PREDICATION DE PÂQUE(S) 2013


PRIERE D'ILLUMINATION 
Nous prions  :
Ô notre Dieu,
merci pour cette vie que tu nous donnes,
pour le pain que nous pouvons manger,
pour ces frères et sœurs que nous avons
pour nous aimer et pour que nous les aimions.

Merci pour ton Esprit qui nous permet de trouver
une parole de toi dans nos écritures.
Une parole qui nous apprend combien
nous sommes important à tes yeux,
une Parole qui fait de nous tes enfants…


LECTURE : Luc 24 1-12 

Le premier jour de la semaine, elles vinrent au tombeau de grand matin, en apportant les aromates qu’elles avaient préparés. 2Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau ; 3elles entrèrent, mais elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. 4Comme elles étaient perplexes à ce sujet, deux hommes survinrent devant elles, en habits éclatants. 5Toutes craintives, elles baissèrent le visage vers la terre ; mais ils leur dirent : Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? 6Il n’est pas ici, il s’est réveillé. Souvenez-vous de quelle manière il vous a parlé, lorsqu’il était encore en Galilée 7et qu’il disait : Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux pécheurs, qu’il soit crucifié et qu’il se relève le troisième jour. 8Et elles se souvinrent de ses paroles.
9Elles s’en retournèrent du tombeau pour raconter tout cela aux Onze et à tous les autres. 10C’étaient Marie-Madeleine, Jeanne, Marie de Jacques et les autres, avec elles ; elles le dirent aux apôtres ; 11mais ces paroles leur parurent une niaiserie et ils ne crurent pas les femmes. 12Pierre cependant se leva et courut au tombeau. En se baissant il ne vit que les bandelettes qui étaient à terre ; puis il s’en alla chez lui, s’étonnant de ce qui était arrivé


PREDICATION


La résurrection, chers amis, ce n'est pas aujourd'hui, c'était hier !

Sans doute vous demandez vous ce qui m'arrive. Si je ne suis pas devenu fou...

Alors, précisons. Il est possible que nos évangiles ne disent pas que Jésus a été relevé le dimanche, mais qu'il l'ait été : le samedi !
Abordons le problème tel qu'il se pose depuis des siècles !

Si Jésus a été crucifié le vendredi saint vers 15h, et s’il n’est plus dans le tombeau à l’aube du dimanche de Pâques, mettons à 7h du matin cela fait 40 heures au maximum. Comment est-ce que tous les évangiles et autres écrits annoncent-ils (unanimement, pour une fois) « qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures » ? Affirmation qui est reprise sans sourciller par l’antique Credo du concile de Nicée, et par bien des catéchismes, sans autre explications ?

Aviez vous remarqué d'abord qu'entre vendredi après midi - notre vendredi saint - et dimanche matin, notre dimanche de Pâques - il n'y a pas 3 jours ?

La première partie de cette prédication pourrait a priori vous faire penser à cette sous littérature sensationnaliste qui proclame des découvertes flamboyantes sur le thème "les choses qu'on vous a toujours cachées" et autre théorie du complot. Mais bien entendu, je n'abonderai pas dans ce sens, cela n'a aucun intérêt. L'intérêt  c'est "quelle forme prend la bonne nouvelle, ce matin" et c'est dans une seconde partie que nous la découvrirons.

L'hypothèse que je vais vous présenter est bâtie sur le postulat que les fameux trois jours ne sont pas une donnée symbolique, mais un socle pour comprendre ce que disent les évangiles sur cette période . Oui, trois jours accomplis : c'est bien clair dans diverses annonces par exemple dans Marc =
Mc 8:31- Et il commença de leur enseigner : " Le Fils de l'homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter ;
Ou dans Matthieu
Mt 12:38- Alors quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et lui dirent : " Maître, nous désirons que tu nous fasses voir un signe. "
Mt 12:39- Il leur répondit : " Génération mauvaise et adultère ! elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas.
Mt 12:40- De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits.

Trois jours et trois nuits. Même dans l'expression, plus ambigue, au 3e jour, il s'agit bien de toute cette durée comprise...

Les évangiles disent donc n'importe quoi ? Sont-ils incohérents ? Ou alors...On peut se demander si Jésus savait-il finalement compter les heures ? Combien durait un jour ? Combien durait une nuit ? En tous les cas, l'évangile de Jean dit qu'il le savait ...
Dans Jean 11 :9-10, Il demanda, « N’y a-t-il pas DOUZE HEURES au jour ? … mais, si quelqu’un marche pendant la nuit, il bronche ». Il le savait...

