PRÉDICATION FÊTE INAUGURALE EGLISE PROTESTANTE UNIE 9 juin 2013 Maison Fraternelle

LECTURES

Luc 7.11-17
11Ensuite il se rendit dans une ville appelée Naïn ; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui. 12Lorsqu’il approcha de la porte de la ville, on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, qui était veuve ; et il y avait avec elle une importante foule de la ville. 13Le Seigneur la vit ; il fut ému par elle et lui dit : Ne pleure pas ! 14Il s’approcha et toucha le cercueil. Ceux qui le portaient s’arrêtèrent. Il dit : Jeune homme, je te l’ordonne, réveille-toi ! 15Et le mort s’assit et se mit à parler. Il le rendit à sa mère. 16Tous furent saisis de crainte ; ils glorifiaient Dieu et disaient : Un grand prophète s’est levé parmi nous, et : Dieu est intervenu en faveur de son peuple. 17Cette parole se répandit à son sujet dans la Judée tout entière et dans tous les environs.




PRÉDICATION

Le nom de la ville où Jésus et ses disciples arrivent c'est Naïm. Ca vient de l'hébreu, et ce non évoque ce qui est doux, agréable, beau.
Pourtant, il n'y a rien de doux, d'agréable, ou de beau dans ce qu'ils trouvent, aux abords de cette ville  : un cortège de deuil. Une femme, qui avait déjà perdu son mari, vient de perdre son fils. Autant dire qu'elle a tout perdu. Bientôt, et c'est la condition des femmes de cette époque, elle se retrouvera encore à l'entrée de la ville, mais  elle y sera une mendiante. La grande foule qui l'entoure maintenant sera dissipée. Elle n'a plus personne, elle ne sera plus rien.
Jésus la voit et éprouve une stupéfiante émotion. La traduction française "il fut pris de pitié" ne dit pas la force de cette émotion. Il est saisi au plus profond de lui-même. Il est bouleversé. C'est ce que le texte dit. Il éprouve ce que la femme éprouve. C'est ce que le texte dit: il est bouleversé comme une mère qui perd son enfant.

Et il lui dit immédiatement : ne pleure pas. Il arrive, il est bouleversé. Et il suspend la marche, la cérémonie, la douleur, les pleurs. Il suspend le temps.
Ce "ne pleure pas" est l'axe majeur de ce récit.
Le temps est suspendu.


 .

Il ne s'écoule plus, comme les larmes de cette femme ne coulent plus. C'est un temps qui n'est plus soumis au régime normal des choses qui se suivent et s'enchaînent jusqu'à ce que ce mort soit porté en terre, que la foule se dissipe, que les larmes s'assèchent, et que la solitude et la misère s'abattent sur cette femme.
A partir de là, nous allons pouvoir recevoir 3 invitations ce matin.

La première est une invitation à arrêter le temps quand c'est nécessaire. Une invitation à suspendre un peu notre course quand tout commence à s'enchaîner négativement. A dire "stop". A respirer.  A contempler toute la scène de notre vie de ce moment-là, comme si elle se figeait.  Oui, j'arrête de pleurer. Je regarde.  Pendant ce moment, je cesse  de chuter vertigineusement.  Je ne sais pas à quoi ça sert, mais contre toute logique, contre toute programmation, oui, je cesse, moi, de contribuer à ce qui m'entraîne dans la chute. Et tant pis si c'est anormal. Tant pis, si c'est associal.  Tant pis, si je n'obéis pas à ce que j'aurais dû, convenablement, faire, pendant ce moment-là. Stop.

Deuxième invitation pour nous, ce matin. Noter, retenir qu'il n'est pas nécessaire de croire, ou d'exprimer sa foi, ou de faire des actes spéciaux, pour bénéficier de Dieu. En effet : cette femme n'exprime aucune demande. Son fils, évidemment, non plus. Il n'y aucun contexte. Elle n'est pas forcément juive, pratiquante, assidue. Jésus et cette femme ne se connaissent pas.  Qu'est ce que ça peut nous dire ?

