UNE PRÉDICATION DE JUILLET
VOUS N’ÊTES PAS OBLIGES DE CROIRE !
Evangile
de Marc 8 /11 à 26
Les
disciples ne comprennent rien
14Les
disciples ont oublié de prendre du pain. Ils ont un seul pain avec
eux dans la barque.15Jésus
leur donne cet ordre : « Faites attention !
Méfiez-vous du levain des Pharisiens et du levain
d'Hérode ! » 16Alors
les disciples se disent entre eux : « Nous n'avons pas de
pain. »
17Jésus
s'en aperçoit et leur demande : « Pourquoi est-ce que
vous dites entre vous : “Nous n'avons pas de pain” ?
Est-ce que vous ne savez pas encore ? Vous ne comprenez pas
encore ? Vous avez donc l'intelligence fermée ? 18Vous
avez des yeux, est-ce que vous ne voyez pas ? Vous avez des
oreilles, est-ce que vous n'entendez pas ? Souvenez-vous
donc !19Quand
j'ai partagé les cinq pains pour les 5 000 hommes, vous avez
emporté des paniers pleins de morceaux. Combien ? » Ils
répondent : « Douze paniers. » 20Jésus
continue : « Et quand j'ai partagé les sept pains pour
les 4 000 personnes, vous avez emporté des paniers pleins de
morceaux. Combien ? » Ils répondent : « Sept
paniers. » 21Alors
Jésus leur dit : « Et vous ne comprenez pas encore ? »
Jésus
guérit un aveugle à Bethsaïda
22Jésus
et ses disciples arrivent à Bethsaïda. Les gens amènent un aveugle
et ils demandent à Jésus de le toucher. 23Jésus
prend l'aveugle par la main et le conduit en dehors du village. Il
met de la salive sur les yeux de l'homme, il pose les mains sur lui
et lui demande : « Est-ce que tu vois quelque
chose ? » 24L'aveugle
ouvre les yeux et il dit : « Je vois les gens, je les vois
comme des arbres, mais ils marchent. » 25Jésus
pose encore une fois les mains sur les yeux de l'aveugle, et celui-ci
voit clairement. Il est guéri et il distingue tout, même de
loin. 26Jésus
lui dit : « Retourne chez toi et ne rentre pas dans le
village. »
PREDICATION
Il
y a ceux qui veulent tout voir, les pharisiens.
Il
y a ceux qui ne veulent rien voir, les disciples.
Et
puis il y a un aveugle
Voilà
comment Marc construit son triptyque " (provocation des
)pharisiens/ (incompréhension des) disciples/ (guérison de l')
aveugle".
Il
nous fait passer de l'illusion de voir ou de savoir (celle qui
contamine les pharisiens)
aux
dégâts qu'entrainent cette illusion (dégâts observés chez les
disciples)
à
la révélation de la véritable condition des pharisiens et des
disciples qui est celle de l'aveugle. Mais qui lui, au moins, sait
qu'il est aveugle. Et cette révélation se poursuit par un véritable
chemin spirituel balisé par la signification des étapes de sa
guérison.
Alors
maintenant, reprenons ces trois récits :
Fais
un miracle devant nous, ordonnent les pharisiens.
Jésus
ne fait pas de miracle. Il n'y aura aucune preuve.
Vous
connaissez le crime parfait. Sans aucun indice, sans aucune preuve.
La venue de Jésus dans le monde, c'est la même perfection. Pas de
preuve. Vous n'aurez pas de preuve. Mais ce n'est pas un crime. C'est
la grâce parfaite. Elle te vient gratuitement, mais toi aussi, tu la
reçois gratuitement. Mais jamais, tu ne pourras le prouver.
Fais
un miracle devant nous. Devant nos yeux. Nos yeux qui voient tout,
qui savent tout, parce que nous les pharisiens figurés par Marc,
nous sommes les sachants, les voyants.
Jésus
ne fait rien voir aux pharisiens. Circulez, il n'y a rien à voir.
Ca
continue avec les disciples. Qui sont aussi aveugles que les
pharisiens, mais qui eux au moins sont dans la capacité de se
prendre un sermon, qui aura peut-être la capacité de les faire
douter sur leur véritable capacité d'accueil de la grâce de Dieu.
18Vous
avez des yeux, est-ce que vous ne voyez pas ? Vous avez des
oreilles, est-ce que vous n'entendez pas ? Souvenez-vous
donc !19Quand
j'ai partagé les cinq pains pour les 5 000 hommes, vous avez
emporté des paniers pleins de morceaux. Combien ? » Ils
répondent : « Douze paniers. » 20Jésus
continue : « Et quand j'ai partagé les sept pains pour
les 4 000 personnes, vous avez emporté des paniers pleins de
morceaux. Combien ? » Ils répondent : « Sept
paniers. » 21Alors
Jésus leur dit : « Et vous ne comprenez pas encore ? »
Bin
,
ils ne comprennent pas. C'est d'ailleurs, leur rôle, dans Marc, des
disciples, de ne pas comprendre.
Le
lecteur donc, aboutit naturellement sur celui-ci, l'aveugle, qui ne
voit lui absolument rien. Et qui évidemment le sait, contrairement
aux autres.
Alors
que va t il se passer avec un aveugle ?
