méditation conseil régional de juin 2012


Psaume 56

2Fais-moi grâce, ô Dieu, car des hommes me harcèlent ;sans cesse ils me font la guerre, ils m’oppriment.3Sans cesse mes détracteurs me harcèlent ;ils sont nombreux, ils me font la guerre, Dieu d’en haut !4Le jour où j’ai peur,moi, c’est en toi que je mets ma confiance.5C’est grâce à Dieu que je loue sa parole ;c’est en Dieu que j’ai mis ma confiance, je n’ai pas peur :que pourraient me faire des humains ?6Sans cesse ils me tourmentent en paroles,ils n’ont à mon égard que de mauvaises pensées.7Ils complotent, ils épient,ils montent la garde sur mes talons,parce qu’ils en veulent à ma vie.8C’est par le mal qu’ils échapperaient !Dans ta colère, ô Dieu, fais tomber les peuples !9Tu comptes les pas de ma vie vagabonde ;recueille mes larmes dans ton outre :ne sont-elles pas inscrites dans ton livre ?10Alors mes ennemis reculent, au jour où je crie ;je sais que Dieu est pour moi.11C’est grâce à Dieu que je loue la parole ;c’est grâce au SEIGNEUR que je loue la parole ;12c’est en Dieu que j’ai mis ma confiance, je n’ai pas peur :que pourraient me faire des humains ?13Sur moi, ô Dieu, les vœux que je t’ai faits,je m’en acquitterai par des sacrifices de reconnaissance,14car tu m’as délivré de la mort.Mes pieds n’ont-ils pas évité la chute,afin que je marche devant Dieu dans la lumière des vivants ?


C'est le Psaume du jour. Alors autant le prendre. C'est un de ces textes souvent regardés avec dédain, parce qu'ils exprimeraient une conception on va dire "paranoïaque" du monde.
Pourtant, à chaque fois que je me dis ça, je pense aux camps d'extermination, où 6 millions de paranoïaques ont été gazés et brûlés, mais grâce à nous, jamais, jamais oubliés.

Je pense moi au contraire, que l'esprit de ce texte reflète une partie de la réalité de notre condition humaine, mais elle est tellement sombre, que nous refusons de la voir, comme si avoir cette perception, nous étoufferait, comme si la lucidité nous entrainerait inévitablement vers la dépression. Le dépressif, on le sait, est frappé d'une lucidité extrême, et n'a plus en lui la possibilité de fabriquer les hormones nécessaires pour passer outre, mais le lucide lui, n'est pas forcément dépressif.

Je crois que l'on peut être à la fois lucide, d'une façon extrême, capables de regarder notre humanité bien au delà des conceptions binaires, le bien le mal etc, sans être dépressif, en étant tout simplement véritablement croyants. C'est à dire en acceptant un élément de cette réalité, c'est à dire Dieu, et en faisant de cet élément là le centre absolu de notre vie.

Je pense moi, qu'une partie de la prédication chrétienne se déploie souvent comme des mantras, qu'elle est non seulement vaine, non seulement en contradiction avec le souffle biblique, qui n'a pas mis l'amour au coeur de son message, car le coeur du message c'est Dieu avec nous, je pense que cette prédication n' a non seulement aucun impact, mais renforce l'illusion, nous rend nous chrétiens, flottants, mais surtout souvent ridicules.

Je pense profondément que si les Eglises ne disent plus rien aux gens, c'est parce que justement elles ne disent plus rien. Je veux dire plus rien qui a un rapport avec le réel.
Mais regardons nous, regardons dans quoi nous sommes, regardons ce que nous sommes. L'évangile de Jésus nous offre une opportunité fantastique: c'est le regard de Dieu sur nous, sur nous, notre collectivité humaine : une société humaine extraordinairement complexe, facilement hypnotisée par n'importe quoi, le regard de Jésus nous révèle que chacun de nous est pris dans réseau extraordinairement dense et opaque, où par exemple, notre identité, ce que nous croyons être, est avant tout un cumul d'identifications opérés par les autres que nous, qui font ce que nous sommes, c'est à dire des êtres multiples, naviguant à vue, non pas capable du meilleur et du pire, mais tout simplement des humains, faits de poussière et destinés à y retourner, en vivant dans notre individualité comme sur un voilier en solitaire.

