UNE PREDICATION oubliée...DE L'AVENT (2012)
'L'oubli est une dimension essentielle, et pourtant si discrète, de notre humanité en pèlerinage sur cette planète qui tourne sur elle-même...'
' Mais tout à coup, il y a la vérité'
Job 40.1-24
1Le SEIGNEUR reprit la parole et dit à Job :2Le donneur de leçons va-t-il chercher querelle au Puissant ? Celui qui critique Dieu a-t-il une réponse à tout cela ?3Job répondit au SEIGNEUR :4Je suis peu de chose ; que te répliquerais-je ?Je mets la main sur ma bouche.5J’ai parlé une fois, je ne répondrai plus ;deux fois, je n’ajouterai rien.
6Le SEIGNEUR répondit à Job du milieu de la tempête :7Tiens-toi prêt, je te prie, comme un vaillant homme ;je t’interrogerai, et tu m’instruiras.8Veux-tu réellement annuler mon jugement ?Me condamneras-tu pour te justifier ?9As-tu un bras comme celui de Dieu,une voix tonnante comme la sienne ?10 Orne-toi, je te prie, d’orgueil et de clarté, revêts-toi d’éclat et de magnificence !11Répands les flots de ta colère, regarde tous les orgueilleux et abaisse-les !12Regarde tous les orgueilleux, courbe-les !Écrase sur place les méchants,13cache-les tous dans la poussière,emprisonne-les dans le cachot !14Alors moi-même je te célébrerai,car ta main droite aura été ton salut !
15Voici Behémoth, je l’ai fait comme toi !Il mange de l’herbe comme le bœuf.16Sa force est dans ses reins,et sa vigueur dans les muscles de son ventre ;17il raidit sa queue comme un cèdre ;les tendons de ses cuisses sont entrelacés ;18ses os sont des tubes de bronze,son ossature comme des barres de fer.19Il est le commencement des voies de Dieu ;celui qui le fait le pourvoit d’une épée.20Sa pâture lui vient des montagnes,là où s’ébattent tous les animaux sauvages.21Il se couche sous les lotus,dans le secret des roseaux et des marécages ;22les lotus le couvrent de leur ombre,les saules des oueds l’entourent.23Si le fleuve devenait violent, il ne s’alarmerait pas ;si le Jourdain se précipitait dans sa gueule, il resterait en sécurité.24Est-ce quand il a les yeux ouverts qu’on pourra le saisir ?Le prendra-t-on au piège, pour lui percer le museau ?
Jean 18.33-37 33Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus et lui dit : Es-tu le roi des Juifs, toi ? 34Jésus répondit : Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou bien est-ce d’autres qui te l’ont dit de moi ? 35Pilate répondit : Suis-je donc juif, moi ? C’est ta nation et les grands prêtres qui t’ont livré à moi ! Qu’as-tu fait ? 36Jésus répondit : Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs ; en fait ma royauté n’est pas d’ici. 37Pilate lui dit : Toi, tu es donc roi ? Jésus répondit : C’est toi qui dis que je suis roi. Moi, si je suis né et si je suis venu dans le monde, c’est pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix.
Nous avons déjà parlé de la vérité ici. Peut-être que même ici cette vérité a parfois été dite...
Sans aller jusqu'à Jacques Lacan qui osait dire : «Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n'y arrive pas... Les mots y manquent... C'est même par cet impossible que la vérité tient au réel.»,
sans aller jusqu'à Lacan, nous n'avons jamais prétendu, dans notre Église, dire toute la vérité, et même n'avons jamais jurer devoir la dire toute.
Nous avons déjà parlé de la vérité ici, et peut être l'avons nous dite, à partir de la dernière question de Pilate, étrangement absente du découpage de notre texte du jour "qu'est ce que la vérité". Très célèbre.
Et nous avions remarqué que ce mot en grec, disait quelque chose que nous ne pouvons pas entendre, nous, dans notre langue de barbare . En grec : a leithia : non- oubli.
Ici Pilate ne pose pas sa question. Mais nous , ce matin, nous allons approfondir un peu cette question de la vérité.
A privatif, et leithia; de Lethé l'oubli; de lanthano : demeurer caché. Mais lèthè, Dans la mythologie grecque, Léthé (en grec ancien Λήθη / Lếthê, « oubli »), fille d’Éris (la Discorde), est la personnification de l'Oubli. Elle est souvent confondue avec le fleuve Léthé, un des cinq fleuves des Enfers, parfois nommé « fleuve de l'Oubli ».
