce matin.
La première trace de signification de Pâques. Une réveil brusque de nous mêmes . C'est bien plus subtil qu'un passage de la mort à la vie, bien plus subtil qu'une nouvelle vie, c'est à dire la même en mieux,
mais c'est une vie nouvelle, c'est à dire, oui, une autre vie, un autre parcours, sur une route qui nous était totalement invisible. Et entre les deux, il n'y pas de solution de continuité. Pâques, ce n'est pas la vie après la mort, c'est une vie nouvelle, et il y a un espace entre les deux.
Quel est ce espace, c'est l'espace où Dieu réside. Et c'est parce qu'il est entre, qu'il est partout, ce n'est pas Dieu qui vit dans notre espace, c'est nous qui vivons dans le sien.
Ensuite Pâques, c'est la peur des gardes peur qui les fait devenir comme des morts. Dans ce passage, comme dans le passage de la première pâque, la sortie d'Egypte, après l'effroi des plaies, de la mer qui se referme, qui a cloué sur place l'armée égyptienne.
Pâques, c'est aussi un arrêt dans cet espace là c'est aussi subir l'effroi venu du sacré, comme si brusquement nous prenions fugitivement conscience, qu'entre nous, que sous nous, au dessus de nous et en nous, le sacré était présent, comme une énergie secrète, et parfois dangereuse, soi disant invisible, mais que nous ne pouvons pas éprouver quotidiennement, puisque ce serait insupportable.
Ces gardiens de la mort l'ont vu, et ils sont tombés comme morts...appelés sans doute eux aussi, à ressusciter, pourquoi pas, ce n'est pas parce qu'on est gardien de la mort, qu'on ne pourra pas percevoir, un jour, de façon plus bénéfique, Dieu, non pas par l'effroi, mais par la grâce, l'amour, qui se loge aussi, entre, là où Dieu réside, c'est à dire, partout. Y compris entre chacun de nous. Pensez y au moment de la communion. Et, enfin,
Vous, n'ayez pas peur.
Et c'est la troisième facettes de Pâques à travers ce texte. Ce passage, vous fera peur aussi, mais ce n'est pas la peine d'avoir peur tout le temps. Car si vous n'avez que peur, vous ne ferez passer aucun message. Vous ne réussirez qu'à faire peur aux autres. N'oublions pas que c'est souvent la méthode des religions, faire peur à tout le monde, pour parler de Dieu, de ce Dieu qui fait peur.
Vous, n'ayez pas peur. Vous avez perçu le sacré, et maintenant vous devez agir. Vous croyiez que tout était terminé , que tout était accompli et qu'il allait s'agir de se reposer. Et bien non. Vous devez permettre aux gens de retrouver le sens du passage. Ce n'est pas pour rien d'ailleurs, que nos récits sont évidemment aussi, des passages. Vous allez raconter.
Tout commence.
Vous allez raconter ce passage. Ce commencement. Vous allez Inviter les gens à l'exprimer par le baptême, vous allez annoncer non pas le Dieu de la peur, le Dieu du passage, le Dieu du commencement.
Amen.
16 JANVIER PORT ROYAL
Un récit évangélique (Jean 1, 27-34)
Ce que Jean le Baptiseur dit de Jésus
29Le lendemain, il voit Jésus venir à lui et dit : Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. 30C'est à son sujet que, moi, j'ai dit : Derrière moi vient un homme qui est passé devant moi, car, avant moi, il était ; 31moi-même, je ne le connaissais pas ; mais si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il se manifeste à Israël.
32Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ; 33moi-même, je ne le connaissais pas ; c'est celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau qui m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit saint. 34Moi-même, j'ai vu et j'ai témoigné que c'est lui le Fils de Dieu.
Jean dit aux pharisiens : « Moi j’immerge dans l’eau. Parmi vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Il vient après moi et je ne vaux pas pour délier la lanière de sa sandale. » Cela survient à Béthanie au-delà du Jourdain, où Jean immergeait. Le lendemain, il regarde Jésus venant à lui et dit : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève la faute de l’univers. Le voici, celui dont moi j’ai dit : ‘Après moi vient un homme, devant moi devenu, parce que, antérieur à moi, il est.’ Et moi je ne pénétrais pas qui il était. Mais pour qu’il soit manifesté à Israël, pour cela je suis venu, moi, immerger dans l’eau. »
Jean témoigne et dit : « J’ai contemplé le souffle descendre hors du ciel comme une colombe, et demeurer sur lui. Et moi je ne pénétrais pas qui il était. Mais celui qui m’a envoyé immerger dans l’eau, celui-là m’a dit : ‘Celui sur qui tu verras le souffle descendre et demeurer sur lui, c’est lui, il immergera dans le souffle sacré.’ Et moi, je l’ai vu, j’en témoigne, oui, c’est lui le Fils de Dieu. »
PREDICATION
Ce matin je vous ai lu les deux traductions, l'une traditionnelle, l'autre, on va dire démasquante, c'est à dire qui révèle les termes qui ont été masqués par la tradition religieuse,
ainsi dans cette traduction , l'esprit c'est le souffle, et l'esprit saint c'est le souffle sacré, ainsi dans cette traduction, connaître c'est pénétrer, et baptiser c'est bien immerger.
Mais il y a des mots qui restent, vous les avez entendus, et qui resteront, comme l'eau, comme la colombe. Tous ces mots encore libres, sans leurs masques.
Je vous les ai lues toute les deux pour que déjà vous ré entendiez leur vitalité, telle que la ressentait les gens cette époque et même avant.
L'esprit de Dieu se ressentait comme un souffle, comme nous ressentons le vent, la brise, ou l'ouragan.
D'une certaine manière, les gens de ces époques savaient mieux que nous ce qu'était l'esprit, parce que la communication par les sens normaux et au travers de la vie normale n'étaient pas encore coupée, pour aller plus loin, les mots n'étaient pas encore tous protégés par le copyright religieux établi.
Hélas ce copyright fait que nous ne ressentons plus grand chose.
Aujourd'hui plus grand monde ne peut parler de l'esprit sans entrer dans des considérations métaphysiques, alors qu'il s'agit du souffle, le même souffle qui passe dans nos poumons et dans notre sang et qui s'en va, pour encore revenir, jusqu'à rejoindre son origine le jour où nous ne serons plus animés.
Entrons plus précisément dans ce que ce récit de Jean peut nous dire ce soir, grâce à la traduction démasquée, et à partir du mot immerger, qui démaque le mot baptiser.
En latin, mergere veut bien dire plonger. Et im/ merger cela veut bien dire plonger dedans.
Or, contrairement aux trois autres évangiles, l'évangile de Jean ne raconte pas l'éventuelle immersion de Jésus dans l'eau. Ce qui est très étonnant pour nous, puisque le baptême de Jésus est souvent cité en exemple pour justifier notre invitation à nous faire, nous-mêmes, baptiser. Cet exemple est valable, mais uniquement pour trois évangiles sur quatre. Pas celui de Jean. Est-ce à dire que pour l'évangile de Jean Jésus cette histoire d'immersion n'a aucune importance, et qu'on passe rapidement sur sur des considérations aussi matérielles ?
Je ne crois pas cela, mais je crois que l'évangile de Jean traite les même questions mais avec un autre degré.
L'évangile de Jean raconte un baptême mais l'immersion en question est particulière . Le souffle descend sur lui et va demeurer en lui. Le souffle s'immerge dans Jésus est Jésus est immergé dans le souffle.
Et le baptiseur, d'une certaine manière est véritablement bouleversé, en grec on dirait catastrophé, parce que la catastrophe originellement si elle est toujours bouleversante, n'est pas forcément dramatique.
Je veux ressentir le bouleversement du baptiseur quand il dit
Jean témoigne et dit : « J’ai contemplé le souffle descendre hors du ciel comme une colombe, et demeurer sur lui. Et moi je ne pénétrais pas qui il était »
Comment décrire mieux ce « moment » là. Qui est le « moment » où Jésus vient, où le monde, le cosmos, l'univers, reçoit une onction qui ne lui sera, malgré tous nos efforts, jamais retirée.
Le moment bouleversant, c'est ce que l'évangile de Jean raconte.
Le moment où le divin s'immerge dans le monde duquel il s'était retiré, et je comprend, par hypothèse pourquoi évangéliste Jean n'a pas beaucoup insisté sur l'immersion dans l'eau, parce que ce que cet évangile promeut, ce n'est pas une simple immersion dans l'eau, mais pour employer un terme philosophique, car avec l'évangile de Jean on est aussi dans un moment où de la philosophie croise de l'évangile,ce dont l'évangile de Jean parle en premier c'est d' une immergence, c'est à dire une véritable immersion dans l'univers, dans le cosmos, dans cet univers inspiré de façon permanente par le souffle sacré, l'esprit saint.
Mais ce que l'évangile de Jean veut à tous prix faire ressentir c'est une nouveauté absolue.
Une véritable émergence, une apparition de cette nouveauté et cette nouveauté a un programme qui est écrit dans ce court récit:
Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.
Ou dans la une traduction démasquée
« Voici l’agneau de Dieu qui enlève la faute de l’univers »
Quel est ce péché, cette faute, ce manquement en hébreu , ce ratage pour employer un terme exact.
Certains n'y croient pas, au péché.
D'autres le confondent avec le Mal.
Alors ils inventent un personnage du Mal et le font se battre avec le personnage du bien, mais il s'agit alors d'une religion qui n'est pas biblique. Passons.
Alors que le péché n'est pas quelque chose de simpliste, il n'est forcément lié avec la morale, comme si une liste d'interdictions pouvait ôter le péché du monde,
Cette notion désigne plus subtilement quelque chose qui s'est enrayé, un vice de construction, qui fait que , souvent, individuellement, collectivement, on rate on manque sa cible.
Ce vice de construction, est d'une origine mystérieuse, mais ceux qui ne croient pas au péché, peuvent quand même se retourner, regarder le monde et s'apercevoir qu'au delà de la perception morale, il y a tout de même quelque chose qui ne tourne pas rond, une sorte d'empêchement, mais que cependant, ce quelque chose qui ne tourne pas rond est constitutif de notre vie telle qu'elle est. Il s'agit de quelque chose totalement intriqué dans notre condition humaine. Je dirai même que sans l'existence de cette torsion, la bible, n'aurait jamais été écrite, et jamais personne n'aurait consolé quelqu'un d'autre.
Sans doute, pour bien appréhender ce que veut dire le mot péché, il faut retourner aux sempiternelles protestations des prophètes bibliques contre ceux, les peuples, les rois, qui ont une tendance un peu systématique à s'abandonner aux idoles, c'est à dire à ce qu'ils voient , à l'immédiateté, plutôt qu'au Dieu dont on leur parle mais qu'ils ne voient pas – sans doute à cause de son aveuglante proximité...
Et ces idoles, souvent très sophistiquées, sont bien entendues creuses, elles ne sont que des leurres qui renvoient vers une illusion mais hélas le leurre lui même est bien réel, matériel, mais voilà, vivre dans l'illusion est la garantie absolue de manquer sa cible, de pédaler dans le vide, et donc une véritable manifestation de ce fameux péché.
Cet agneau de Dieu qui non pas va enlever, mais enlève – le péché du monde , il ne s'agit plus d'une prophétie, fouille donc dans les arcanes de la réalité et répare ce qui est tordu pour que les peuples, les personnes, les rois, et tout le monde, ne sacrifient plus leur bonheur, c'est à dire le profit du miraculeux temps de vie qui nous est donné, pour des simples illusions, qui peuvent devenir, évidemment , collectives et peuvent engendrer des malheurs qui n'en peuvent plus de marquer des générations.
Alors contre toute attente, l'évangile , chers amis, ne vient pas nous plonger dans l'illusion et nous faire admirer le ciel et les anges
Il est quelque chose de nouveau, qui émerge dans nos vies et notre réalité que nous avons du mal à saisir.
Il vient supprimer les leurres, que ces leurres soient nos lubies, nos égoïsmes, nos cynismes, nos fausses jouissances du pouvoir, nos envies de sur exister, nos idéologies qui nous manipulent, et beaucoup de croyances, toutes ces idoles, voyantes, et creuses sont si nombreuses, tellement pullulantes, qu'on se dit, oui, celui qui ôte le péché de l'univers a beaucoup de travail.
Pourquoi, me direz vous, tous ces leurres, qui entrainent tant de manquements sont encore aussi nombreux et ne semblent pas particulièrement enlevés ? Pourquoi, puisque cette parole n'est pas une prophétie, « voici l'agneau qui enlèvera le péché du monde » mais un présent : « voici l'agneau qui enlève le péché du monde »
pourquoi en gros les manifestations de ce péché sont encore là ?
Il y a deux sortes de raisons.
En réfléchissant un peu on pourrait invoquer des raisons nombreuses : souvent l'évangile est transformé en idole et nous avons l'art de le transformer en paroles creuses.
Ensuite, on pourrait dire parce que rien ne sera ôté sans notre consentement. Il est déchirant de quitter nos idoles, nos petites idoles personnelles, qui nous font agir et penser presque automatiquement, individuellement, comme si nous étions des robots, et collectivement, comme si nous étions des fourmis.
Et ce consentement passe par le bouleversement, le même qui a saisi le baptiseur, qui lorsqu'il a vu Jésus et le souffle qui descendait le souffle a du lui aussi quitter, d'une certaine manière ce à quoi il croyait avant.
Mais ces remarques là, quand on se saisit bien l'évangile de Jean, ne sont pas totalement satisfaisantes. Ca fait deux mille ans qu'il enlève le péché du monde et les idoles continuent leurs danses.
