11 MAI LES MOUTONS ET MOI

LECTURE

Jean 10.1-10
Le berger et ses moutons
1Amen, amen, je vous le dis, celui qui n’entre pas dans l’enclos à moutons par la porte, mais qui l’escalade par un autre côté, celui-là est un voleur et un bandit. 2Mais celui qui entre par la porte est le berger des moutons. 3C’est pour lui que le gardien ouvre la porte ; les moutons entendent sa voix ; il appelle ses propres moutons par leur nom et les mène dehors. 4Lorsqu’il les a tous fait sortir, il marche devant eux ; et les moutons le suivent, parce qu’ils connaissent sa voix. 5Ils ne suivront jamais un étranger ; ils le fuiront, parce qu’ils ne connaissent pas la voix des AUTRES.
6Jésus leur tint ce discours figuré, mais eux ne surent pas ce qu’il leur disait.
Le bon berger
7Jésus leur dit encore : Amen, amen, je vous le dis, c’est moi qui suis la porte des moutons. 8Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les moutons ne les ont pas écoutés. 9C’est moi qui suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera des pâturages. 10Le voleur ne vient que pour voler, abattre et détruire ; moi, je suis venu pour qu’ils aient la vie et l’aient en abondance.
CHANT 92 1.2.3.4


PREDICATION


C'est un texte de l'évangile de Jean. Donc c'est compliqué :-)

Mais on va y aller quand même pour sentir ce que l'esprit de la bonne nouvelle devrait nous apporter aujourd'hui ! (malgré ce temps pourri ! :)

Deux thèmes, celui de la porte et celui de l'Autre. Ce mot Autre que je vous dis avec un A majuscule, c'est ce mot qui se traduit aussi par étranger. Mais d'abord c'est l'Autre, avec un A majuscule.

A part les architectes ou bricoleurs ou éventuels maçons ici présents, personne ne s'interesse vraiment à ce fantastique objet qu'est  une porte. 

Anecdote personnelle : Moi qui suis du midi j'ai toujours considéré la porte de ma maison comme le passage non pas par exemple de l'extérieur à l'interieur, mais comme le passage d'un espace découvert  à un espace couvert , d'un espace au soleil, à un espace à l'ombre. Et toutes les portes même à l'intérieur d'une maison sont des passages entre des espaces plus ou moins découverts  et des espaces plus ou moins couverts.  Mais je ne me sens jamais à l'intérieur, juste couvert.
Mais que l'on bascule  de l'extériorité à  l'intérioté, ou que l'on reste sur une même ligne entre des espaces plus ou moins couverts ou plus ou moins publics , la porte évoque nécessairement  du  passage . Or le passage, c'est un des mots les plus important de la Bible.
Pessah, Pâque : passage.
Pour les hébreux, c'est une sortie, d'un lieu complètement privatif , en l'occurence de libertés. Personne n'entend jamais la musicalité de ce mot "privatif" "privé" . C'est ma vie privée. Mais privée de quoi ? Des autres évidemment.
Sortie donc de ce lieu là, de leur vie "privée" à un espace on ne peut plus public : un désert, dans lequel ils erreront comme une piètre figure de l'humanité qui se perd dans elle même, recherchant des indicateurs,  comme dans un désert.
Pour les hébreux, c'est la porte de sortie vers l'histoire, sur un chemin finalement balisé par des indicateurs que sont littéralement les commandements de la torah.

Pour les chrétiens, du moins ceux qui se sont sentis déracinés du judaïsme, c'est devenu, Paques, ce passage, aussi une porte de sortie,  mais non pas vers l'histoire, mais de l'histoire.
Examinons la mentalité de ce passage de l'évangile de Jean.

Je suis la porte des moutons.  Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs ou des bandits. Cette porte ferait entrer dans une autre dimension du temps. De cette histoire jonchée de déceptions, y compris notre propre histoire, nous passerions, en ouvrant cette porte spécifique dans une autre temporalité, celle ci éternelle, et jamais décevante par définition, le temps du royaume.
Jésus dans cette conception est l'équivalent de Janus, dans la rome antique, ce dieu qui surveillait l'entrée et la sortie. C'est lui qui a fourni l'étymologie de janvier entre deux années, ces mois paiens peuplés de jours de saints chrétiens.

Les communicants chrétiens ayant toujours tout pris au premier degré,  Jésus en gloire  en est venu à surmonter les porches de cathédrales. Et je ne parle pas de l'escalier du monastère de sainte catherine en égypte qui aboutissaient aux portes de la confession, et donc de la véritable conversion purificatrice.
Je suis la porte. Pour ce mysticisme chrétien, cette porte là est réellement le passage d'une dimension du temps à une autre. Du temps de l'histoire au temps de Dieu.