Après un grand nombre de siècles passés dans l'Hadès, les âmes des justes et celles des méchants qui avaient expié leurs fautes aspiraient à une vie nouvelle, et obtenaient la faveur de revenir sur la terre habiter un corps. Mais avant de sortir des demeures infernales, elles devaient perdre le souvenir de leur vie antérieure, et à cet effet boire les eaux du Léthé, qui provoquaient l'amnésie.
Le Léthé coulait avec lenteur et silence : c'était, disent les poètes, le fleuve d'huile dont le cours paisible ne faisait entendre aucun murmure.
L'humanité est un poisson rouge.
Ce que raconte l'histoire de ce fleuve, c'est ce progressif oubli qui va nous recueillir, lorsque nous serons morts. Un oubli plus lent que la disparition de notre corps, mais oubli quand même, radical, de que nous avons été, avons faits, avons dit, oubli de ce que nous avons aimé, détesté, oubli de quoi nous avons souffert. Oubli de tout.
La mythologie en boucle combine cette amnésie et une renaissance, mais nous qui ne sommes pas grecs, nous savons que l'immense majorité de ceux qui nous ont précédés sur cette terre ont été oubliés, et ceux qui ne l'ont pas été ne sont que des figures reconstituées, et nous savons aussi, que nous aussi, nous serons oubliés, puisque c'est ainsi. L'humanité est un poisson rouge. L'oubli est une dimension essentielle, et pourtant si discrète, de notre humanité en pèlerinage sur cette planète qui tourne sur elle-même.
Mais tout à coup, il y a la vérité. Qui apparait brusquement : comme le Seigneur, lorsqu'il répondit à Job , au milieu de la tempête. Et qui viens nous dire "tiens toi prêt je te prie". Oui, qui apparait et qui nous retire du fleuve de l'oubli. Comme le baptisé est à un moment vital, retiré de cette eau qui est en train de l'engloutir, comme Job était en train d'être englouti dans son ressassement .Tiens toi prêt !
Chez les grecs, cette vérité, cette énergie là qui fait tout apparaitre au grand jour, n'était justement pas accessible aux commun des mortels, qui ne pouvaient qu'en recueillir que quelques miettes, mais cette vérité était cachée, dans le principe.
Et c'est là que l'évangile accomplit quelque chose d’inouï, un travail titanesque. Il va chercher ce principe hautain et dissimulé qui se plait à briller comme un diamant solitaire. Il arrache cette vérité du ciel. La décroche. Et une fois qu'elle est là, parmi nous, il en rend témoignage, comme dit Jésus à Pilate. "je suis venu rendre témoignage à la vérité".
Alors un bouleversement se passe. Ce qui était caché, sera dévoilé. Là où il y avait des ténèbres, il y aura la lumière. Tous les oubliés, tous ces morts, se releveront. On pourra même lire des généalogies qui vont de Jésus à Adam, d’Ève à Marie. Tous présents, tous revenus dans nos souvenirs. Le fleuve de l'oubli va se transformer en un torrent de mémoire, mémoire par exemple de chacun sur soi même afin qu'il s'autorise enfin à changer, en sachant ce qui, en lui, en elle peut et doit changer.
Il y aura Un " faite ceci en mémoire de moi" pour ce qui aurait dû être un dernier repas d'un maître oublié d'un enseignement oublié avec ses élèves oubliés dans le fond de la nuit des temps et qui aurait du sombrer dans l'oubli. Pourtant, tout à l'heure, nous mêmes, nous vivrons en communion avec ce repas là, avec ce soir là.
Alors voilà le complément de vérité pour ce matin.
La transformation du fleuve des enfers, en fleuve du Jourdain, où la vérité se tient présente et te sort de l'eau, te sort de la nasse, et t'autorise enfin à ce que tu puisses contempler ton lien avec l'origine du monde, et toute cette humanité que tu ne peux pas oublier, puisque tu la portes en toi, et même la ferveur chrétienne imaginera très tôt que cette humanité va toute se réveiller, se relever, dans l'avènement du Seigneur, voici le temps de l'Avent qui va être célébré dimanche prochain, l'événement de la vérité, la disparition de toute nécessité de l'oubli, la concorde, là où la déesse Lethé était la fille de la discorde, l'évidence, quand tout ce qui se verra entrainera la joie, quand plus personne n'aura besoin de baisser les yeux, pour se préparer à oublier ce qu'il n'aurait dû voir.
Aleitheia. Vérité, parmi nous. Décrochée du ciel, évidente. Étonnante. Réelle. Et, dans l'espérance un jour, toute. Toute la vérité. Mais, puisque nous sommes sortis de l'eau, qui est déjà logée en plein notre cœur.
amen.
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