Ensuite, et ce que je vais dire ressemble à un minuscule détail mais en fait pas du tout, nous pouvons noter qu'aucune traduction ne mentionne le pluriel du mot sabbat dans le chapitre 28 de l'évangile de Matthieu, un texte qui correspond à celui que nous avons lu de Luc. Ce n'est pas "après le sabbat, mais après les sabbats.
Après les sabbats, dimanche au lever du jour, Marie de Magdala et l’autre Marie vinrent voir le tombeau

NB pour une perception "philologique" du neutre pluriel de "sabbat"de son ambiguité, lire 
Ὀψὲ δὲ σαββάτων, τῇ ἐπιφωσκούσῃ εἰς μίαν σαββάτων
se traduit littéralement par : «A la fin des sabbats [au pluriel], et à l'aube du premier des sabbats [et non pas forcément «semaine»]
Est-ce une erreur de Matthieu ? A priori non, puisqu'en fait cette semaine, qui est devenu la semaine sainte pour les chrétiens , il y avait tout simplement plusieurs sabbats. Le premier sabbat qui est le sabbat annuel, celui qui suit le jour de la Pâque, lequel devient donc un jour de préparation du sabbat (où on achète les aromates, par exemple) . Et le sabbat hebdomadaire, celui que nous avons en tête...
Pourquoi ce pluriel a t il été gommé de nos traductions ? Par méconnaissance, ou aussi pour faire coincider le texte, et la tradition de l'Eglise et sa volonté de récupérer le dimanche, jour du soleil des romains. Et c'est ce sabbat "oublié" de nous, y compris des traducteurs semblent-ils (alors qu'il est bien prescrit dans le livre du lévitique) que peut se dérouler une autre vision, étendue,  de la semaine sainte.


Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire toute la demonstration, parce qu'elle est axée sur une exténuante litanie de citations des évangiles synoptiques (et aussi de Jean) qu'elle est compliquée à suivre parce que les juifs emploient le calendrier lunaire et que leur journée commence le soir. Mais je vous donne la conclusion de l'hypothèse , axée sur la possibilité d'étirer le temps, avec les deux sabbats, l'annuel et l'hebdomadaire. Moi ce qui m'interesse, ce n'est pas la polémique, c'est le sens que ça va prendre.


En résumé, donc, dans cette hypothèse, Jésus aurait soupé avec ses disciples au début de la Pâque juive, donc le soir, serait mort dans la partie diurne de cette même journée, et se serait relevé au cours du sabbat hebdomadaire, avant la tombée du jour, et non pas, juste avant que les femmes n'arrivent au tombeau.
Et cette hypothèse parle nettement mieux que tout du sens même du relèvement du Christ. Ce relèvement restera un mystère certes, une croyance, mais avec cette hypothèse, nous avons un contexte à ce mystère, alors que dans l'hypothèse de la tradition chrétienne, nous n'avons que le mystère. Comme si ce relèvement, cette résurrection, ce réveil n'était relié à rien !  Ce serait un noyau pur, relié à aucune pulpe.
Mais dans l'hypothèse de la resurrection le samedi du sabbat hebdomadaire, nous avons maintenant de la pulpe nourricière pour comprendre le sens de la resurrection, sans en rester au simple "prêt à croire" "à prendre ou à laisser"
Le sabbat, dans la bible hébraïque est justifié par deux thèmes: dans Exode par la création : Dieu s'est reposé le 7e jour, et donc a fortiori, et donc, vous, qui n'êtes normalement pas plus doué que Dieu, aussi. Je lis : Dans Exode :
Mais le septième jour est un sabbat pour Yahweh, ton Dieu; tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. Car pendant six jours Yahweh a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent; mais il s'est reposé le septième jour;
Et dans Deutéronome, le commandement du sabbat est relié à la libération de l'esclavage en Egypte. Pour bien signifier que le sabbat est un jour libératoire de ce qui nous asservit. A savoir : le temps qui passe, le temps sans fin, le temps qui nous dévore . Je lis :
Mais le septième jour est un sabbat pour Yahweh, ton Dieu, tu n'y feras aucune espèce de travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton boeuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes , ni l'étranger qui habite dans tes portes, afin que ton serviteur et ta servante aient leur repos comme toi. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d'Égypte et que Yahweh, ton Dieu, t'en a fait sortir d'une main forte et d'un bras levé; c'est pourquoi Yahweh, ton Dieu, t'a ordonné d'observer le jour du sabbat.