La question reste « mais alors quand ? »
Quand cesserons nous de vivre dans toutes ces illusions et cesserons nous de nous manipuler avec tous ces leurres pour continuer à ne pas ressentir le souffle, pour continuer à ne pas profiter de la vie qui nous est donnée?
Il y a une réponse. Elle est étonnante, bouleversante.
Tant que l'évangile est prêché,
nous sommes encore dans ce moment évoqué tout à l'heure
le moment de l’émergence
nous sommes tout simplement dans cette fraction mystérieuse du temps
dont on ne voit pas les limites et pour cause
car qui connait,
quand il le vit,
les limites d'un moment ? AMEN.
10 JANVIER MAISON FRATERNELLE
jEAN ch. 11 , 1 à 44.
1 Maintenant il y avait un certain malade, Lazare de Béthanie, village de Marie et de sa soeur Marthe. 2 Et c'était cette Marie qui répandit du parfum le Seigneur et qui lui essuya les pieds avec ses cheveux, et c'était son frère Lazare qui était malade. 3 Donc les soeurs envoyèrent dire à Jésus: Seigneur, sois conscient que celui que tu aimes est malade. 4 Quand il entendit ça, Jésus dit ça: cette maladie n'est pas destinée à la mort; mais elle concerne la gloire de Dieu, pour que le Fils de Dieu soit glorifié par elle. 5 Cela dit, Jésus aimait Marthe, et sa soeur et Lazare.
6 et quand il apprit qu'il était malade, il resta, en vérité, dans le lieu où il était, deux jours encore 7 alors seulement il dit aux disciples: Retournons en Judée. 8 Les disciples lui dirent: Rabbi, les Judéens tout récemment cherchaient à te lapider, et tu retournes en Judée! 9 Jésus répondit: N'y a-t-il pas douze heures au jour? Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne bronche pas, parce qu'il voit la lumière de ce monde; 10 mais, si quelqu'un marche pendant la nuit, il bronche, parce que la lumière n'est pas en lui. 11 Après ces paroles, il leur dit: Lazare, notre ami, dort; donc je peux le réveiller. 12 Les disciples lui dirent: Seigneur, s'il dort, il sera guéri. 13 Jésus avait parlé de sa mort, mais ils crurent qu'il parlait d'une assoupissement ...
14 Alors Jésus leur dit ouvertement: Lazare est mort. 15 Et, à cause de vous, afin que vous croyiez, je me réjouis de ce que je n'étais pas là. Mais allons vers lui. 16 Sur quoi Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples: Allons y aussi, pour mourir avec lui!
17 Jésus, étant arrivé, constata que Lazare était déjà depuis quatre jours dans le sépulcre 18 Et, comme Béthanie était près de Jérusalem, à quinze stades environ, 19 beaucoup de Judéens étaient venus vers Marthe et Marie pour les consoler de la mort de leur frère. 20 Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au-devant de lui, tandis que Marie se tenait assise à la maison. 21 Marthe dit à Jésus: Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. 22 Mais, maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera. 23 Jésus lui dit: Ton frère se relèvera 24 Je sais, lui répondit Marthe, qu'il se relèvera au relèvement au dernier jour. 25 Jésus lui dit: Je suis le relèvement et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort; 26 et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Tu le crois ça? 27 Elle lui dit: Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir dans le monde.
28 Ayant ainsi parlé, elle s'en alla. Puis elle appela secrètement Marie, sa soeur, et lui dit: Le maître est ici, et il te demande. 29 Dès que Marie eut entendu, elle se leva rapidement, et alla vers lui.
30 Car Jésus n'était pas encore entré dans le village, mais il était dans le lieu où Marthe l'avait rencontré. 31 Les Judéens qui étaient avec Marie dans la maison et qui la consolaient, l'ayant vue se relever rapidement et sortir, la suivirent, en disant: Elle va au sépulcre, pour y pleurer. 32 Lorsque Marie fut arrivée là où était Jésus, et qu'elle le vit, elle tomba à ses pieds, et lui dit: Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. 33 Jésus, la voyant pleurer, elle et les Judéens qui étaient venus avec elle, se mit à bouillir de colère, et fut très troublé. 34 Et il dit: Où l'avez-vous mis? Seigneur, lui répondirent-ils, viens et vois. 35 Jésus pleura. 36 Sur quoi les Judéens dirent: Voyez comme il l'aimait. 37 Et quelques-uns d'entre eux dirent: Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne meure pas?
38 Jésus frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au sépulcre. C'était une grotte, et une pierre était placée devant. 39 Jésus dit: Enlevez la pierre. Marthe, la soeur du mort, lui dit: Seigneur, il pue déjà, car il y a quatre jours qu'il est là. 40 Jésus lui dit: Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu? 41 Ils enlevèrent donc la pierre. Et Jésus leva les yeux en haut, et dit: Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. 42 Pour moi, je savais que tu m'exauces toujours; mais j'ai parlé à cause de la foule qui m'entoure, afin qu'ils croient que c'est toi qui m'as envoyé. 43 Ayant dit ça, il cria d'une voix forte: Lazare, sors! 44 Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d'un linge. Jésus leur dit: Déliez-le, et laissez-le aller.
Nous avons tous une représentation de Jésus, même si nous fréquentons peu les textes qui parlent de lui, ou qui le font parler.
Après l'écoute de ce récit, qu'est ce qui dissonerait entre la représentation que nous avons de Jésus, et ce que nous en avons entendu?
Peut-être déjà ceci :
Jésus apprend la maladie de son ami Lazare, dans le village où habite d'autres amies, Marthe Marie. Cela nous est répété deux fois en cinq versets: Jésus aimait ces gens. Lazare était son ami.
Jésus donc avait des amis. Premier contraste avec l'image surréelle de Jésus. Parfois inhumaine, que nous aurions construite. Jésus c'est tout sauf une personne normale, c'est un serviteur, et même, un service.
Mais peut-être que nous avons entendu une autre dissonance;
Jésus semble ne pas tenir compte de la maladie de son ami.
Quand il apprend qu'il est malade, il décide de rester deux jours de plus là où il était.
Et avec tout le récit on apprendra qu'il mettra quatre jours pour enfin se rendre sur place. Là, on voit encore une fois un Jésus humain, certes, mais pas forcément sur le côté optimiste de ce mot. Humain, trop humain ? Indifférent ? Présomptueux? Cette maladie n'est pas pour la mort...Et peut-être aussi, pas si courageux que ça.
Certes, on pourra dire que tout était calculé, qu'il fallait que Lazare meure pour être ressuscité, et qu'alors il fallait patienter, le laisser mourir, certes on peut monter le curseur de toutes les phrases théologiques grandioses qui commentent l'action.
Mais ce soir, je vais en rester à l'action. Je vais suivre l'action. Les faits, les mouvements d'un texte plus malin que ce que l'on croit communément.
Qui n'irait pas voir, séance tenante un ami, sur le point de mourir?
Certes encore une fois, tout le monde sait qu'il va se relever, mais, au moins lui Lazare (celui qu'on appellera encore le mort alors qu'il fera ses premiers nouveaux pas) , lui, Lazare, ne le savait pas, qu'il allait retrouver ses amis, et donc, avant de mourir, il a souffert de l'absence, et de l'indifférence de Jésus.
Oui, ici, ce qui est évoqué dans un éclat, c'est cette indifférence mêlée de présomption et de lâcheté . Celle du médecin qui fait un pronostic faux devant un malade qu'il n'écoute pas et qu'il ne reverra plus. Celle qui s'abat sur un ami qu'on ne va pas voir parce qu'on a n'a pas envie de rencontrer l'image de sa propre mort, de sa propre possibilité d'être malade.
En plus, les disciples en rajoutent. Quand finalement Jésus se décide, au bout de deux jours à partir, ceux ci tentent de le décourager « tu risques la mort là bas », les « Judéens » « ils vont te lapider ». On trouve facilement des alliés quand on est pris dans sa propre lâcheté. La lâcheté est puissante, ce n'est pas une faiblesse, c'est une force considérable.
L'évangéliste fait beaucoup de théologie glorifiante dans ces commentaires, qui attirent les commentateurs, mais en filigrane, c'est la peur de la mort qui est suggérée ici; la peur de sa propre mort qui se révèle dans la parcimonie avec laquelle nous combattons la possibilité de la mort des autres, au prix d'un sacrifice douloureux, celui de notre dignité.
Et cette phrase aussi ... très significative quand enfin on comprend que l'écrivain a dans ce texte un double discours :
« Lazare notre ami, s'est endormi, mais je vais le réveiller de son sommeil »
Si on laisse cette parole en suspens, ne nous rappelle-t-elle pas ces paroles, les nôtres, destinées à nous protéger ? Tous ces euphémismes, en particulier celui du sommeil. On le sait bien que le sommeil n'est pas la mort. Pourtant, on dit encore; « il s'est endormi ». Les disciples sont lucides, et comme des enfants à qui on aurait menti en leur annonçant la mort d'une personne qu'ils aimaient, ils réagissent: « Seigneur, s'il s'est endormi, il est sauvé ! »
C'est alors que le lent processus d'acceptation de la part de Jésus, qui lui a pris deux jours, et qui est passé par la métaphore du sommeil, prend fin. Et c'est remarquable, verset 14: « Alors Jésus leur dit ouvertement: Lazare est mort ». Trois mots, qui concluent deux jours où Jésus a pris conscience de la réalité de la mort, quelques versets, habilement tressés par l'auteur, pour nous faire passer de l'évitement à la prise de conscience de la réalité.
La deuxième partie du récit peut commencer. Mais l'essentiel est dit.
Toute la troupe s'ébranle.
A son arrivée, Jésus constata que Lazare était dans le tombeau depuis quatre jours, nous dit-on.
Mais le lecteur constate que Jésus « constate » à ce moment là. C'est à dire qu'en fait, il n'en savait rien. On constate avec Jésus que c'est trop tard. On voit aussi que ces fameux Judéens qui auraient pu le lapider étaient eux entrés dans le deuil avec Marthe et Marie et qu'ils les réconfortaient, eux.
« Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort, lui dira Marthe »
et elle rajoute des paroles d'espoir :
Mais, maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera.
En tout les cas, il ne serait pas mort seul, dit le commentateur de ce soir, devant vous.
« Si tu avais été ici » ...lui répétera Marie, c'est presque un martèlement dans ce texte, Marie qui elle n'est pas spontanément venue accueillir Jésus. « mon frère ne serait pas mort » Mais elle , Marie, ne rajoute aucune parole, et pour le lecteur, c'est un blanc, une absence, une absence d'espoir.
Marie, elle pleure, c'est tout. Et tous les Judéens avec elle. Et là, on lit « enfin » que Jésus est « troublé ». Enfin ! Le texte dit que Jésus « s'emporte », se se met à bouillir de colère, ou fulmine . Deux fois.
Ces petits mots sont les clés. Les clés pour bien comprendre ce que ce récit nous dit encore en filigrane. Un récit qui ne fait pas de cadeau au personnage Jésus, qui le fait passer d'une certaine présomption, d'une lâcheté auto justifiante, d'un attentisme incroyable, d'une utilisation d'une rhétorique , celle du sommeil, infantile, à un véritable trouble, et à une véritable colère, face à la plus grande manifestation du réel qui soit, la mort, celle de quelqu'un qu'on aime, et que d'autres personnes qu'on aime aussi aimaient aussi. Et on s'aperçoit que les tergiversations du personnage Jésus sont les nôtres.
La suite, vous la connaissez. Je ne vais pas la commenter. Ce que je voulais faire ce soir, c'est vous faire entrer dans ce texte, pour que vous le sentiez.
Et s'il y a une morale, une invitation dans ce récit, s'il y a une invitation à la croyance au relèvement, à la résurrection, alors il ne faut pas faire comme Jésus, il ne faut pas tergiverser ou patienter, pas avoir peur, pas se croire plus fort qu'elle, pas prétendre tout savoir, il ne faut pas euphémiser la mort, il ne faut plus se prendre les reproches de Marthe, et de Marie, il ne faut plus laisser pleurer Marie, mais il faut aussi faire comme Jésus, exprimer son trouble, sa colère.
4 jours pour comprendre, tel est le titre que je donne ce fabuleux récit de Jean.
JEUDI SAINT 2011
MATTHIEU 26 36 – 46 26Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain ; après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit et le donna aux disciples en disant : Prenez, mangez ; c'est mon corps. 27Il prit ensuite une coupe ; après avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : Buvez-en tous : 28c'est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu en faveur d'une multitude, pour le pardon des péchés. 29Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le royaume de mon Père. 30Après avoir chanté, ils sortirent vers le mont des Oliviers.
Ce soir, chers amis, nous sommes un cénacle, c'est à dire, des gens conviés à un repas du soir, appelé , appelé en français, à partir du latin, la Cène.
Toujours à partir du latin, et aussi du grec, la cène désigne un repas en commun. C'est à partir de ce simple repas , en commun, que notre religion, notre communion, est née. Parce que notre religion, avant d'être des dogmes, des principes ou de la morale, est avant tout, et historiquement c'est vrai, une communion.
Cette religion, notre religion a eu pour particularité de prendre des éléments du quotidien et de les transformer en sacrements ou à tout le moins, en gestes symbolique forts. J'en veux pour exemple, la Cène qui est un repas, on l'a dit, mais aussi le baptême, qui est un bain, mais aussi la confirmation qui est le geste simple, d'une transmission de l'assurance et de la confiance.
A propos de confiance, et pour continuer dans cette évocation, la confiance, cette énergie indispensable à la vie, cette confiance, qui existe entre nous, même si elle souvent altérée, a été réinventée, presque sacralisée, par l'apôtre Paul, et l'autre nom de cette confiance, c'est bien entendu la foi.