Nous nous croyons par exemple souvent faibles et pleutres. Mais c'est aberrant. Le simple fait de vivre est la preuve de notre extraordinaire témérité. Le simple fait d'être né est le résultat d'une force inouïe, d'une sélection impitoyable.
Oui, la réalité n'est pas aussi simple que le préchi précha des préchi precheurs. Nous sommes des êtres téméraires, inconscients, harcelés, harceleurs, pris dans la vie collective, rêveurs, dépendant des autres, redevables, possédés, possesseurs, tragiques, comiques, nous sommes faits de la pâte même du réel, réel tellement plus grand que nous que nous sommes incapable, tellement il nous contient, que nous ne pouvons pas l'apréhender.

Oui, personnellement, je ne crois pas que la bible soit un ouvrage paranoïaque, tant celle ci est charnelle, remplis d'odeurs, de songes, de prophéties, de cruauté et de joie et d'étonnement sans pareils. Robert Crumb, un grand dessinateur contemporain, a produit une Genèse. Son trait, son choix artistique, est à regarder de près, il fait rejaillir ce que cette Bible a de charnel et quelle est sa force de témoignage de la réalité profonde du monde.

Mais

Je sais aussi, que dans ce processus sempiternel et circulaire, où je peux être abandonné et peut me demander "pourquoi", je peux entendre l'autre partie de ce Psaume de parano.

c’est en Dieu que j’ai mis ma confiance, je n’ai pas peur :que pourraient me faire des humains ?


Tu comptes les pas de ma vie vagabonde 


Quelle beauté. C'est exactement ça. Je suis un vagabond, j'ai beau rationaliser tout ce que je peux, mettre en cohérence mon parcours, m'auto convaincre, convaincre les autres, je suis un vagabond. Qui a la possibilité de s'adresser à Dieu et de lui dire :

recueille mes larmes dans ton outre

Le seul moyen de vivre en étant lucide sur notre condition réelle, bien au delà du préchi précha, c'est de s'agripper à Dieu. Pas qu'à lui, mais en faire le véritable socle de la confiance qui nous permet de vivre.

La vie est un chemin d'accord, mais c'est un chemin vers la communion réelle.
C'est l'abandon de tous mes fantasmes d'individualité qui est requis dans cette marche vers la communion.
Par exemple, je découvre dans la Bible que ce fameux dernier repas de Jésus avec ses disciples était tout , sauf une communion, car quelqu'un parmi les douze, non pas avait trahi, ça on s'en fout, je veux dire que cela n'a aucun intérêt théologique, mais surtout quelqu'un dans ce qui aurait pu être une communion ne s'était pas abandonné, n'avait pas abandonné ses illusions.
Ce dernier repas,est en fait une première étape vers la communion, l'étape de la lucidité.
Cette communion à venir, cette communion en horizon, qui nous convoque à la marche, donc au déséquilibre permanent, ne sera pas une simple juxtaposition de nos individualités éparses, un cénacle de divinités illusoires, pas un simple partage comme on a tendance à la transformer dans nos Eglises, quand les Eglises oublient de penser ce qu'elles font, mais deviendra une véritable communion quand chacun se sera abandonné, c'est à dire aura décidé de donner à Dieu sa propre vie, pour une vie nouvelle.
Comme le Christ, qui après un long chemin où il a beaucoup donné, s'est finalement abandonné, et de ce fait, pour nous chrétiens à sceller le pacte de la communion entre Dieu et nous, et donc, entre nous.

Pas de communion possible sans l'épreuve de la lucidité sur notre véritable condition enchevêtrée, pas de communion possible sans dévoilement à nous même du socle de cette confiance qui nous permet de vivre, à savoir Dieu, et sans un chemin d'abandon, qu'on pourrait appeler sacrifice, mais je préfère appeler cela abandon.

Et le signe qu'une étincelle de cette communion existe dans une Église, c'est que se produise de la reconnaissance. Sans reconnaissance, ce n'est pas une communion, c'est un fake.

car tu m’as délivré de la mort.Mes pieds n’ont-ils pas évité la chute,afin que je marche devant Dieu dans la lumière des vivants ?

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