Marc,
pour bien faire saillir l'opposition avec les pharisiens qui
demandaient de leur faire un miracle "en face"; dit ceci :
Jésus
prend l'aveugle par la main et le conduit en dehors du village.
Ce
n'est plus en face de ceux qui ont amenés l'aveugle. C'est à part.
Il
n'y aura donc aucun témoin, aucune preuve, seule pourra attester la
parole de celui qui a été guéri, mais qui croira qu'il n'a pas été
guéri tout seul, ou qu'évidemment, au fond il n'avait jamais été
malade...Personne ne se trouvera obligé de le croire. Et c'est bien.
Nous sommes les obligés de tellement de choses et de gens dans la
vie, et c'est bien que de Dieu, nous ne soyons pas les obligés. Vous
n'êtes pas obligés de croire. Et si vous croyez, personne ne sera
obligé de vous croire.
Il
prend par la main celui qui ne voit rien et le soustrait à tout le
monde, tous ces "on" qui l'ont amené jusqu'à Jésus pas
forcément par "amour" de ce pauvre type, mais parce que
ce public qui finalement comme les pharisiens, et aussi comme les
disciples, ont tellement besoin d'un miracle en face. Tous ces gens
qui vivent leur vie comme s'ils en étaient les spectateurs. Et c'est
ça qui les rend aveugles.
Ils
ne l'auront pas. Jésus retire l'aveugle de leur désir. Jésus
retire ce type de la société du spectacle.
Si
l'ont fait un point d'étape théologique : la volonté de dire de ce
texte, ce que ce texte veut dire, est très simple. L'action de Dieu
n'est pas publique. Elle est privée. C'est dans un face à face que
nait la grâce, c'est dans l'intimité que vont s'ouvrir les yeux de
la foi. C'est ce que cette suite de récits veut dire. Et cette
volonté de dire, nous devons l'entendre, nous qui sommes les
spectateurs de ces récits,
Pourquoi
Dieu n'intervient pas publiquement, n'envoie t il pas un miracle bien
frappant à la face des pharisiens, ne rafraichit il pas le cerveau
collectif faible de son assemblée de disciples, et ne guérit pas
cet aveugle devant ce public qui patiente depuis des heures en
attendant que le spectacle commence.
Le
texte veut dire qu'en continuant à te poser cette question, tu ne
t'apercevras pas de ta véritable condition, ta véritable cécité.
Spectateur de l'évangile, les yeux "grands fermés" , tu
attendras le prochain coup de théâtre, et tu ne saisiras pas la
main de ce Jésus que tu ne vois pas. Il t'amènerait en dehors du
village.
Jésus
lui prend la main et l'amène en dehors du village.
Et
là il semble que ça ne marche pas.
En
dehors du village, il y a des gens, pas concernés par cet aveugle.
Et celui ci, après le premier traitement, si je puis dire, de Jésus,
les voit "comme des arbres, mais qui marchent".
Non,
il ne voit pas tout, bien, immédiatement.
Que
cela nous dit il ? Cela nous dit qu'après avoir renoncé à "voir"
des preuves de Dieu, c'est-à-dire après avoir renoncé à renoncer
à Dieu, après s'être laissé entrainé en dehors du village, c'est
à dire en dehors de la bulle langagière, qui définit les choses
avant que vous ayez eu le temps de les penser, après s'être
débarrassé de toutes ces mains qui vous agrippent pour vous amener
là où vous n'aviez pas forcément envie d'aller...après s'être
rendu compte de sa cécité, l'humain est appelé à ouvrir les yeux,
progressivement, sur ce qui l'entoure, et à passer par le stade du
flou, de l'incertain, du non encore interprété, ce qui laissera en
lui la trace du mystère, qui est derrière toutes ces choses
tellement évidentes, et qui l’empêchera de toujours prétendre
voir plus net que les autres.
Jusqu'à
enfin voir net, et de loin. C'est-à-dire considérer un espace plus
grand que ce qui saute aux yeux.
Le
message qu'envoie Marc est limpide. Notre perception usuelle du monde
est erronée. Sortons de votre village, risquons le face à face avec
Dieu et ouvronsles yeux sur un tout nouveau monde, issu de quelque
chose de beaucoup plus primordial et mystérieux que nous n'avons
jamais pu l'imaginer.
Et
la conclusion de ce récit intime de guérison nous laisse avec un
interrogation. Jésus lui dit de rentrer chez lui, mais de ne pas
retourner au village. Sans doute ce village qui était son lieu de
travail, en l’occurrence la mendicité.
Mais
dans une interprétation plus théologique, on comprend que celui qui
a rencontré Dieu dans l'intimité, qui a vécu l'expérience de
sentir ses yeux s'ouvrir sur une nouvelle réalité, plus profonde,
n'a pas à retourner au village. Désormais, il voit de loin. Il peut
donc viser loin. Il est appelé à rentrer chez lui, mais chez lui ce
n'est pas ou plus ce village, ce village où tous ces humains
caquètent en demandant des miracles en face, ce village où les
conversations s'autoaliment, ce réseau social. Ce n'est pas chez
lui. Cela ne l'a jamais été.
Chez
lui maintenant, c'est avec Dieu. On le croira, on ne le croira pas.
Il ne sera jamais une preuve pour personne. Mais lui le sait. Il
voit. Loin.
AMEN.
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