Cette religion a été vraiment créative quand elle vu aussi, dans le simple de s'éveiller, ou de relever l'autre, la résurrection, qui signifie, exactement, la même chose.
On dirait que cette religion naissante s'extasiait devant le simple quotidien et plutôt que de le mépriser, elle a , en transformant ces gestes ou ces notions, quotidiennes et indispensables en gestes et notions religieuses, elle a dit , elle a exprimé, elle a annoncé, toute la beauté, souvent cachée de notre quotidien .
Quotidien dans lequel parfois nous perdons notre souffle, mais ce souffle, lui aussi, a été sacralisé, le souffle, celui que nous perdons, celui auquel nous aspirons, celui qui nous inspire, celui que nous trouvons, ce souffle dont nous attendons souvent le second, ce souffle c'est bien entendu l'Esprit, et puisque nous avons ce souffle, nous sommes fils et filles de l'Esprit, du souffle de Dieu. Alors, même le quotidien que nous jugerions le plus morne, est appelé à être reconsidéré, revalorisé, remarqué, ce sera d'ailleurs un bon moyen, si nécessaire, de le transformer.
Alors oui, ces premiers disciples, après que leur maître était parti, ont continué à aller au temple, ont continué à la synagogue, mais ils ont aussi pris l'habitude de partager le repas du soir, en dehors de la synagogue, en souvenirs des paroles que leur maître, un jour, leur a dites, pendant qu'ils mangeaient.
Ce qui nous permet de rencontrer notre texte du jour.
J'aime beaucoup cette indication de Matthieu : pendant qu'ils mangeaient... Jésus prit du pain...
Et non pas avant qu'ils mangent, cette petite indication si elle était réveillée, pourrait légèrement transformer légèrement nos rituels. Celui de la cène, où l'on pourrait se passer le pain et ensuite, seulement ensuite, prononcer la bénédiction, et continuer ensuite avec le vin, mais cela pourrait aussi transformer nos habitudes de chants, ou de prières, avant le repas : il faudrait le faire au milieu de repas...Pour dire, le Seigneur vient nous bénir au cœur des notre quotidien, au cœur d'une communion toute banale a priori, mais que sa bénédiction vient révéler, éclairer.
Jésus dans ces quelques paroles toutes simples qu'il dit à ses disciples ce soir-là, c''est cette révélation du quotidien qu'il vient accomplir
Vous voyez ce pain, ce pain que je vous donne, et bien c'est mon corps. Je vais être bientôt arrêté et probablement condamné à mort, mais ce pain, ce vrai pain que je vous donne, au milieu de ce repas, et bien c'est mon corps, c'est à dire moi même, qui vais continuer ma route avec vous, même s'ils me tuent. A chaque fois que vous mangerez de ce pain, vous penserez à moi, à ce qui a été fait, à ce que nous avons faits, à ce que je vous ai dit et combien le Seigneur a été bon pour nous de nous accorder cette aventure exceptionnelle de beauté et de vérité. Alors, si vous ne voulez pas m'oublier, à chaque fois que vous mangerez ensemble du pain, je serai là, nous serons ensemble, même s'ils m'ont tué.
Je remercie pour cette coupe dans laquelle il y a du vin, ce vin qui nous a souvent réjoui, ensemble, lorsque nous dinions avec tous ces pécheurs, ce qui nous a été beaucoup reprochés, n'est ce pas Lévi ( Lévi était un collecteur d'impôt, unanimement détesté de tous, avant de devenir disciple)
Vous voyez ce vin, ce vin joyeusement banal, et bien c'est mon sang, le sang qui dans notre tradition signifie la vie qui circule dans notre corps, ce vin, c'est mon sang, ma vie qui circulera entre vous, entre nous, même s'ils me tuent.
Cette coupe, c'est un nouveau pacte, une nouvelle alliance, qui renouvellera l'ancienne qui en a besoin, ils ont perdu jusqu'au sens des choses qu'ils font.
Nos rituels à nous, seront les rituels de notre quotidien, boire, manger, se laver, s'embrasser, prendre soin des uns des autres, alors, oui ce vin, ce sang, c'est la vie qui va continuer. N'ayez peur de rien.
Moi, c'est la dernière fois, je crois que je partage ce repas avec vous, et dans ce repas là, il y a tous les repas que nous avons déjà faits, tous ces repas où nous avons ri, discuté, interprété, décidé ce que nous allions faire demain, tous ces repas aux nez et à la barbe de tous ces intégristes qui nous observaient et nous jugeaient. Mais nous l'avons fait. Nous avons révélé au monde un trésor caché, qui n'était pas si caché que ça en fait, mais bizarrement, les gens étaient empêchés de le voir, le trésor de la grâce de Dieu, au beau milieu de notre vie quotidienne.
Et dans ce repas là, il y a aussi tous ces repas que nous prendrons ensemble, y compris celui ci, au Temple de Port Royal, ce jeudi 21 avril 2011.
Moi, je vous attends aussi, au moment de nos retrouvailles complètes, où ce vin, je le boirai, nouveau, dans la lumière du Règne de Dieu, oui, dans ce règne là, nous boirons encore du vin. Vous êtes les disciples de celui qui ne méprise pas la joie, souvenez vous en. Faites ceci en mémoire de moi.
Ces paroles presqu'imaginaires de Jésus, je les entends à chaque fois que je communie avec mes frères et sœurs, et je réalise quel engouement, quel sentiment de nouveauté, quel enthousiasme, pouvait susciter ce genre d'idées, au début de notre ère, quand quelques Galiléens, dans la pensée de leur maître, allaient changer le monde. AMEN.
CONFERENCE OECUMENIQUE SUR LE SACREMENT DE LA CENE
Par Robert Philipoussi, JUIN 2011 MAISON FRATERNELLE
En fait, le sujet proposé les rapports du sacrement de la sainte cène, et de sa matière est d'une complexité folle ; pour le traiter j'aurais dû profiler les conceptions de cette fameuse matière depuis Platon et Aristote, en passant par Augustin, qui parle à peine de la fameuse présence réelle mais qui insiste beaucoup sur la fonction symbolique de l'eucharistie, en passant par Béranger de Tours (11eme siècle, quatorze fois condamné) qu'on a obligé à confesser que c'était bien Dieu qui était sous ses dents, pour qui le corps et le sang du Christ sont présents sur l'autel, mais d'une présence spirituelle, symbolique du Christ réel, devant laquelle ne disparaissent pas les natures du pain et du vin, jusqu'au Dominicain Thomas d'Aquin , et ce que j'imaginais être l'exposé lui-même, outre le fait qu'il m'aurait fallu y consacrer une bonne semaine de travail, pour lui éviter des contre sens, des fautes philosophiques, aurait été inaudible.
C'est pourquoi, j'ai décidé d'aborder ce thème avec mon propre bagage habituel disons, d'un théologien généraliste et pratique. Dans mon métier de pasteur d'une paroisse exigeante, je n'ai plus vraiment le temps de me plonger dans la recherche pour présenter une généalogie philosophique, dans le seul objectif de vous fournir une exposé asséchant et de vous permettre de rentrer chez vous consternés.
Je pars donc d'une intuition, que se transforme en raisonnement, une intuition que je vais qualifier d'oecuménique. Car on est bien là pour ça, pour faire progresser l'Eglise.
1° Regard sur la conception calvinienne et ce que j'y vois comme impasses
2° Regard sur la conception catholique et ce que j'y vois comme impasses.
3° esquisse d'une proposition d'un sas oecuménique
1°)
Je me sens bien dans la conception protestante en particulier calvinienne dans sa pratique, a priori simple à comprendre, d'un partage de pain et de vin, effectué
non seulement en souvenir du dernier repas de Jésus avec ses disciples,
non seulement en souvenir plus historique, on va dire, du rite qui distinguait au début de notre ère les juifs reconnaissant en Jésus le Messie et qui était devenu un repas symbolique, en français « assemblant » y compris ceux qui viennent d'ailleurs, on y rompait le pain sans distinction de provenance,
Non seulement en mémorial, non seulement en symbole, mais en signe de cette réalité de Dieu qui nous anime, et qui nous attend.
Le sens de ces agapes, mot qui vient d'Agapè qui signifie amour inconditionnel, me parle spontanément : c'est une fête où nos substances individuelles, notre être permanent tel que nous le concevons à tort où à raison, est invité non pas à se fondre, mais à communier verbe dont une des étymologies poétiques pourrait être de devenir « comme un », et où le mot comme vient nous instruire sur le fait que cette communion, est encore une sorte de métaphore, même si elle est une métaphore vive, une métaphore qui vivifient ceux qui communient. Rompre le pain est le signifiant intense d'un signifié d'une communion éternelle, qui un jour sera pleinement dévoilée.
Sur cette lancée, je n'ai aucun mal à saisir les paroles du Christ rapportées par la tradition « ceci est mon corps » « ceci est mon sang » comme des métaphores, de ce que peut signifier, cette communion, figurant le corps du Christ.
Théodore de Mopsueste, principales figures de l'École théologique d'Antioche, au 5e siècle, considéré comme hérétique par ailleurs, de son côté, commentant les paroles du Christ à la Cène, souligne : « Il n'a pas dit : 'Ceci est le symbole de mon Corps', mais : 'Ceci est mon
Corps' »
D'autant plus que je sais par ailleurs, que le verbe « être » rapporté en grec par les évangiles est en araméen ou en hébreu, un verbe d'une autre valeur que la définition ferme d'une essence, on va dire que c'est une sorte de mistigri, l'hébreu étant plus une langue du mouvement que de la définition. Comprenant cela, c'est mon corps devient une espérance de cette unité communielle, que j'espère, pour toute la création, telle qu'elle est prophétisée dans le premier récit de la création dans Genèse. Ceci (est) mon corps, ou, ça c'est moi, c'est le chemin qui se dessine entre un point de départ, l'unité de toute chose en Dieu, un truchement : le rite, qui vivifie cette réalité, et un point d'accomplissement : être unis en Christ.
Mais voilà, si je suis pratiquement satisfait et si je trouve dans ce rite ma nourriture de croyant, je n'en suis pas satisfait philosophiquement surtout quand ce rite se met à être pensé, comme le fait Calvin. Car au fond, Calvin quand il nous parle de présence réelle du Christ par le truchement de la manifestation de son corps dans l'assemblée qui communie, parle aussi de présence spirituelle, laissant au pain et au vin la possibilité de faire leur travail d'être ce qu'ils sont censés être, à savoir du pain et du vin. Et qu'est ce que je vois là, je vois une trace de l'idéalisme platonicien. En gros, il y a d'un côté l'Esprit, on va dire l'être, le sens, l'idée de ce qui se passe réellement dans l'événement de la Cène, en terme linguistique, le signifié, et de l'autre côté les signifiants, l'ombre, le pain et le vin. Calvin, évidemment, suit la pente augustinienne, platonicienne.
Ce qui me désespère, c'est cette reconsidération basse, au delà du pain et du vin, de la matière en général, qui devient un simple signifiant, c'est à dire vide, accroché par je ne sais quel linéament invisible à une Idée infiniment supérieure et flottante. Ce qui induit une tentation, dont les protestants, ne se sont pas privés.
Il suffit de couper ce fil là, entre le signifiant et le signifié, pour plonger direct dans une conception matérialiste de la matière justement, une matière emplie de vide, sans souffle, du pain, c'est juste du pain. Du vin, c'est que du vin. Même le plus buté des boulangers ou des viticulteurs ne supporterait pas cette affirmation. Le vin, justement, c'est bien plus que du « vin ».
Et là, le protestant que je suis bute sur cette matière soit disant vide et s'interroge sur ce qu'est cette matière là. Ca ne suffit pas de décréter que c'est du pain, ou que ce n'est « que » du pain, et de dire de quoi il est composé et comment il se fabrique, en réfléchissant un peu, je me dis que cette matière là, artificielle comme le pain, ou le vin, ou naturelle, comme l'eau du baptême, reste un insondable mystère, et dire « c'est du pain » « ça reste du pain » n'est pas suffisant, car au fond, je ne sais dire ce qu'est du pain, je ne sais pas, si je suis honnête, si je dois inclure dans sa définition les mains qui l'ont fabriqué, servi, l'intention qui a présidé à son existence, son mouvement permanent de transformation, je ne sais pas où est la limite, la couleur, la forme de ce que j'appelle pain. Surtout que de l'autre côté de la théologie, dans les sciences contemporaines, plus rien n'est stable, et la matière, n'est plus aussi stable que ne le rêvait Aristote, car elle est vibratoire, ondulante, quantique et indéterminée.
Entre le baratin du viticulteur qui éduque son vin comme on éduque ses enfants d'un côté, et la physique quantique de l'autre, le protestant que je reste ne peut pas dire, ce n'est que du vin, ou du pain...
En résumé de ce premier point je dis donc : certes, j'aime la pratique protestante de la métaphore vive, comme un, ceci est comme mon corps, la pratique qui n'exclut personne de ce challenge de devenir commun, mais je ne comprends pas cette distinction vertigineuse que fait Calvin, qui s'autorise à penser que Dieu, son Esprit, peut être partout, mais pas dans le pain et le vin, les laissant donc à leur vacuité de signifiant, invitant chacun à couper le cordon de la métaphore et à devenir matérialiste, et je ne comprends pas non plus comment on peut se contenter d'être aussi affirmatif et aussi stable dans nos définitions des fragments de cette matière là, par exemple le pain, et le vin. Qui ne sont pas, pour parler philosophiquement, des « êtres » à part, comme on peut prétendre que Dieu, son Esprit, notre âme pour ceux qui en ont une haute définition, pourraient l'être, mais qui sont en réalité des effets de la transformation permanente de la réalité dans laquelle même nos corps, sont embringués dans le mouvement, comme nos influx nerveux et nos pensées, nos opinions et tout le reste.