Nous savons tous ce qu'est une porte, mais nous  nous figurons rarement ce qu'elle signifient pour nous ,  voire ce que nous ressentons quand nous effectuons ce passage au travers d'une porte, même si cette porte n'est qu'un rideau.
Pour comprendre le sens de texte de Jean, il faut penser à nos façons de franchir toutes nos différentes portes, comme celles par exemple qui vous avez franchies pour aboutir ce matin au culte.
 Nous pourrions commencer aussi à percevoir quelques portes de notre psychisme qui sont restées grand ouvertes, battantes, ou fermées, voire verrouillées. C'est dès lors que nous aurons réalisé ce que nous vivons avec tous ces passages, que nous percevrons que peut être quelque chose de nous est resté derrière une porte fermée voire verrouillée, que nous sera  révélés à nous même que nous avons été mis à la porte, que nous pourrons nous présenter vers le Christ, quelque soit la représentation que nous avons de lui, mais aujourd'hui, la représentation donnée par Jean, c'est une porte.
Pas la peine d'escalader  les innombrables marches du monastère de Sainte Catherine, nous pouvons d'ores et déjà   nous présenter à cette porte et passer. Tout simplement : passer.


Ce passage là s'appelle la conversion. Je ne sais pas entre  quels espaces et  quelles temporalités ce passage est le passage. Mais ce passage, qu'il se parle à travers un symbole, celui d'une porte, ou d'une croix, ou d'un tombeau vide, qu'il se parle au  travers un rite comme celui d'une  confirmation ou celui d'un baptême, ne veut rien dire sans le vivre.


Le chrétien présenté par Jean s'il reste dans le même espace,  vit dans une autre temporalité. Il est déjà dans le royaume. Il est une des pierres vivantes de son nouveau Palais et c'est ce nouveau Palais que se figurera être l'Eglise.


Mais après l'expérience spirituelle, à moins d'avoir été directement enlevé vers le ciel, il se trouve que le chrétien se rend compte que l'histoire continue.
Il se rendra vite compte qu'en fait, il est quand même bien resté dans l'Histoire. Même  le  christianisme n'a pas pu la contenir, cette histoire. Elle a continué sans lui. Le christianisme était lui même était Histoire, parmi toutes histoires de l'humanité perdue dans le désert.


Il pourra ce chrétien  se crisper ... se figurer que l'Autre, et nous en venons au deuxième thème de ce passage de Jean, est la cause de tous les malheurs. La définition de l'autre n'est pas qu'il est différent de soi,  sa définition, c'est juste qu'il est la cause de tous mes malheurs.
Ainsi le malheur d'une église s'arcboutant peut être à juste titre contre les ressacs du modernisme, ou du post modernisme, ou que sais je. Contre l'autre, quoi.

Ou alors, ce chrétien , au lieu de se crisper, comment un enfant se crispe quand il ne veut pas entrer à la maternelle car il préfère rester dans son royaume, il pourra repasser par la porte et se rendre compte qu'il est donc bien  lui aussi entré dans l'histoire,  qu'en fait il n'en était jamais sorti, mais qu'aujourd'hui il apparait que les historiens ne sont plus tous chrétiens, et que ce monde est peuplée d'autres, et parmi eux en effet, des intrus, des étrangers, des voleurs, des brigands, qu'il ne s'agit pas suivre comme un mouton décérébré, certes.  En général, ils se reconnaissent vite, ils nous font tous le coup de la porte : passez par moi, et vous verrez une nouvelle route scintiller devant vous et tous vos problèmes s'évanouir devant vos yeux....

 Mais il y a d'autres Autres.
Avec tous ces autres-là , ces étrangers , le chrétien apprendra qu'il y a des réserves de conversation, des réserves de travail de tissage de liens, des réserves de partages de visions du monde, des réserves communes d'indignation et de révolte, des réserves communes d'affection pour le prochain. Tous ces autres, ces étrangers, ceux qui ne sont pas tous du genre à poursuivre des fins viles comme celle de me dérober moi ou mes congénères, en refusant de passer par la porte officielle, donc tous ces gens que je rencontre dans le désert de ma nouvelle Histoire, c'est peut -être avec eux que le prochain passage va se faire.
Après s'être tant fait la guerre et avoir posé entre elles des portes verrouillées et indécryptables par l'Autre, ces religions, qui se portent toujours comme des charmes, vont bien finir un jour par se parler. Celui qu'un peuple a déclaré que Dieu a fait Christ, sera peut être, une porte, ce juif, renié par les juifs, et adoré par les chrétiens, ce Jésus de Nazareth ,  étranger à Jérusalem , respecté par les Musulmans, comparé à des grandes figures bouddhistes ou de sagesse, ce Jésus, finalement, tout à la fois, romain, occidental, oriental grec et sémite, pourrait devenir la porte du passage universel d'une humanité qui pour l'instant ne préfère pas se réconcilier, mais continuer à errer dans son désert.
L'histoire n'est donc pas finie. Notre histoire individuelle non plus.  Au chrétien qui a franchi la porte,   de s'en rendre compte.


AMEN

Commentaires

Articles les plus consultés