PREDICATION DES RAMEAUX 2012
MARC
Chapitre 11
L'entrée de Jésus à
Jérusalem
1Alors
qu'ils approchent de Jérusalem, vers Bethphagé et Béthanie, près
du mont des Oliviers, il envoie deux de ses disciples 2en leur
disant : Allez au village qui est devant vous ; sitôt que
vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel
aucun homme ne s'est encore assis ; détachez-le et
amenez-le. 3Si quelqu'un vous dit : « Pourquoi
faites-vous cela ? », répondez : « Le Seigneur
en a besoin ; il le renverra ici tout de suite. »
4Ils
s'en allèrent et trouvèrent un ânon attaché dehors, près d'une
porte, dans la rue ; ils le détachent. 5Quelques-uns de
ceux qui étaient là se mirent à leur dire : Qu'est-ce que
vous faites ? Pourquoi détachez-vous l'ânon ? 6Ils
leur répondirent comme Jésus l'avait dit, et on les laissa aller.
7Ils
amènent à Jésus l'ânon, sur lequel ils lancent leurs vêtements ;
il s'assit dessus. 8Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements
sur le chemin, et d'autres des rameaux qu'ils avaient coupés dans la
campagne. 9Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient
criaient :
Hosanna !
Béni soit celui qui vient au
nom du Seigneur !
10Béni soit le règne qui vient,
le règne de David, notre père !
Hosanna dans les lieux très
hauts !
11Il
entra à Jérusalem, dans le temple. Quand il eut tout regardé,
comme il était déjà tard, il sortit vers Béthanie avec les Douze.
PREDICATION
Le lecteur des évangiles est
comme un Dieu. Pas comme Dieu, mais comme un Dieu, qui a des pouvoirs
supra naturels. Il peut traverser le temps, l'espace, se rendre
invisible au milieu des histoires, il peut investir la psychologie
des personnages d'une action, ou il peut rester neutre, surplombant se faire ami avec les divers narrateurs, personnages discrets
mais ô combien influents de ces formes de récits.
Cela faisait une dizaine de
chapitres que ce lecteur suivait Jésus, depuis la Galilée. Il s'est
inséré dans la foule, il a observé, entendu, ce que disait ce
prophète, il a été frappé, étonné , à chaque étape du
miracle de sa venue.
Tout à tour ce lecteur a été
juif, ou non juif, croyant ou incroyant, riche ou pauvre, femme ou
homme. A chaque fois il pu ressentir la joie qu'il y a de voir le
Messie se révéler sous ses yeux.
D'enfin comprendre ce que signifie
le mot gloire, le poids, en hébreu. Ce lecteur se rend compte que
la présence du Messie de Dieu dans ce monde-ci rend ce monde plus
consistant. Plus réel. Plus, intéressant, que ce qu'on nous
raconte. Autour. Ce qu'on nous raconte autour est cette légende
selon laquelle il n'y a aucun espoir jamais , que l'humain est une
maladie et que tout court à sa perte.
Mais aujourd'hui ce lecteur
arrivé au chapitre 11, cette divinité flottante entre les récits,
n'a pas connu Jésus avant.
Il réside à Jérusalem. Certes
il a entendu la rumeur. La sœur de sa femme, est même allée
précéder Jésus sur le chemin de Jérusalem. Il a entendu les
récits fantastiques, certains très exagérés, qui parlaient de
lui, de ce qu'il faisait. De comment il envoyait balader les
pharisiens, cette véritable police des mœurs.
Il
est partagé. Il est de premier abord mécontent
de
le voir.
Qu'avait il à vouloir ainsi
bouleverser cet ordre précaire dans lequel il vit, certes sous
occupation, mais avec une liberté relative. Très relative,
d'accord, mais au moins, on pouvait commercer, aller au Temple, et
rester vivants.
Mais d'un autre côté, il est
heureux aussi. Qu'enfin quelque chose se passe. Que quelqu'un exprime
, enfin, cet amas d'espérance qui est tapi au fond de nous et qui
nous appelle constamment. Il sait que de ne pas écouter cet appel
rend malheureux. Mais jusqu'ici, il préférait être malheureux
qu'espérer. Il sait, il a appris, que l'espérance est le dernier
fléau de la boite de Pandora. Il s'en méfie comme de la peste.
Il commence à entendre des
chants, des vivas, des cris.