2°)
De l'autre côté, je ne me sens pas à l'aise dans l'eucharistie catholique : je me réfère aux quelques rares fois où anonyme, et donc en fraude, j'ai pris l'eucharistie dans ma main et senti le goût si particulier de l'hostie. Le défilé, le fait qu'un prêtre ou un serviteur me la donne, le fait de ne pas avoir accès au vin etc. Je dirai même que je ne comprends pas réellement le sens de ce qui se passe. En revanche, philosophiquement, je suis satisfait. La pensée dérivée d'Aristote de l'eucharistie catholique me convient dans la mesure où en effet, elle est à proprement parler « réaliste » et pas « idéaliste » qui finit par devenir « matérialiste » chez les protestants.
Réaliste, car elle révèle, par un miracle, mais pour moi c'est simplement le miracle de la connaissance, que cette matière là, y compris cette objet volontairement fade qu'est une hostie, est emplie de Dieu, et que donc, elle est infiniment mystérieuse, et ambiguë,et par voie de conséquence, infiniment respectable, comme notre corps, comme chaque élément de la création. Cette conception là remet l'esprit dans la chose ce qu'une conception matérialiste post protestante avait prétendu nous débarrasser.
Et pourtant, je ne suis pas catholique, et malgré les défauts, où à tout le moins , mon manque d'attirance pour la conception idéaliste protestante, qui en gros transforme tout en signe, et en métaphore qui fait toujours courir le danger à des petits malins de couper le fil, comme le fil d'un ballon à l’hélium, laissant le pauvre gamin sur terre avec son petit fil pendant, regardant attristé son beau ballon devenir de plus en plus invisible, jusqu'à devenir Tout Autre, cette énormité pré athéiste inventée par des théologiens protestants du Xxe siècle. Tant pis, je m'en arrange, parce que je crois que la matière insufflée c'est nous mêmes, et qu'il est toujours temps de vivre ce miracle de la conversion, en prenant conscience de notre qualité spirituelle profonde, de notre physiologie entrelacée de divin, puisque que nous sommes de cette création là.
Je ne suis pas catholique malgré ma préférence philosophique pour le substrat catholique, qui non seulement intègre le pain et le christ, mais intègre l'Eglise avec le monde, avec une prétention Universelle, donc intégratrice, non séparatrice, presque impitoyable, construisant des ponts, entre le divin et l'humain, par l’intermédiaire des papes, des prêtres, et de l'ordre.
Je ne suis pas catholique pour deux raisons principales. Si je me méfie de l'idéalisme séparateur protestant, comme je l'ai dit et en vois les lacunes et les effets, je me méfie aussi des conséquences du réalisme catholique de l'unité permanente : car déjà une de ses bases philosophiques est ébranlée : non, la substance, qui se trouve dans le mot transsubstantiation n'est pas immuable, stable, établie, d'une éternité à l'autre, et cette matière divine révélée est aussi meuble, mouvante, changeante, que le Dieu biblique tel qu'on le raconte dans la Bible, qui loin d'être une essence morne se révèle dans le changement, l’indétermination, le mystère, l'espérance même. L’ecclésiologie protestante me semble plus adaptée à cette conception de la réalité là, plus propre à suivre le mouvement.
Mais la raison principale est selon le protestant que je suis, le problème de la confiscation de la révélation de ce miracle de la divinité de notre matière-monde. Pourquoi cette révélation doit elle nécessiter un agent que n'importe qui ne peut pas être, pourquoi cloisonner ce miracle de la connaissance dans une démarche qui de fait , exclut.
Le point de fuite oecuménique est donc selon moi le suivant : la conception calviniste de la cène, ouvre la porte au matérialisme, c'est à dire à la conception d'une matière on va dire, lasse, morte, sans signification, devenir, intérêt. C'est trop facile, à partir d'elle de couper le fil, et de laisser le ballon se réfugier dans le ciel, et donc dans l'oubli. La conception de l'eucharistie catholique, qui je le rappelle ne s'est pas faite en un jour ..., est plus à même de rappeler de quoi nous sommes faits, que le sang qui coule dans nos veines est une vie palpitante, que ce pain n'est pas qu'un signe, mais qu'il est le résultat d'une histoire où l'imaginaire et le réel se confondent, communient, que ce corps communiant d'une église unie dans la communion n'est pas qu'un symbole, ou même qu'un signe, mais qu'il est un acte de cette communion universelle, une révélation parfaite quoique momentanée de ce qui se fait dans la réalité, cette réalité dans laquelle Dieu n'est pas exclu.
Cependant, l'ordre, c'est à dire l'instance séparatrice qui permet ce miracle, à mon sens, le contredit : en intégrant le divin et la réalité, l'institution catholique sépare le peuple entre ceux qui consacrent et ceux qui ne le peuvent pas, sépare aussi ceux dont elle décrète qu'ils n'ont pas le droit de communier et ceux qui ont le droit et du coup, tort la première idée qui est celle de l'intégration universelle. La communion catholique est devenue, à tort, la marque de l'institution, alors qu'elle s'est fabriquée philosophiquement comme l'actualisation de la présence de Dieu au milieu de nous, en nous, entre nous, et en plus fait croire à tort que le Dieu révélé ainsi est aussi immuable que ce que tente d'être l'Eglise.
3°)
Pourquoi ne sommes nous pas unis, hé bien c'est simple, c'est parce que nous avons trouvé bon d'habiter chacun dans nos propres erreurs et ce sera en apercevant les limites de nos approches que nous nous rendrons compte que ces limites sont en fait des murs mitoyens, il suffira donc d'y creuser une porte, un sas, sans toutefois toucher au mur porteur, ou évidemment à la pierre d'angle.
Quand j'ai envie de sortir de ce débat, je m'imagine les premiers juifs qui rompaient le pain en souvenir et en présence de leur maître qu'ils savaient relevés d'entre les morts, eux, savaient, qu'Emmanuel, Dieu avec nous, n'était pas Dieu tout autre, Ou Dieu réservé, mais que dans leurs Agapes, un Dieu plus libre commençait à parler aux hommes.
5 JUIN 2011 TEMPLE DE PORT ROYAL
Contexte : baptême de Nicolas (adulte)
LECTURE « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit aura la lumière de la vie et ne marchera jamais dans l'obscurité. » (Jean 8,12)
PREDICATION
Cette prédication tentera de tendre un fil qui reliera la Parole de Dieu qui s'adresse à Moise en disant « Je suis » dans le livre de l'exode, et le « je suis » de Jésus, qui parcourt l'évangile de Jean. Cette prédication sera construite autour de 3 messages adressés au baptisé, à Nicolas, à tous les baptisés que nous sommes, pourrions être, aimerions être.
Quand dans l'évangile selon Jean, Jésus dit « je suis », c'est le Dieu de Moïse qui parle à travers sa bouche.
Rappelons nous Exode 3 :
Moïse dit à Dieu : ‘’ Qui suis-je pour aller vers Pharaon et faire sortir d’Egypte les fils d’Israël ? ‘’ – ‘’ Je suis avec toi, dit-Il. Et voici le signe que c’est Moi Qui t’ai envoyé : quand tu auras fait sortir le peuple d’Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne.’’
Moïse dit à Dieu : ‘’ Voici ! Je vais aller vers les fils d’Israël et je leur dirai : Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous. S’ils me disent : Quel est Son Nom ? – Que leur dirai-je ? ‘’ Dieu dit à Moïse : ‘’ Je suis Qui Je serai. ‘’ Il dit : ‘’ Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : Je suis m’a envoyé vers vous. ‘’
Qui suis je dit Moïse, pour faire ceci ou cela, « qui suis-je ? »
La réponse est : « Je suis avec toi ».
Cette réponse , Je suis avec toi, est cassante, elle casse l'inquiétude de celui qui était occupé, préoccupé comme Moïse par la question de son identité.
Tu lui demandais qui tu étais ? Il te répond « je suis avec toi »
Il te répond : c'est moi qui suis, et je suis avec toi.
Tu n'as donc plus à t'inquiéter de rien. De qui tu es, et d'avec qui tu es.
Je suis – avec toi. Premier message au baptisé, à Nicolas, mais adressé à tous ceux qui parmi nous, sont baptisés, aimeraient l'être, pourraient l'être. Je suis avec toi. (geste)
Mais Moïse n'en reste pas là. Si le problème de son identité à lui semble résolu, magnifiquement par la réponse en forme de raccourci de Dieu, dans la révélation qu'en fait il n'y avait pas de problème, dans la révélation que l'identité est une notion sacrée, une prérogative « divine », dans la révélation que, c4est « moi qui suis » , reste tout de même le problème du Nom de celui qui parle e qui réponds, nom, identité qu'il va falloir transmettre . Qu'est ce qu'il va dire Moïse, à son Peuple ?
Et toi le baptisé, et nous les baptisés, qu'allons nous pouvoir dire ?
Celui qui parle, répond donc aimablement : il dit :Je suis qui je suis, ou je suis qui je serai... Diverses traductions possibles, mais qui nous ramène toujours au même mystère, au même interdit :
Tu voulais savoir mon nom, mais peut être que je n'ai pas de nom, peut être que je suis le Nom, peut être que je suis innombrable
Je suis qui je suis, qui je serai...encore une réponse intéressante, d'un Dieu qui se respecte, pour qu'on le respecte.
Moïse ne pose pas une troisième question, mais s'entend quand même dire tu leur diras,aux fils d'Israël : « je suis m'a envoyé vers vous »
Je dirai qu'avec ça, avec ce mandat, cette phrase tordue grammaticalement « Je suis m'a envoyé vers vous » , ça ne va pas être du gâteau pour Moise et à tous ces successeurs, pour expliquer, pour justifier, au nom de quoi, de qui, nous faisons ceci, ou cela.
Et plus grave, Imaginons tous ceux qui vont se prendre au jeu, en disant Je suis, comme si c'était eux... Imaginons autour d'eux tous les gens qui vont se faire avoir, et qui vont croire que tel chef religieux paranoïaque, est lui même divin alors qu'il n'a fait qu'usurper le Nom. Un comportement hautement blasphématoire s'il en est, et pourtant, hautement fréquent, et pas uniquement en religion.
Mais certains disent que nous avons les sauveurs, ou les tyrans que nous voulons. Ils seraient l'expression de la tyrannie que nous aimons exercer déjà sur nous mêmes.
Deuxième message au baptisés que nous sommes ou pourrions être : Je suis et bien, ce n'est pas toi. Toi, tu reçois l'eau, mais celle ci déborde, déborde tes propres limites. En pratiquant le baptême tu découvres tes propres limites, et vraiment, celui qui peut dire « Je suis » et que cela soit vrai, et bien ça ne peut pas être toi.
Quand tu décides de demander le baptême, tu décides simultanément de devenir libre de toutes les identités qui sont qui ont été ou que tu as collées sur toi et qui font de toi un « moi social » particulier et nommé, qui font que tu peux dire en permanence, je suis ceci ou cela, je suis fonctionnaire, pasteur, mère de famille, de gauche, de droite, pauvre, riche, malade jeune ou vieux, ou qui font que parfois même tu peux dire « je ne suis rien ». Mais ce sont juste des marques. Des tatouages posés sur quelque chose de beaucoup plus grand.
Ce n'est pas que tu doives les mépriser ,ou que tu doives les nier, ces identités, ces marques, ces tatouages, ces noms, mais c'est juste qu'ils ne sont pas toi, que tu n'es pas elles,
Alors, tu profites de l'eau du baptême pour décoller ces identités.
Qui tu es, ce n'est pas une question, car la vraie question est : où tu es, et cette question convoque cette réponse : tu es dans le Je suis avec toi, qui répond à Moïse
Mais tu n'es pas en dehors de ça. Tu n'es donc ni beau, ni intelligent, ni laid, ni pauvre, ni riche, ni de droite, ni de gauche, ni protestant, ni catholique, ni artiste, ni banquier, ni professeur, ce sont juste des marques, utiles, parfois, pour se démarquer, mais surtout là où tu es vraiment c'est dans la relation à Dieu, le reste, c'est de la fumée, qui fait son petit effet, mais qui se dissipe...
Alors, quand Jésus dit « je suis la lumière du monde », est il un blasphémateur, raison pour laquelle il a été condamné, ou, sommes nous dans le plus spectaculaire contre sens de l'histoire, qui nous empêche de comprendre ce que Jean, l'évangile de Jean tente de nous dire ?
Jésus-Christ pour les chrétiens, c'est « Je suis avec toi », comme dans l'exode, et jusqu'au bout, sur la croix. Dans Jean, Jésus est la Parole du Dieu de l'exode qui parle encore, au delà de la Palestine.
Et cette parole dit « je suis la lumière du monde ».
...ou du cosmos, dans le grec de l'évangile. C'est cette lumière là, du soleil de Palestine ou d'ailleurs, qu'apercevait le baptisé quand on le ressortait de l'eau, qu'on le relevait, qu'on le réveillait, qu'on le ressuscitait. Réveillé dans la véritable connaissance, relevé vers
la source de lumière, comme Jésus, lui aussi, a été relevé, réveillé, ressuscité.
C'est le moment,où après un passage dans une eau fuyante ou les identités ont été, une bonne fois pour toutes, relativisées ; c'est le moment où tout devient clair,. Je suis avec toi, ne t'inquiète plus. Même la mort, censée te dissoudre, n'a pas eu ta peau. Et...