Dans l'hypothèse où Jésus est ressuscité le jour du sabbat, et selon la première justification du sabbat dans l'exode : Dieu qui a relevé Jésus le 7e jour, a donc cessé de se reposer ! Jésus lui même - et cela lui a été reproché (et même cela a bien été un des arguments pour l'envoyer à la mort) -guérissait des malades le jour du sabbat, et dans la même logique, celui qu'il appelait son Père comme nous aussi nous l'appelons notre père, n'est pas resté "aux cieux", il est venu réinterpréter la loi. Son Christ qu'il a lui même envoyé, il ne l'a pas laissé pas dans le sépulcre  Il le relève, et du coup, vraiment, cette resurrection prend brusquement une force qui était en fait absence du diptyque = "il est mort, il est ressuscité". Ce n'est plus une opposition, c'est devenue une logique, une parole qui prend de la consistance, une parole en lien avec toute la façon qu'avait Jésus de réinterpréter la loi pour les hommes, lui qui avait dit que justement que le sabbat était fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat. Ici, l'homme c'est Jésus, et ce sabbat est donc fait pour sa délivrance.
Oui, chers amis, à Pâques nous pouvons dire que pour sauver son Christ, Dieu a cessé de se reposer le 7e jour . Dans cette interprétation là, avant d'être celui qui nous sauve, Jésus est celui qui est sauvé. Et nous sommes appelés nous aussi, à sentir ce réveil, ce relèvement, cette délivrance, ce salut, dans toutes les fibres de notre chair et de notre âme. C'est donc cela Pâques !


Et toujours dans cette hypothèse de la resurrection de Jésus le jour du sabbat hebdomadaire, appuyée je vous le rappelle par les données des évangiles synoptiques, les trois premiers évangiles, et selon le lien que fait le livre du deuteronome avec le commandement du sabbat : c'est un jour où il faudra se souvenir que nous étions esclaves et que nous avons été libérés de l'esclavage, le sens se prolonge encore pour parvenir à une espèce d'accomplissement.
Jésus serait mort le jour de la Pâque juive, ce mercredi où l'on célèbre cette libération, et aurait été relevé le jour du sabbat, où l'on se souvient que nous étions des esclaves, et que nous avons été délivrés.
Il n'y a donc plus de différence fondamentale entre la pâque juive et la pâque chrétienne, non pas dans les rituels évidemment, mais dans la force de sa signification.
Je ne vous ai pas annoncé tout cela pour dire que notre dimanche serait une falsification, non, c'est notre tradition, elle est devenue ainsi pour récupérer le dimanche aux romains, Le jour du soleil (solis dies) fut donc rebaptisé jour du seigneur (dominicus dies) , ni pour que nous repassions notre jour de culte au samedi, ni même pour que nous observions le sabbat, ni non plus pour que nous reconfigurions notre semaine sainte, du mercredi qui deviendrait le jour de Pâques et le mercredi saint, jusqu'au samedi de la resurrection.
Je vous ai parlé de cette hypothèse juste pour que nous prenions conscience de la profondeur de la bonne nouvelle et de sa pulpe, de sa provocation, de sa logique, de sa beauté. Que nous comprenions, ce dimanche, un nouveau jeu de signification bien plus riche que "il est mort, il est ressuscité" . Un jeu à somme nulle. Non, cette hypothèse introduit une nouvelle coulée de sens. Tout à coup, tout se met en mouvement et en lien. Il y a un Dieu qui ne respecte pas le sabbat pour des raisons vitales, et la parole de ce Christ ne restera pas éternellement enfouie et elle parviendra jusqu'à nous pour nous relever nous aussi, nous sortir nous aussi, du sépulcre de nos peurs. Jésus guérissait les malades le jour du sabbat ? Ainsi, il en exprimait le sens même du sabbat. Et folie, scandale, comme dirait Paul, Jésus releve son Christ, aussi, le jour du sabbat.
Et le dimanche, me direz-vous ? Le premier jour de la semaine. Qu'en reste -il dans cette hypothèse ?
Et bien il en reste le principal pour nous. L'axe n'est pas- ce qui n'est jamais dit dans les textes- qu'il se soit relevé ce jour là; l'axe, c'est la vision de ces femmes, que nous sommes appelés à accompagner comme dans une vue subjective, comme si nous avions leurs yeux, et nous aussi des aromates devenant inutiles dans nos mains. Nous allons à la découverte. Nous n'allons pas être crues, mais nous allons reprendre confiance. Nous serons accusées de niaiseries, de rêveries, mais nous allons devenir croyantes.
Que reste-il ? Il reste que ce dimanche c'est le jour de la découverte d'un tombeau vide, avec des gens éclatants qui disent de se souvenir. Se souvenir de ce qu'il avait dit.
Les femmes, à ce moment là, et c'est comme ça que c'est volontairement écrit par Luc, semblent retrouver la mémoire. Ce dimanche, est le jour pour retrouver notre mémoire perdue. Et tout à l'heure, nous allons vivre la Cène, qui embrasse toute la semaine sainte, et nous allons dire que nous prenons ce repas en mémoire du Christ. De sa mort et de sa délivrance. Et il s'agit ici non pas d'un rite du souvenir, mais de la transformation du souvenir en nouvelle présence. C'est cela le sacrement de la Cène. C'est de la mémoire vive. Un repas, un passage vers la délivrance.
Le dimanche, c'est le jour où nous découvrons que notre Christ a été délivré de la mort pour que nous puissions nous aussi continuer notre chemin de délivrance. Amen. Joyeuse Pâque.

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