Une douce rumeur, pas menaçante ,
qui s'approche, s'augmente non pas uniquement par le rapprochement,
mais aussi par la multitude des nouveaux cris qui s'agrègent. Il se
passe quelque chose. Il veut aller voir ce qu'il entend.
Il se mêle à la foule et voit ce
qu'elle fait, elle chante, elle tapisse le sol de palmes, mais il est
où, lui ? Il ne le voit pas, où est son char, où sont ses
chevaux ?
Quand tout à coup il le voit. Sur
un âne.
D'abord il ne comprend pas :
que fait-il sur un âne ?
C'est drôle un âne,
contrairement au cheval, il ne donne pas l'impression que vous le
guidez, mais que c'est lui qui dirige, vous porte, vous guide.
Où vont-ils au fait ?
L'âne, le prophète, peut-être bien plus qu'un prophète, la foule.
Ils sont sur le chemin du Temple.
Ce qui n'est pas forcément rassurant.
Notre
lecteur demande à un de ces exaltés qui jettent des palmes :
pourquoi un âne ?
Et
l'autre lui répond d'abord : tu
as vraiment oublié la langue de ton peuple, tu n'écoutes plus la
Bible , tu ne connais donc pas cette prophétie de Zacharie :Za
9,9-10 : Exulte de toutes tes forces, fille de Sion
Exulte de toutes tes forces,
fille de Sion !
Pousse des cris de joie, fille
de Jérusalem !
Voici ton roi qui vient vers
toi :
il est juste et victorieux,
humble et monté sur un âne,
un âne tout jeune.
Ce roi fera disparaître
d’Ephraïm les chars de guerre,
et de Jérusalem les chevaux de
combat ;
il brisera l’arc de guerre,
et il proclamera la paix aux
nations.
Sa domination s’étendra
d’une mer à l’autre,
et de l’Euphrate à l’autre
bout du pays.
Et l'autre ajoute : c'est la
fin de la guerre mon frère. La fin de cette guerre que se livre
l'homme à lui même depuis le début des générations. C'est lui,
le Roi, qui va nous délivrer de ça.
Mais notre lecteur, car nous nous
n'oublions pas qu'il s'agit d'un lecteur, se demande si ce Roi
serait censé subvertir la condition humaine ? Il est évident
que cela n'est pas possible, l'humain est veule, narcissique,
transforme le chagrin, la consolation, l'amour, la solidarité en
valeur marchande, n'a de cesse que de toujours éliminer ses
concurrents, et toute religion est fausse, car n'existe que la
violence et la peur.
Mais il regarde cet âne. Un âne
jeune, pas forcément plus docile. Maintenant qu'il a compris
pourquoi ce n'était pas un cheval et ça le touche, ça lui parle,
que ce ne soit pas un cheval.
On en a tant vus, de ces chevaux
des conquérants victorieux, qui d'abord nous volent, ensuite nous
divisent et enfin nous revendent. Ils nous déçoivent encore plus
qu'ils nous avaient enjoués.
Ensuite, il le regarde lui,
monter, tranquillement vers le temple. Avec cette foule de gens
normaux, qui n'ont plus peur de clamer leur espérance, mais aussi
leur joie d'apprendre qu'ils n'étaient pas cette humanité veule et
meurtrière qu'on voulait leur faire croire qu'ils étaient, pour les
pousser à se soumettre .
Certains
regardent cette caravane et envoie des quolibets « Que peut
-il sortir de bon de la Galilée ? »
Et en ce jour des Rameaux, la
question est « que peut-il sortir de bon de l'humanité ? »
.
Telle est la question que notre
lecteur de Marc ne se pose plus. Il a choisi d'être cette humanité
là, celle qui acclame celui qui est juste et victorieux, et les deux
mots sont nécessairement liés l'un à l'autre.
La victoire sans justice n'apporte
que le malheur, et la justice sans victoire n'apporte que de la
déprime.
Il a choisi de faire partie de
cette humanité là, celle de Celui qui humblement déclare la fin de
la guerre.
Et même s'il sait que Jésus,
arrivant comme cela, à Jérusalem, se met en danger, il sait et nous
savons déjà qu'il est temps de ne plus réprimer ce désir
d'espérance que nous avons.
Le jour des Rameaux est la fête
de l'espérance, et cette espérance se réalise quand nous
l'exprimons. AMEN.
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