Tu ne marcheras jamais dans l'obscurité, celle qui a tu as connue dans les tourments de ton immersion, obscurité symbolique, qui rassemble toutes les noirceurs, la peur de mourir, la peur de perdre, de quitter, la peur d'être abandonné, mais obscurité dissipée quand Je suis avec toi, tend sa main et te relève, avec cette affirmation « tu ne marcheras jamais dans l'obscurité ».
tu ne marcheras jamais dans l'obscurité : c'est le troisième message au (x) baptisé (s). Ce n'est pas une promesse, une prophétie, ou un ordre C'est une simple indication utile : tu ne marcheras pas dans l'obscurité (permets donc que je te tutoie, Nicolas) à la simple condition que tu marches ou pèlerines, car sinon c'était bien la peine d'avoir été relevé.
Qu'avons nous dit aux baptisés que nous sommes ou que nous pourrions être ?
Nous avons dit : Tu ne cherches plus qui tu es, mais tu te trouves où tu es vraiment : dans la relation avec Dieu :
Hors de la conscience de cette relation,tu pourrais devenir ton propre tyran, ta propre lumière.
Tu ne cherches plus qui est Jésus-Christ, car tu sais qu'il est la Parole du Dieu qui ne se résumera jamais, et qui ne se résumera jamais non plus à sa propre parole
Ecoute la Parole de Dieu qui parle par Jésus-Christ
Et tu marcheras dans la clarté. Car par le baptême, même au milieu de la nuit du monde, tu deviens un fils du jour.
AMEN.
CONFIRMANDS PENTECOTE
11 JUIN 2011 TEMPLE DE PENTEMONT
Quelle est l'histoire ? Que vous a-t-on raconté tout au long de vos années de catéchisme. Quel est le fil qui relie tout ?
La Bible raconte l'histoire d'un Dieu qui a du souffle.
Le mot souffle dans la Bible se traduit par le mot "esprit" en français. Mais gardons « souffle ».
Il s'agit d'un Dieu qui a du souffle, car son souffle maintient l'Univers.
Cet univers, enfin celui que nous connaissons un peu, rien de dit qu'il n'y pas d'autres univers, cet univers là n'est pas statique. Et ce Dieu ne le maintient pas notre univers en lui disant "pas bougé", comme on s'adresserait à un chien. Il le maintient par son souffle, mais son univers n'est pas son domestique. C'est à dire que son univers est mouvement constant, en recomposition constante, dans une liberté extraordinaire.
C'est à cause de souffle de vie, que notre univers est animé, et c'est grâce à ce souffle que nous sommes au fond de nous, assoiffés de liberté.
C'est grâce à ce souffle de vie que malgré les régularités que nous percevons, malgré les limites que nous sentons, des limites à ne pas dépasser, régularités, limites, qui témoignent d'une origine, unique, d'une espèce d'ADN unique, malgré ces régularités, ces limites, tout change, grandit, vie, meurt, renait, se compose et se recompose en permanence et dans une liberté vertigineuse.
Vos pensées d'aujourd'hui ne seront plus vos pensées dans 20 ans, et pourtant dans 20 ans, il y aura quelque chose d'aujourd'hui, qui vous signalera que vous êtes aussi celui que vous étiez 20 ans plus tôt, c'est à dire aujourd'hui, maintenant. Tout aura changé, mais vous percevrez encore une régularité.
Quand une petite soeur un petit frère fait irruption dans votre vie d'ex enfant unique, tout change : que tous les aînés ici présents qui ont vécu ça, viennent tenter de me dire après le culte que ce n'est pas un changement presque radical dans leurs existences, et pourtant vous avez encore l'impression d'être la même personne. Tous ça, c'est le souffle de vie: régularités, limites, mais changement, bouleversement constant.
Donc voilà le début de l'histoire: d'un Dieu qui a du souffle qui anime l'univers dans la liberté et la régularité.
Parmi tous les changements, certains tout à fait extraordinaires, qui se déroulent dans cet univers, le nôtre, cet univers bouleversant quand par exemple on cesse de s'observer le nombril, parmi toutes ces manifestations du souffle de vie, la Bible, votre bible, raconte qu'il y en a une , de manifestation, qu'il y a un,de changement, encore plus extraordinaire que les autres. Ce changement a pour nom :Jésus-Christ.
La Bible, votre Bible, raconte que celui ci était , comment dire, vraiment rempli du souffle de vie, à tel point, et cette conjonction était hautement improbable, qu'il personnifiait la vie elle-même. L'univers humain qui était jusqu'à son arrivée, balayé par la fatalité de l'histoire, de la politique, des guerres, découvre, on peut le dire, une nouvelle forme de vie à travers Jésus de Nazareth, qu'on appellera Christ.
Ce Christ n'a eu aucun mal à s'entourer de disciples, aucun mal à faire comprendre aux foules qu'il y avait, accessible, il suffit de l'accepter, une relation avec la vie bien plus intéressante que celle où on était avant.
Une vie plus reliée aux autres, moins nombriliste, plus ouverte, plus forte, plus confiante, plus rusée aussi et plus méfiante devant le spectacle du monde, une vie où on n'a plus honte d'aimer; d'apprécier, de remercier, plus honte de tendre la main pour aider quelqu'un, mais surtout une vie où par exemple où l'on n'a plus honte qu'on vous vienne en aide. Dans cette vie la fameuse insulte « t'as pas d'amis » ne fait strictement aucun effet. Elle n'a aucun sens pour celui qui entre dans le souffle transmis par Jesus Christ.
Une vie à la fois plus libre, surtout face aux standards du monde, mais aussi une vie plus fraternelle.
Avec Jésus, les gens étaient guéris de leur maladie de vivre, parce qu'à travers Jésus, ils entraient en contact avec la vraie vie.
Ils étaient emplis du souffle , ces disciples que Jésus appelait ses amis, souffle que Jésus leur transmettait, pour qu'ils le transmettent à leur tour.
En fait un disciple de Jésus, c'est quoi ? C'est juste quelqu'un qui au milieu de ce fatras de vie, remarque, sent, capte, saisit le bon canal : la vie avec Dieu, dans son souffle.
Les disciples, les premiers ne manquaient jamais une occasion de se réjouir de vivre ça, cette vie là. Le repas que nous allons prendre était leur repas où ils se réjouissaient en pensant à tout ce qu'ils avaient vécu avec leur maître, en pensant à tous ce qu'il avait dit, en pensant aussi que les romains et les chefs religieux l'avaient tué, mais, qu'ils pouvaient se réjouir quand même car leur maître leur avait transmis le souffle qui permet d'encore se réjouir, d'avoir accès à cette vie là, à cette conscience là, à cette espérance là.
Ce souffle s'est transmis à travers le temps, il a creusé un canal grâce auquel des milliards de personne ont non seulement trouvé un sens à leur vie, mais ont aussi trouvé que leur vie était plus intéressante, quand on était relié à ce canal là, au milieu de toutes les manifestations de la vie du monde.
Il y a tellement le choix, n'est ce pas, de devenir ce qu'on ne voulait pas être, tellement le choix pour trouver la vie dérisoire ou absurde. Mais, ceux qui acceptent ce souffle, cet esprit en eux, ont fait un autre choix, devenir ce que le souffle de Dieu les invite à être= libres et fraternels, avec un sens aiguë de la justice, refusant de juger mais établissant des limites, et surtout, confiants. Leur qualité à ces tenants du souffle de Dieu, transmis par Jesus Christ à tous ceux qui le veulent, ce n'est pas le courage, c'est une espèce de témérité. La confiance, ou la foi, produit la témérité. La première qualité des premiers chrétiens était la témérité, engendrée par la confiance, la confiance qui est la manifestation la plus puissante du souffle. Le mot religieux pour dire cette confiance, est le mot foi. Avoir la foi, c'est avoir la confiance, la manifestation plus puissante du souffle.
Ce souffle s'est transmis, se transmet. Jusqu'à chacun de vous.
La cérémonie de confirmation que vous vivrez, chacun dans votre paroisse, demain, est la cérémonie du souffle de Dieu. Ce jour là est affirmé, que ce souffle est en vous si vous l'acceptez. Ce n'est pas n'importe quoi. Ce jour là, il se raconte que vous êtes "confirmés" par le souffle. Demain.
Mais ce soir, ce soir, c'est le repas du soir, Cena en latin, Cène en français, sainte cène en protestant, le repas de réjouissance et de souvenir, c'est le repas de votre accueil dans l'assemblée de ceux et celles qui se réclament de Jesus Christ, qui reconnaissent en lui , le chemin, la vérité et la vie. Ce soir, vous prenez votre souffle. Et des forces.
Car demain, ce sera un moment qui, dans 20 ans, se rappellera encore à vous, d'une façon ou d'une autre, que vous vous en aperceviez ou pas.
Amen, que Dieu bénisse les jeunes et les vieux, bénisse son Eglise, et nous donne le souffle que nous attendions. AMEN.
12 JUIN 2011 MAISON FRATERNELLE
Jean 20.19-23
19Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine, alors que les portes de l’endroit où se trouvaient les disciples étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint ; debout au milieu d’eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 20Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent de voir le Seigneur. 21Jésus leur dit à nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. 22Après avoir dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit saint. 23A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus.
PREDICATION
Hier, pour ceux qui étaient là, j'ai évoqué ce souffle de vie, qui se transmet depuis l'origine, et qui a fécondé l'oeuvre et les paroles de Jésus-Christ.
Dans ce texte de Jean, texte du jour, et texte dit de « la pentecôte de Jean », Jésus souffle sur ses disciples, les baptise du souffle saint, de l'Esprit Saint.
Donc aujourd'hui, je ne vais pas m'attarder sur le souffle, la prédication d'hier sera sur l'internet (toute chose inimaginable il y a 25 ans).
Je vais m'attarder, pas trop évidemment, sur les conséquences du souffle. Après la confirmation des disciples, il y a cette affirmation :
A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus.
Qu'est ce ça peut vouloir dire et comment cela pourrait il nous concerner ?
Déjà on va traduire en s'aidant un peu du grec et de l'hébreu, pour comprendre un peu mieux ce langage devenu religieux, par la force du temps, et donc hermétique.
A qui vous remettrez la dette engendrée par leurs manquements, cette dette sera remise, à qui vous ne remettrez pas cette dette, ils auront toujours cette dette.
Souvent on ne comprend pas cette phrase, elle fait peur, elle nous fait hélas imaginer ce que l'Eglise a du devoir devenir pendant une période, une instance suprême de jugement, décidant du sort éternel des uns et des autres, et les gens y croyaient. Et le pouvoir de l'Eglise était un pouvoir suprême. Bien plus fort que le politique. L'Eglise est devenue, en occident, le pouvoir temporel le plus haut. Mais ce n'est plus le cas, heureusement. Et maintenant, on peut mieux comprendre. Il ne s'agit pas de pouvoir mais de responsabilité.
Qu'est ce que Jésus dit aux disciples, à ce moment là, après les avoir confirmés ? Il leur dit simplement qu'ils ont une mission énorme.
Celle ci consiste à libérer de la dette incroyable qui a été mise sur le dos de tous ceux considérés à leurs propres yeux et aux yeux des autres comme des incapables, des gens incapables de faire bien, une dette incroyable s'abattait sur eux. Leur vie était tellement écrasée de fautes, de soupçons, de fraude, de toutes sortes de manquements, graves ou non réels ou imaginaires, qu'ils n'en pouvaient plus, qu'ils ne pouvaient plus eux même se supporte. Jésus, dans son ministère les a tous rencontrés, tous les fatigués et chargés...Alors la mission des disciples c'est de dire à tous ceux là, qu'ils sont libérés de cette dette, que le Dieu Eternel leur remet la dette, c'est le sens du mot « pardonner ». Mais ce n'est pas nous qui pardonnons, c'est Dieu qui pardonne, et les disciples ont cette mission qui leur est confiée d'annoncer ce pardon. Même aux plus obtus.
C'est la mission des disciples confirmés.
Ce sont les missionnaires de l'annonce du pardon du seigneur.
Mais cette responsabilité a son revers, le texte dit :ceux à qui vous ne « pardonnerez pas », c'est à dire tous ceux que vous n'aurez pas jugé digne de recevoir l'effacement de leur dette, par grâce pure, tous ceux en gros à qui vous aurez refusé la grâce, et bien ils ne l'auront pas cette grâce.
Mais ce que ça sous entend, c'est que l'Esprit de Dieu a travers Jésus a confié cette responsabilité, de distribuer sa grâce à ses disciples, mais il fallait que cette grâce soit annoncé à tous, que ce pardon soit distribué à tous, en gros, il ne fallait oublier personne, car ce serait trop dangereux pour les gens que volontairement ou non, on aurait exclu. C'est un élément très important, cette histoire de péchés que l'on pardonne ou non, car il a immédiatement impliqué d'annoncer la bonne nouvelle à tout le monde, sans exclusion. Cette idée folle, cette peur que des gens puissent ne pas recevoir la grâce explique en partie l'extraordinaire rapidité avec laquelle s'est propagée le message chrétien à travers toutes les couches sociales, et dans tous les pays connus. Il fallait que tout le monde puisse recevoir ce pardon. En urgence. Car ceux à qui vous ne pardonnerez pas, ils ne seront pas pardonnés, car c'est votre travail désormais.
Ce n'était donc pas un pouvoir, mais une responsabilité. L'Eglise en a hélas fait un pouvoir, et c'était le contraire de ce qu'on lui avait demandé.