Cela veut dire que la vie spirituelle c'est d'abord la vie même de Dieu. Cela veut dire que la vie spirituelle, pour nous, c'est bien autre chose, infiniment plus grand et plus intense que notre confession de foi.  Ce récit dit et suggère que si l'expression de la foi est une forme de reconnaissance de ce que Dieu nous a donné, elle n'est assurément pas la condition de ce don.

En ce jour, où nous fêtons l'union des deux courants historiques du protestantisme, c'est le moment de  rappeler l'essentiel. Le centre énergétique de ce grand mouvement spirituel qu'est le protestantisme.  Ce ne sont pas les oeuvres qui sauvent, ça nous le savons. Mais ce n'est pas non plus la foi "qui sauve".
Car la foi dans cette acception là n'est qu'une oeuvre de plus. Mais c'est la grâce de Dieu qui sauve. Au moyen de la foi, nous pouvons tout simplement le reconnaître, nous en réjouir. 
C'est la grâce de Dieu qui sauve ce jeune homme à Naïm, c'est cette grâce agréable, belle, douce qui vient réveiller l'espoir à Naïm. Ce n'est pas la foi, ni même la tristesse de cette femme.  C'est cela qui rend parfois le protestantisme si impertinent face à tous les autres mouvements d'idées, face à toutes les frontières ecclésiastiques, face à lui-même souvent, face aux dogmes, face à l'établissement, dirais-je.
C'est la grâce de Dieu, qui sauve.

Pourtant, dans notre récit, et c'est ma troisième invitation ce matin, il est aussi question de foi. Et même il est question d'une foi, d'une confiance, absolue.
Celle de Jésus.

Qui suspend tout le cortège de la mort. Ordonne à cette femme d'arrêter de pleurer.
Il est animé d'une foi, d'une confiance bouleversante, aussi bouleversante que l'émotion dont il a été bouleversé, quand il a vu la scène.
Il est saisi d'une confiance totale, pour arriver déjà, à empêcher cette femme de continuer à pleurer.
Imaginons qu'il touche le brancard et qu'il ne se passe rien. Que le mort reste mort. Imaginez la déception de cette femme, et aussi, la densité d'amertume qui sera contenue dans ses nouvelles larmes ! Avec en plus, la haine qui se propagera dans cette foule contre celui ci qui a voulu se donner en spectacle en profitant d'une situation dramatique. Qui a osé interrompre l'ordre du deuil.
Mais Jésus a la foi, il est possédé de cette confiance, à un tel degré qu'il arrive à suspendre le déroulement du deuil, dans une telle densité, qu'il ne doute pas, du tout, ce qui va se produire. De ce que Dieu va faire, ici , à Naïm, maintenant, et à travers lui.

Jésus dans ce récit est empli de la foi même de Dieu, de la confiance même de Dieu.
Ce qui est mis en valeur dans notre récit, ce n'est pas la foi des hommes, mais la foi de Dieu.

Pour que la foi se transforme en grâce, il fallait suspendre l'enchaînement des étapes du rituel. Il fallait créer un "moment suspendu". Il fallait un " ne pleure pas" suffisamment convaincu pour cette femme cesse effectivement de pleurer. Il fallait tout suspendre pour que la grâce de Dieu se fraye un chemin, s'infiltre dans le mécanique déroulement de la fatalité.

En conclusion, je nous invite simplement à nous ouvrir, ou à nous ouvrir de nouveau à ceci : Dieu sauve par grâce et rien ne conditionne cette grâce. Mais d'après ce récit, son flux pourrait être obstrué.  Par tout ce que nous aurions pu organiser qui ne laisse pas passer, cette grâce. Qui ne lui laisserait aucune brèche, aucun moment.
Alors oui, suspendons le temps quand c'est nécessaire. Suspendons nos pleurs même si c'est a -normal. Et laissons la passer, cette grâce de Dieu qui vient nous sauver.
Ensuite, viendra peut-être le temps de l'expression de notre propre confiance, ensuite viendra peut-être le temps de la reconnaissance, et ce sera bon, pour nous.
Mais le plus important n'est pas là. Il vient d'avant. C'est d'abord et avant tout la grâce de Dieu.


AMEN.

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