Aujourd'hui, Auguste et Nicolas, l'histoire c'est la même, disons que c'est la même dynamique, et même si on ne peut plus penser comme dans l'antiquité, d'une manière ou d'une autre, avec des mots, ou des gestes, des attitudes, une intelligence des situations et des cœurs, vous êtes appelés à annoncer cette remise de dette, ce pardon, pour tous ceux autour de vous qui auraient perdu la confiance. Il y a un esprit de vie, le souffle de vie qui nous prend tels que nous sommes, et nous pardonne de tout ce que nous mêmes sommes incapables de nous pardonner. Mais il n'y a pas que Dieu, il y aussi tous ceux, une fraternité à vocation universelle, qui se réclament de ce souffle de vie exprimé par Jésus-Christ, tous ceux là qui doivent manifester cette attitude, pour la rendre crédible.Vous êtes confirmés, membre à part entière de cette fraternité ouverte et disons le assez disparate, de par le monde, et par exemple à Paris, mais à travers votre démarche de la confirmation, l'Eglise retrouve son unité, et pour que celle ci puisse avoir un sens, il faut dire que pendant un petit moment, il n'y ait plus ni d'anciens ni de nouveaux, et dans ce cadre, aujourd'hui, c'est aussi nous qui avons le plaisir d'être accueillis par vous. AMEN.
TEXTE CHOISI PAR LES PARENTS D’ALEXANDRA
2 juillet 2011, temple de Port Royal.
1 Corinthiens 12, 12-13
MÉDITATION /PRÉDICATION (COURTE)
12.12
Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il de Christ.
12.13
Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit.
Le baptême fait. Le baptême dit.
Que fait-il ?
Il fait d'Alexandra une enfant de Dieu. C'est un acte d'engagement de Dieu pour elle. C'est un sacrement. Un jour il faudra qu'elle réalise, pour elle, mais quoi qu'elle réalise, l'engagement de Dieu ne sera pas remis en question. C'est un sacrement, c'est inconditionnel. Le reste, ce sera une affaire entre Dieu et elle.
Voilà ce que le baptême fait. Mais que dit-il ?
Ce qu'il dit dépasse le baptême d'Alexandra. Son baptême nous convoque, nous tous, à nous dépasser. Il nous convoque à prendre conscience, que s'il y a un Dieu, il ne peut qu'y avoir un seul peuple. Le baptême nous convoque à réaliser que derrière nos différences, nos individualités, nos particularités, il n'y a qu'un seul Esprit, dit le texte que les parents d'Alexandra ont choisi, qu'un seul Souffle, pourrait on traduire le mot Esprit, qu'un seul souffle, qui nous anime tous, et le baptême dit , raconte, ce lien. Le baptême dit la fraternité de fait de tous les baptisés, mais au-delà des baptisés, la fraternité de fait de tous. Quelle fraternité, pourrait on dire. Mais qui a parlé d'amitié, d'amour ou de respect. On parle ici de fraternité, d'un lien indissoluble entre tous. Ces frères peuvent ne pas s'aimer, ne pas se respecter, mais ce que la plupart du temps ils ignorent, c'est qu'ils sont frères. Ce que le baptême dit : c'est : arrêtez d'ignorer le fait même de votre fraternité. Cette connaissance là, cette révélation là, cette assurance là , cette clairvoyance là, changerait tout. Qu'est ce que la baptême dit : il dit la fraternité comme un fait, pas comme un espoir. L'espoir c'est que les gens réalisent ce fait, qu' ils sont frères, issus d'un même Père, et formant un seul corps, quelle que soit leurs diversité, leurs conditions, esclaves, hommes libres, juifs ou grecs dit l’apôtre Paul.
Le baptême d'Alexandra nous dit aujourd'hui, non seulement qu'elle est notre sœur en Christ, mais que nous tous ce soir, baptisés ou non, nous sommes unis, nous sommes de la même souche. Oui le baptême nous convoque d'abord à la prise de conscience de la base : nous sommes frères et sœurs, issus d'un même volonté, d'un même souffle. Le même souffle, le même esprit qui baptise Alexandra ce soir dans ce Temple.
Il nous dit ensuite que c'est à nous de faire de cette fraternité quelque chose de beau, de réaliser, de mettre au monde cette vérité déjà là, d'ouvrir les yeux sur cette réalité profonde de notre nature.
Nous sommes heureux d'accueillir Alexandra ce soir, mais nous sommes appelés à nous découvrir les uns les autres. Nous avons un point commun. Non. Pas un point. Dieu n'est pas un point. Nous avons un souffle commun. Nous vivons tous du même souffle. AMEN.
18 JUIN 2011 MAISON FRATERNELLE
(contexte, baptême d’Alexandre, 10 ans)
Matthieu 10 16
16Voici : je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.
Matthieu 18/12-14
12Qu'en pensez-vous ? Si un homme a cent brebis, et que l'une d'elles s'égare ne laisse-t-il pas les 99 autres sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s'est égarée ? 13Et, s'il parvient à la retrouver, en vérité je vous le dis, il s'en réjouit plus que pour les 99 qui ne se sont pas égarées. 14De même, ce n'est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu'il se perde un seul de ces petits.
On ne pense jamais aux 99 autres brebis qui attendent le retour de celui qui est allé chercher la fameuse centième brebis qui s'est perdue.
Qui s'est encore perdue... oui, car ce n'est pas la première fois
oui car ça commence à parler dans le troupeau
oui et nous on attend, le soir tombe, on n'a plus faim et on se gèle.
Ça maugrée, ça ronchonne.
Et en plus il pleut...
Tout à coup une des brebis sort de la masse et dit aux autres :
écoutez ça suffit, je propose qu'on s'en aille, on en a assez d'attendre, n'est ce pas que vous êtes d'accord ? On en a assez d'attendre.
Et puis il y a en une qui dit : attendez, une telle décision est grave, il faut voter.
Pourquoi voter ?
Ce n'est pas la peine de voter, n'est pas qu'on est toutes d'accord ?
Et la moitié du troupeau bêle son approbation...
Celle qui avait demandé le vote dit, en regardant droit dans les yeux celle qui était sorti de la masse :
a priori on n'est pas toutes toutes d'accord...
Que celles qui sont d'accord pour partir se rangent à ma droite.
D'abord personne ne bouge.
Puis une, puis deux, puis 10, puis 42, puis 50, 51, 52
Non pas toi, dit celle qui avait demandé le vote.
Ca s'arrête à 52.
Si bien que d'un côté il y a 52 brebis, et de l'autre donc 47.
Celle qui avait pris la parole en première s'exclame donc :
c'est plié, on s'en va toutes. C'est la loi de la démocratie.
Les 52 partent, mais voilà
les 47 autres ne les suivent pas.
Et la leader des 52 leur lança quand elle était déjà loin :
ah elle est belle la démocratie... ben restez là, à attendre de vous faire dévorer par les loups.
Quand elles ne les virent plus, les 47 commencèrent à se plaindre et commencèrent à accuser celle qui avait demandé le vote, lui reprochant d'avoir fait un clivage dans le troupeau, et que en fait elles auraient du rester solidaires etc. Elles s’énervèrent tellement qu'elles décidèrent d'exclure , de bannir, celle qui avait demandé le vote, car oui, c'était bien elle la cause de la scission.
Au terme d'un procès à charge, elle fut donc exclue. Sitôt qu'elle eut franchi le premier bosquet, un loup la dévora.
Les 46 restèrent dans le silence quelques minutes.
Puis une d'entre elles dit :
en fait ce n'était pas sa faute à elle, ni même la faute de celle qui a voulu partir, c'est de sa faute à l'autre, là, celle qui s'est encore perdue.
- c'est vrai, et puis on avait toujours l'impression qu'elle nous narguait
- se flattant de toujours bien comprendre les paroles du berger
- ne participant jamais aux corvées, préférant se mettre dans un coin et songer à je ne sais quoi
- refusant qu'on la tonde
- se croyant plus intelligente que tout le monde
- refusant de se marier
- finalement c'est pas plus mal qu'elle soit partie.
- J'espère qu'il ne la retrouvera pas.
Il y en avait 34 qui partageaient cette opinion, et aussitôt elles décidèrent de former un club appelé « pour le non retour de la brebis perdue »
Mais les 12 qui restaient ne partageaient pas cette opinion, elles étaient beaucoup plus radicales. Elles se regroupèrent autour d'une leader qui leur enseignait que tout ça c'était bien de la faute du berger, pas du tout professionnel, élitiste, et elles décidèrent de former un parti appelé « Sans Berger La Liberté ». Leur seul objectif était désormais de convaincre une partie des 34 pour avoir le pouvoir sur le troupeau. La leader des 12 ne le disait pas, mais elle se voyait bien le nouveau berger du troupeau et se disait intérieurement : « quand je serai bergère, ça va plus du tout se passer comme ça, je vous assure que ça va changer »
Inutile de vous dire que dans le troupeau des 46, ça n'allait plus du tout, les 34 se scindèrent en deux parce qu'elles partageaient une partie des opinions de l'autre camp, et fondèrent un parti appelé « Centre du Monde, la voix du bon sens », elles étaient 15.
Ce qui nous faisait donc trois groupes : un groupe de 19 ; un groupe de 15 et un groupe de 12.
Qui vivaient chacun dans leur coin, suffisamment éloigné des autres pour être mystérieux à leurs yeux, mais suffisamment proches pour les observer.
Il y eut des scissions et des bagarres dans chacun des trois groupes.
Chaque groupe exclut plein de membres, dont on a perdu la trace, mais il a quand même été une recrudescence des clans de loups dans cette partie de la vallée.
Certaines sont parties toutes seules, dégoutées.
On dit qu'elles ont rejoint d'autres bergers,
d'autres racontent qu'elles ont fini en hamburger, nouvelle spécialité de quick.
Si bien qu'il y n'y en a eu plus que 6 qui décidèrent que ces histoires politiques c'était nul et de fonder une religion, destinée à hâter le retour du berger.
Ca a marché un moment, disons que ça les a apaisé.
Mais rapidement, elles se disputèrent entre elles sur des motifs de dates et de méthodes, elles en viennent même au sabots.
Il y eut rapidement 6 religions différentes avec un membre pour chaque.
Chacune dans son coin .
Les loups les mangèrent tranquillement, l'une après l'autre.
Si bien que le champ était devenu un terrain vague, balayé par la brise du soir, dans ce superbe paysage alpin, dans lequel des loups avaient été réintroduits, ainsi d'ailleurs que des centrales nucléaires.
Quelques temps plus tard, le berger revint, sa brebis perdue et retrouvée sur les épaules. Celle ci ne put contenir un vague sourire quand elle vit que non seulement il n'y avait plus personne, mais que plein de traces permettaient d'imaginer ce qui s'était passé.
Qu'est ce qu'il veut dire, ce conte, élaboré à partir de cette parabole de Jésus ?
Il veut dire que les 99 autres brebis, en fait, n'existent pas. Il veut dire que quand on parle sérieusement de l'Eglise, de ce qu'elle est en vrai, on assume que l'Eglise est en fait entièrement du côté de la brebis perdue,
et retrouvée.
Et reconnaissante d'avoir été retrouvée.
AMEN.
Contexte : Temple de Port-Royal, fin de printemps 2011, Baptême de A. (adulte)
LECTURES
Rm 13.11-14
11D'autant que vous savez en quel temps nous sommes : c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil, car maintenant le salut est plus proche de nous que lorsque nous sommes venus à la foi. 12La nuit est avancée, le jour s'est approché. Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. 13Comportons-nous convenablement, comme en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauche, sans dispute ni passion jalouse. 14Mais revêtez le Seigneur Jésus-Christ, et ne vous préoccupez pas de la chair pour en satisfaire les désirs
Ecc 4.13-5.6
13Mieux vaut un enfant pauvre mais sage
qu'un roi vieux et stupide qui ne sait plus prendre conseil ;
14car on peut sortir de prison pour régner,
de même qu'on peut être né pauvre dans son propre royaume.
15J'ai vu tous les vivants qui marchent sous le soleil
se mettre du côté de l'enfant qui allait succéder à l'autre.
16Il n'y avait pas de fin à toute cette foule,
à tous ceux devant lesquels il se tenait.
Toutefois, ceux qui viendront après ne se réjouiront pas à son sujet.
Car cela aussi n'est que futilité et poursuite du vent.
17Prends garde à tes pas quand tu vas à la maison de Dieu ;
approche pour écouter,
plutôt que pour offrir le sacrifice des gens stupides ;
car ils ne savent même pas qu'ils agissent mal.
Chapitre 5
1Ne te presse pas d'ouvrir la bouche,
que ton cœur ne se hâte pas d'exprimer une parole devant Dieu ;
car Dieu est au ciel, et toi sur la terre ;
que tes paroles soient donc peu nombreuses.
2En effet, comme le rêve vient de la multitude des occupations,
la voix de l'homme stupide vient dans la multitude des paroles.
3Lorsque tu as fait un vœu à Dieu, ne tarde pas à t'en acquitter,
car on ne trouve aucun plaisir aux gens stupides ;
Acquitte-toi du vœu que tu as fait.
4Mieux vaut pour toi ne pas faire de vœu
que d'en faire un sans t'en acquitter.
5Ne permets pas à ta bouche de te rendre tout entier pécheur,
et ne dis pas devant le messager que c'était une erreur.
Pourquoi Dieu devrait-il s'irriter de tes paroles
et ruiner l'œuvre de tes mains ?
6Car dans la multitude des rêves il y a des futilités,
de même quand il y a beaucoup de paroles ;
aussi, crains Dieu.
PRÉDICATION
Oui, A., il y a beaucoup de trop de paroles. C'est difficile, au milieu de ce puissant brouhaha, d'entendre la Parole de Dieu.
Dans ce brouhaha, il y a beaucoup de paroles intéressantes. Qui viennent vous saisir directement et vous permettent de délier une pensée, une conviction , une décision, qui était en attente d'être déliée.
Il y a beaucoup de paroles aussi, qui prennent la forme de langues étrangères, qu'on se plait à déchiffrer pour découvrir de nouveaux mondes de paroles.
Dans ce brouhaha, il y a beaucoup de paroles efficaces, qui vous obligent, vous marquent, vous instruisent, vous soignent, vous apaisent, vous programment, vous commandent, toutes paroles qui font de nous ce que nous faisons.
Parmi ces paroles efficaces, il y a aussi beaucoup de paroles qui vous nient, vous détruisent, vous démontent ou vous achèvent.
Et parmi toutes ces paroles, toute cette Parole, dans tout ce nuage de parole, dans cet univers langagier, dans cette bulle spécifiquement humaine, il y a aussi beaucoup de paroles vaines, de la fumée, comme dirait l'écclesiaste, qui se dissipe, des paroles justes pour parler, pour qu'un son soit émis, dont la seule finalité est peut être simplement de contrecarrer le bruit du vent, le bruit de la nuit, le bruit de la pluie, le bruit de la solitude, le bruit angoissant qui ne semble vouloir rien dire. La plupart de ces paroles futiles, destinées à contrecarrer l'angoisse d'un monde qui ne semble vouloir rien dire, commencent, proviennent d'un enfant perdu que nous avons tous été.
Et tout ça, c'est du vent, dit l'Ecclésiaste, l'ecclesiaste qui préfère sans doute le vrai bruit du vent.
Beaucoup trop de paroles, oui.
L’ecclésiaste qui a tout connu, tout vu, tout déjà dit et tout entendu, le constate et emet des recommandations.
Ne te presse pas d'ouvrir la bouche,
que ton cœur ne se hâte pas d'exprimer une parole devant Dieu ;
car Dieu est au ciel, et toi sur la terre ;
que tes paroles soient donc peu nombreuses.
Message direct aux prédicateurs, mais aussi à tous ceux qui parlent et qui par la douce vibration émise par leur gorge directement à leurs oreilles, s'adorent, quand ils parlent.
Message direct pour aujourd'hui, car aujourd'hui c'est un baptême, c'est à dire que dans un écrin de parole, il y a surtout un geste, il y a de l'eau et voilà.
Il y a beaucoup de significations et de signes , mais au delà de tout cette compréhension, ces explications, cette institution, il y a d'abord un geste, en dialogue, au nom de Dieu, présence gracieuse et silencieuse.
Il y a aussi dans ce geste de l'eau versée sur le front de quelqu'un comme le souci de le sortir d'une torpeur, d'un sommeil, comme dit l'apotre Paul : c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil ».
Que dit un baptême, il dit « c'est l'heure ».
Qu'a dit cette première partie de la prédication : elle a dit quelque chose de très simple : quand il y a trop de paroles qui endorment, préfère le geste qui réveille.
Passons donc à la seconde partie et revenons à la question basique. Et la parole de Dieu dans tout ça ? N'est-elle pas censée emprunter, parfois, le chemin de notre propre parole ? O certainement, la Bible raconte que nombre de prophètes étaient saisis de cette parole pour la transmettre, Jésus lui même dans notre confession de foi commune est cette parole de Dieu faite homme, faite gestes, faite regards.
Cela dit, cela n'est pas si fréquent que ça. Et dans ce brouhaha, la plupart des prophètes sont soient des usurpateurs, soient rarement crédibles au moment même où ils s'expriment, au nom d'un Dieu résolument anachronique.
C'est pourquoi, il faudrait même les choses au point, même si cela apparaît un peu simpliste. Notre Parole, même de la plus belle eau, n'est pas la Parole de Dieu, même si, il peut arriver que Dieu emprunte notre canal langagier pour dire quelque chose à quelqu'un même parfois par effraction.
Je ne veux pas parler à sa place, mais je m'imagine que Dieu préfère s'adresser directement à quelqu'un pour lui dire quelque chose.
A l’intérieur de notre mission, notre parole a un objectif très clair, inviter chacun à écouter cette parole, en l'assurant que ce Dieu parle facilement à qui veut bien ouvrir ses oreilles et son cœur.
L'erreur oui, ce serait de tenter de prendre sa place à cette parole, se prétendre porteur parole de Dieu, comme dirait ma cousine « ça va loin ».
La mission est d'inviter à aller l'écouter, l'entendre, au travers d'une parole pertinente, d'un rappel d'un passage biblique, d'une interprétation intéressante, peut être par un style de vie conforme aux valeurs de l'évangile, au travers d'un geste, d'un signe, d'un sacrement et de tant de choses encore. Notre mission, c'est ça. Nous ne sommes pas une assemblée langagière de plus, une bulle de plus, un parlement de plus ou le service de presse de Dieu, pondant régulièrement des communiqués de sa part. Si j'en crois Paul : Nous avons une mission.
c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil, dit Paul, car maintenant le salut est plus proche de nous que lorsque nous sommes venus à la foi. 12La nuit est avancée, le jour s'est approché.
L’Église se perd quand elle oublie ça, et quand elle se réfugie en elle même, dans un huis clos, certes, souvent chaleureux, mais très loin, de la mission qui est confiée aux disciples qui se résume à dire :
Écoute, Dieu te parle.
Je ne peux pas te dire ce qu'il a te dire, ni parler à sa place, mais je peux te dire qu'il peut te parler : je peux te dire ce qu'il fait pour moi, comment il m'a sauvé de la futilité , comment il m'a guéri, comment il m'a remis à ma place, mais tu n'as pas spécialement à me croire. Écoute le lui.
Certes, il te faudra un petit renoncement de départ, ta parole fera sans doute un écran, un mur accoustique et tu douteras peut être. Mais finalement, tu ne douteras plus. Et tu seras invité toi aussi à aller proclamer la bonne nouvelle, c'est à dire inviter les gens à écouter la Parole de Dieu, qui se situe bien au delà, et parfois dans une posture très ironique, comme celle de l'ecclesiaste, de notre bulle langagière auto réfléchissante.
Si dans la première partie de cette prédication, il a été dit :
quand il y a trop de paroles qui endorment, préfère le geste qui réveille.
Dans la seconde et dernière partie : il a été dit : ta mission n'est pas de parler de la part de Dieu, mais d'annoncer que Dieu parle.
Dans nos quelques dialogues destinés à préparer votre baptême A., j'ai reçu de vous cette dimension là , de cette parole qui n'a pas besoin d'en rajouter constamment.
J'ai reçu aussi de vous la conscience claire de ce que doit être l’Église, non plus simplement cette assemblée vivant dans un univers constant et éternellement accueillant de tout le monde, mais comme une Eglise en marche, et c'est semble t il ce que vous percevez de cette Église, une Église qui sait qu'après le baptême il y a un après, des étapes, qui sait qu'au delà de l'expression de nos subjectivités et de tous nos moi je pense que, je crois que, il y a Dieu, sa puissance, sa vérité, qui nous entraine vers quelque chose, une mission, qui ne soit pas que de la simple convivialité, pas qu'un simple accueil permanent, une mission capitale, inviter nos frères et nos sœurs à entendre cette Parole de Dieu, et former une assemblée , une Eglise signature de la promesse du règne de Dieu qui vient.
AMEN
LECTURES
Rm 13.11-14
11D'autant que vous savez en quel temps nous sommes : c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil, car maintenant le salut est plus proche de nous que lorsque nous sommes venus à la foi. 12La nuit est avancée, le jour s'est approché. Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. 13Comportons-nous convenablement, comme en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauche, sans dispute ni passion jalouse. 14Mais revêtez le Seigneur Jésus-Christ, et ne vous préoccupez pas de la chair pour en satisfaire les désirs
Ecc 4.13-5.6
13Mieux vaut un enfant pauvre mais sage
qu'un roi vieux et stupide qui ne sait plus prendre conseil ;
14car on peut sortir de prison pour régner,
de même qu'on peut être né pauvre dans son propre royaume.
15J'ai vu tous les vivants qui marchent sous le soleil
se mettre du côté de l'enfant qui allait succéder à l'autre.
16Il n'y avait pas de fin à toute cette foule,
à tous ceux devant lesquels il se tenait.
Toutefois, ceux qui viendront après ne se réjouiront pas à son sujet.
Car cela aussi n'est que futilité et poursuite du vent.
17Prends garde à tes pas quand tu vas à la maison de Dieu ;
approche pour écouter,
plutôt que pour offrir le sacrifice des gens stupides ;
car ils ne savent même pas qu'ils agissent mal.
Chapitre 5
1Ne te presse pas d'ouvrir la bouche,
que ton cœur ne se hâte pas d'exprimer une parole devant Dieu ;
car Dieu est au ciel, et toi sur la terre ;
que tes paroles soient donc peu nombreuses.
2En effet, comme le rêve vient de la multitude des occupations,
la voix de l'homme stupide vient dans la multitude des paroles.
3Lorsque tu as fait un vœu à Dieu, ne tarde pas à t'en acquitter,
car on ne trouve aucun plaisir aux gens stupides ;
Acquitte-toi du vœu que tu as fait.
4Mieux vaut pour toi ne pas faire de vœu
que d'en faire un sans t'en acquitter.
5Ne permets pas à ta bouche de te rendre tout entier pécheur,
et ne dis pas devant le messager que c'était une erreur.
Pourquoi Dieu devrait-il s'irriter de tes paroles
et ruiner l'œuvre de tes mains ?
6Car dans la multitude des rêves il y a des futilités,
de même quand il y a beaucoup de paroles ;
aussi, crains Dieu.
PRÉDICATION
Oui, A., il y a beaucoup de trop de paroles. C'est difficile, au milieu de ce puissant brouhaha, d'entendre la Parole de Dieu.
Dans ce brouhaha, il y a beaucoup de paroles intéressantes. Qui viennent vous saisir directement et vous permettent de délier une pensée, une conviction , une décision, qui était en attente d'être déliée.
Il y a beaucoup de paroles aussi, qui prennent la forme de langues étrangères, qu'on se plait à déchiffrer pour découvrir de nouveaux mondes de paroles.
Dans ce brouhaha, il y a beaucoup de paroles efficaces, qui vous obligent, vous marquent, vous instruisent, vous soignent, vous apaisent, vous programment, vous commandent, toutes paroles qui font de nous ce que nous faisons.
Parmi ces paroles efficaces, il y a aussi beaucoup de paroles qui vous nient, vous détruisent, vous démontent ou vous achèvent.
Et parmi toutes ces paroles, toute cette Parole, dans tout ce nuage de parole, dans cet univers langagier, dans cette bulle spécifiquement humaine, il y a aussi beaucoup de paroles vaines, de la fumée, comme dirait l'écclesiaste, qui se dissipe, des paroles justes pour parler, pour qu'un son soit émis, dont la seule finalité est peut être simplement de contrecarrer le bruit du vent, le bruit de la nuit, le bruit de la pluie, le bruit de la solitude, le bruit angoissant qui ne semble vouloir rien dire. La plupart de ces paroles futiles, destinées à contrecarrer l'angoisse d'un monde qui ne semble vouloir rien dire, commencent, proviennent d'un enfant perdu que nous avons tous été.
Et tout ça, c'est du vent, dit l'Ecclésiaste, l'ecclesiaste qui préfère sans doute le vrai bruit du vent.
Beaucoup trop de paroles, oui.
L’ecclésiaste qui a tout connu, tout vu, tout déjà dit et tout entendu, le constate et emet des recommandations.
Ne te presse pas d'ouvrir la bouche,
que ton cœur ne se hâte pas d'exprimer une parole devant Dieu ;
car Dieu est au ciel, et toi sur la terre ;
que tes paroles soient donc peu nombreuses.
Message direct aux prédicateurs, mais aussi à tous ceux qui parlent et qui par la douce vibration émise par leur gorge directement à leurs oreilles, s'adorent, quand ils parlent.
Message direct pour aujourd'hui, car aujourd'hui c'est un baptême, c'est à dire que dans un écrin de parole, il y a surtout un geste, il y a de l'eau et voilà.
Il y a beaucoup de significations et de signes , mais au delà de tout cette compréhension, ces explications, cette institution, il y a d'abord un geste, en dialogue, au nom de Dieu, présence gracieuse et silencieuse.
Il y a aussi dans ce geste de l'eau versée sur le front de quelqu'un comme le souci de le sortir d'une torpeur, d'un sommeil, comme dit l'apotre Paul : c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil ».
Que dit un baptême, il dit « c'est l'heure ».
Qu'a dit cette première partie de la prédication : elle a dit quelque chose de très simple : quand il y a trop de paroles qui endorment, préfère le geste qui réveille.
Passons donc à la seconde partie et revenons à la question basique. Et la parole de Dieu dans tout ça ? N'est-elle pas censée emprunter, parfois, le chemin de notre propre parole ? O certainement, la Bible raconte que nombre de prophètes étaient saisis de cette parole pour la transmettre, Jésus lui même dans notre confession de foi commune est cette parole de Dieu faite homme, faite gestes, faite regards.
Cela dit, cela n'est pas si fréquent que ça. Et dans ce brouhaha, la plupart des prophètes sont soient des usurpateurs, soient rarement crédibles au moment même où ils s'expriment, au nom d'un Dieu résolument anachronique.
C'est pourquoi, il faudrait même les choses au point, même si cela apparaît un peu simpliste. Notre Parole, même de la plus belle eau, n'est pas la Parole de Dieu, même si, il peut arriver que Dieu emprunte notre canal langagier pour dire quelque chose à quelqu'un même parfois par effraction.
Je ne veux pas parler à sa place, mais je m'imagine que Dieu préfère s'adresser directement à quelqu'un pour lui dire quelque chose.
A l’intérieur de notre mission, notre parole a un objectif très clair, inviter chacun à écouter cette parole, en l'assurant que ce Dieu parle facilement à qui veut bien ouvrir ses oreilles et son cœur.
L'erreur oui, ce serait de tenter de prendre sa place à cette parole, se prétendre porteur parole de Dieu, comme dirait ma cousine « ça va loin ».
La mission est d'inviter à aller l'écouter, l'entendre, au travers d'une parole pertinente, d'un rappel d'un passage biblique, d'une interprétation intéressante, peut être par un style de vie conforme aux valeurs de l'évangile, au travers d'un geste, d'un signe, d'un sacrement et de tant de choses encore. Notre mission, c'est ça. Nous ne sommes pas une assemblée langagière de plus, une bulle de plus, un parlement de plus ou le service de presse de Dieu, pondant régulièrement des communiqués de sa part. Si j'en crois Paul : Nous avons une mission.
c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil, dit Paul, car maintenant le salut est plus proche de nous que lorsque nous sommes venus à la foi. 12La nuit est avancée, le jour s'est approché.
L’Église se perd quand elle oublie ça, et quand elle se réfugie en elle même, dans un huis clos, certes, souvent chaleureux, mais très loin, de la mission qui est confiée aux disciples qui se résume à dire :
Écoute, Dieu te parle.
Je ne peux pas te dire ce qu'il a te dire, ni parler à sa place, mais je peux te dire qu'il peut te parler : je peux te dire ce qu'il fait pour moi, comment il m'a sauvé de la futilité , comment il m'a guéri, comment il m'a remis à ma place, mais tu n'as pas spécialement à me croire. Écoute le lui.
Certes, il te faudra un petit renoncement de départ, ta parole fera sans doute un écran, un mur accoustique et tu douteras peut être. Mais finalement, tu ne douteras plus. Et tu seras invité toi aussi à aller proclamer la bonne nouvelle, c'est à dire inviter les gens à écouter la Parole de Dieu, qui se situe bien au delà, et parfois dans une posture très ironique, comme celle de l'ecclesiaste, de notre bulle langagière auto réfléchissante.
Si dans la première partie de cette prédication, il a été dit :
quand il y a trop de paroles qui endorment, préfère le geste qui réveille.
Dans la seconde et dernière partie : il a été dit : ta mission n'est pas de parler de la part de Dieu, mais d'annoncer que Dieu parle.
Dans nos quelques dialogues destinés à préparer votre baptême A., j'ai reçu de vous cette dimension là , de cette parole qui n'a pas besoin d'en rajouter constamment.
J'ai reçu aussi de vous la conscience claire de ce que doit être l’Église, non plus simplement cette assemblée vivant dans un univers constant et éternellement accueillant de tout le monde, mais comme une Eglise en marche, et c'est semble t il ce que vous percevez de cette Église, une Église qui sait qu'après le baptême il y a un après, des étapes, qui sait qu'au delà de l'expression de nos subjectivités et de tous nos moi je pense que, je crois que, il y a Dieu, sa puissance, sa vérité, qui nous entraine vers quelque chose, une mission, qui ne soit pas que de la simple convivialité, pas qu'un simple accueil permanent, une mission capitale, inviter nos frères et nos sœurs à entendre cette Parole de Dieu, et former une assemblée , une Eglise signature de la promesse du règne de Dieu qui vient.
AMEN
10 JUILLET 2011 MAISON FRATERNELLE
ROMAINS 14/13-23
13Ne nous jugeons donc plus les uns les autres ; usez plutôt de votre jugement pour ne pas mettre devant votre frère une pierre d’achoppement ou une cause de chute. 14Je le sais bien, j’en suis persuadé, dans le Seigneur Jésus, rien n’est souillé en soi ; mais si quelqu’un estime qu’une chose est souillée, alors elle est souillée pour lui. 15Si, pour un aliment, ton frère est attristé, tu ne marches plus selon l’amour. Ne va pas, par ton aliment, causer la perte de celui pour qui le Christ est mort. 16Que personne, donc, ne puisse calomnier ce qui pour vous est bon. 17En effet, le règne de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par l’Esprit saint. 18Car celui qui, en tout cela, sert le Christ comme un esclave est agréé de Dieu et apprécié des humains.
19Ainsi donc, poursuivons ce qui contribue à la paix et ce qui est constructif pour autrui. 20Ne va pas détruire l’œuvre de Dieu pour un aliment. Certes, tout est pur ; mais il est mauvais de faire de sa nourriture une pierre d’achoppement. 21Il est beau de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, de s’abstenir de tout ce qui est pour ton frère une cause d’achoppement. 22La foi que tu as, toi, garde-la pour toi devant Dieu. Heureux celui qui ne se juge pas lui-même en exerçant son discernement ! 23Mais celui qui hésite est condamné s’il mange, parce que ce qu’il fait ne relève pas de la foi. Or tout ce qui ne relève pas de la foi est péché.
PREDICATION
" je ne te juge pas. Non pas que je n'en ai pas envie, mais tout simplement, je connais mon incapacité à le faire".
" je ne te juge pas. Non pas que je n'en ai pas envie, mais tout simplement, je connais mon incapacité à le faire".
Frères et sœurs, venus ici ce matin pour ce dernier culte de la paroisse avant le 28 août.
Vous avez entendus ce texte de Paul, dans l'épître aux Romains. « ne nous jugeons plus les uns les autres ».
La Bible est dangereuse. Pourquoi. Parce qu'elle fait plein de recommandations. Mais celles ci ne sont pas appliquées. Et le danger, c'est de vivre à côté de la réalité du monde. Et la réalité de ce monde est que tout le monde se juge, en permanence, et depuis toujours.
Il aurait mieux fallu que Paul dise : « jugez vous les uns les autres » « excluez vous les uns les autres » « sous le moindre prétexte, enfermez n'importe qui dans un jugement définitif, à cause de son comportement, à cause de sa religion, de sa peau ou que sais je, mais jugez, jugez, jugez » « discriminez, coupez, rejetez »
Si Paul avait dit ça, nous serions heureux, confortables, car en phase avec le comportement de tout le monde, et avec le nôtre .
Mais hélas, Paul, Jésus et toute la Bible dit le contraire, – au nom de Dieu qui lui seul est capable d’émettre un jugement réel et fondé, au nom d'un Dieu qui ne veut pas voir ses créatures soi disant douées de raison se prendre pour Dieu, prétendre lui arracher une de ses prérogatives.
Alors , oui, nous sommes légèrement inconfortables. Paul dit « ne nous jugeons pas les uns les autres », et nous, c'est que ce que gaillardement, nous faisons.
Oui, nous sommes des juges ne serait ce que nous disons « un tel, une telle est ceci ou cela » . En général, ce untel ou une telle « est » quelque chose de négatif « un tel est immature, fainéant, compliqué, méchant, etc... ». Même si nous faisons suivre notre verbe « être » par quelque chose de « positif », là aussi c'est un jugement, un décret . Il serait déjà moins grave de dire , de penser et de colporter « je trouve que un tel , ou tel groupe de gens, est ceci ou cela », au moins, nous ne nous cacherions pas nous même dans ce processus de jugement, mais non, nous préférons dire « un tel, une telle est ceci » et ce faisant, nous nous cachons. Comme Dieu. Un tel « est » « tel groupe de gens » est, c'est une affirmation, un décret, un jugement, quasi divin, car la personne qui émet ce jugement n'apparait même pas son énonciation.
Pourquoi faisons nous cela ? Je n'en sais rien. Sans doute parce que c'est facile de le faire, que ça ne nous engage pas, et que ça peut faire très mal, et donc, cela nous assure de notre puissance, de notre vitalité. D'autres diraient que c'est le péché. En tous les cas, une chose est sûre, certaine, c'est que ce comportement là, cet oubli là, produit des catastrophes, émotionnelles, produit des marques , ineffaçables, pour ceux et celles qui subissent ces jugements, surtout quand ils se les prennent dans leur enfance « Tu es nul, tu n'arriveras jamais à rien ».
Pourtant, quand on lit la Bible , tout devrait être clair. Paul écrit « 14Je le sais bien, j’en suis persuadé, dans le Seigneur Jésus, rien n’est souillé en soi ».
Rien n'est impur en soi, dit Paul. Rien, au nom du Seigneur Jésus n'est intrinsèquement impur. Quand on est de Christ, dit Paul, rien n'est impur en Soi. Au nom de l'évangile de la grâce absolue, on ne mégote plus, tous, sont susceptibles de recevoir la grâce. Le message est universel, ou il n'existe pas.
C'est n'est plus la bonne nouvelle d'un clan.
Si à cause de ton jugement, ton exclusion, ici cela concerne les habitudes alimentaires, et religieuses, ton frère est attristé, dit Paul, alors tu ne marches plus selon l'amour. En tant que pasteur, je passe mon temps, à rencontrer des gens qui ont été attristés, voire cassés par le jugement d'autrui. Et quand ces jugement sont envoyés au nom de la Foi, ce n'est plus un jugement que nous faisons, c'est une condamnation à mort.
Or Paul dit de ne pas en faire trop avec notre foi, qui nous permettrait de planer au dessus des autres. Il dit :
22La foi que tu as, toi, garde-la pour toi devant Dieu. Heureux celui qui ne se juge pas lui-même en exerçant son discernement
En gros, que dit il : quand tu juges, donc quand tu te prends pour DIEU, quand tu définis qui est quoi, qui a droit à quoi, c'est toi qui te prends le jugement. C'est toi que tu juges, sans t'en apercevoir.
Alors la question est redoutable. Comment se sortir de cet inconfort spirituel. La Bible dit de ne pas juger, a fortiori en matière de délimitation de la grâce, et nous n'arrêtons pas de le faire.
Laissez tomber la Bible ? Et se frayer un chemin dans ce monde de jugements, en essayant d'être le plus fort, le plus haut, le plus puissant, pour juger le plus de mondes possibles « les français sont des veaux, aurait dit le Général de Gaulle, dans un jugement définitif ». Sans doute a t il oublié que lui aussi, était Français, pour juger ainsi. Je ne pense pas qu'il ait pu penser « je suis un veau ».
Rester dans l'inconfort et le déséquilibre, face à un évangile parfaitement clair sur ce sujet, et employer toutes nos forces pour le refouler dans notre quotidien de jugé et de jugeur ? Se dire que au moins, ça limite les dégâts . Ou continuer à prétendre que notre jugement mérite une exception à la règle ?
Ou, et c'est évidemment ce que nous propose Paul, ou Jésus, arrêter ça. Cesser , une bonne fois pour toutes d'employer ce type de formule « untel est quelque chose » ou « tu es quelque chose » ou « je suis ceci ou cela », arrêter, net, de produire ces formules là qui ne servent à rien, qui sont fausses, et qui ne font que du mal.
Alors, on va me dire : oui mais si on ne juge pas, comment arrêter quelqu'un qui manifestement a un comportement néfaste ? Comment se battre, entrer en résistance contre un despote, comment faire de la politique, comment même prêcher un évangile de combat ?
Il y a une nuance qui change tout. Se battre fait partir de notre condition. Mais il ne s'agit pas de se battre contre une personne , ou une classe de personne, en la désignant : comme cette phrase qu'on lit très souvent dans les faits divers : un schizophrène a agressé quelqu'un ». La personne en question est qualifiée de schizophrène et certes, selon l'académie, elle est schizophrène. Mais voilà, ce qui semble évident ne l'est pas. Il y a énormément de personnes qui sont schizophrène, mais qui ne sont pas dangereuses pour quiconque, et parfois même pas pour elles mêmes. Elles entendent des voix, ont parfois des bouffées délirantes, et beaucoup, avec des médicaments de plus en plus adaptés mènent une vie, certes, pas si normale que ça, mais socialisées. Quand vous dites « un schizo a agressé quelqu'un » : vous dites : les schizophrènes sont dangereux. Vous protesteriez si vous lisiez « un noir a agressé quelqu'un », parce que même si le fait est vrai, cette phrase émet un jugement sur l'ensemble de ceux qui ont la peau noire, et c'est catastrophique. Les jugements sont insidieux, ils prennent diverses formes et sont souvent émis avec la pleine certitude de la raison et du bon sens, alors, que du point de vue biblique, ils peuvent être qualifiés de blasphèmes.
C'est à la vigilance à laquelle Paul nous appelle. A la vigilance évangélique au nom d'un évangile qui s'offre à tous, et Dieu , lui, jugera. Si vous pensez que quelqu'un a un comportement répréhensible ou néfaste, cela ne sert à rien de dire en général, aux autres « cette personne est nulle, méchante, néfaste etc », cela ne sert même à rien de lui dire en face, c'est un acte de bravoure inutile . C'est un comportement qu'il s'agit de transformer, c'est une attitude qu'il s'agit de faire cesser. Et tous les moyens ne sont pas bons. Et celui du jugement est le pire de tous.
Quand serons nous enfin confortable avec la morale biblique dont l'essentiel consiste à ne pas se prendre pour Dieu : le jugement, la toute puissance, la centralité, l'étendue, la définition, tout cela ce n'est pas pour nous, ou alors, avec un peu de distance ou d'humour, du genre, tu m'as fait beaucoup de mal et j'ai failli en mourir, mais au nom du Christ, je te transmets la proposition de pardon de la part de Dieu, à toi de la saisir ou non, mais je ne te juge pas. Non pas que je n'en ai pas envie, mais tout simplement, je connais mon incapacité à le faire.
FINAL :
Romains 8.18-23
18J’estime en effet qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée en nous. 19Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. 20En effet, la création a été soumise à la futilité – non pas de son propre gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise – avec une espérance : 21cette même création sera libérée de l’esclavage du périssable pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. 22Or nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’accouchement. 23Bien plus, nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption filiale, la rédemption de notre corps.