Prédication du Jeudi 3 octobre (obsèques)

Prédication Paul, l'apôtre Paul, mais qu'on pourrait appeler le théologien Paul, ou bien mieux le philosophe Paul - un héritier de Platon, Paul - l'écrivain Paul, le dialecticien Paul ou le révolutionnaire. Paul - fonde - refonde par ces quelques mots ce qui maintient, contre tous les courants séparateurs, ce que je nommerai notre "intégrité". Dans le plein sens de ce terme, et biblique aussi. Les patriarches bibliques, Abraham, Isaac était désignés comme intègres. Job - vous savez, celui qui est et qui a beaucoup de choses mais qui perd tout, lui aussi est désigné comme "intègre". Et il le restera, malgré toutes les piques que lui enverront des faux amis venus à son chevet pour le séparer de lui-même, lui faire dire l'inverse de ce qu'il croit, pour le désintégrer.
Intègre, avant de vouloir dire "honnête" cela veut dire "entier". Et c'est le plus beau compliment que la Bible fait à ses personnages, et la plus belle invitation qui leur est adressée : rester "entier".
Je ne sais pas si Paul était intègre, mais je le pense, pour en arriver à proclamer par ces quelques mots, synthèse de sa pensée, la nécessaire, l'essentielle intégrité du monde dans lequel nous sommes, un monde "entier", fondamentalement intègre qu'il ne s'agit pas de découper par ...nos illusions tranchantes, nos folies séparatrices qui nous font refuser de voir le monde - tel que créé par Dieu pour Paul et tous les écrivains bibliques avant lui - des folies qui nous font refuser de voir le monde "entie"r.
Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.
Pour dire quelque chose de l'élan de cette parole de Paul, qui fonde même inconsciemment, notre engagement dans un monde et pour un monde "entier" , il faut l'aborder sous deux aspects. Le premier parlera de ce qu'était ce mouvement messianique issu du judaïsme du temps de Paul. L'autre aspect évoquera cette notion de "un, en Jésus-Christ", ce que ça peut bien vouloir dire ! Concrètement.
Les assemblées de ce temps là étaient réellement subversives pour une conception romaine. Imaginez des assemblées où un Maître et son esclave pouvaient communier ensemble, où des hommes et des femmes pouvaient prier, et même proclamer ensemble, où des riches et des pauvres rompaient le même pain, prenaient le "souper" ou la Cène . Imaginez combien ces assemblées pouvaient dénoter dans un monde romain stratifié. Imaginez ce que ces assemblées, par le simple fait qu'elles existaient, disaient. Elles disaient : nous mettons fin à vos illusions que vous avez érigées en frontières pour nous séparer. Elles disaient : par ce que nous faisons, nous dévoilons l'intégrité réelle et profonde du monde. Elles disaient : c'est comme cela que nous osons désormais vivre et tant pis, si vous nous persécutez - le Christ qui est notre emblème vous l'avez crucifié pour la même raison- nous ne lâcherons rien parce que cette découverte est trop belle, trop profonde, nos yeux se sont trop ouverts et nous voyons clairement le monde "entier". Paul dit ce qu'il vit, ce qu'il voit, tente de comprendre avec sa vive intelligence et sa culture d'un intellectuel juif formé à la meilleure école, avec son allégeance au mouvement universaliste juif pré existant, Paul , en fait rend compte de son émotion. C'est pour ça qu'il a aussi des mots très durs envers ceux qui recommencent à vouloir ériger de nouvelles frontières, de nouvelles illusions, de nouvelles distinctions.
Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme;
Bien sûr, il y a encore des juifs, des grecs, encore des esclaves, et encore des gens qui ne sont pas esclaves (cela voulait dire cela, être libre, cela voulait dire ne pas être dans la catégorie de l'esclave), bien sûr il y a encore des hommes et des femmes, mais déjà moi Paul, je proclame que toutes ces catégories n'ont plus la valeur essentielle et illusoire qu'on leur confère, parce qu'il y a quelque chose qui les dépasse.
Et Paul appose ici l'expression "JÉSUS-CHRIST". Il ne s'agit même pas pour Paul d'un homme de plus, fût il reconnu comme Fils de Dieu, un homme de plus à adorer. Ni même de quelqu'un dont il faudra méditer les paroles pour avancer dans la sagesse. Paul en effet ne cite presque jamais les paroles de Jésus.
L'expression JÉSUS CHRIST pour Paul, d'abord, à l'époque c'est une expression folle, inouïe, qui raconte tout simplement un événement qui change toute la donne et d'une façon non seulement définitive, mais qui change aussi le passé, qui l'éclaire d'un jour différent. C'est l'événement qui révèle l'intégrité profonde du monde - Kosmos, pour Paul. Et face à cela, quelle distinction pourrions nous encore vouloir adorer !
Vous êtes tous "un" en JÉSUS CHRIST, dit Paul. Ce "un", c'est le même "un" qui est au début de la Bible dans le livre de la Genèse, qui est souvent traduit à tort par "premier jour", Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin, premier jour. Ce n'est pas le premier jour, mais c'est le jour "un", le jour "complet" , le jour "parfait", le jour tout simplement "un" comme le monde est "un", dieu est un, et l'humanité "une".
Cette unité essentielle, où sont déjà assemblées les générations qui nous précèdent et nous suivent , un autre nom de l'éternité.
Pour Paul, c'est bien ça, il y eut un soir, et Dieu sait que nous y sommes, souvent dans ce soir-là, surtout dans un soir de deuil, mais ce n'est pas et il y aura un matin, c'est il y eut un matin, et donc , il n'y a plus ni juif, ni grec, ni esclave, ni libre, ni homme ni femme.

Comment croyez vous que les hommes s'engagent ? Parce qu'ils espèrent ? Parce qu'ils espèrent qu'il y aura un matin ? En effet, beaucoup s'engagent dans cet état d'esprit, un esprit souvent identitaire d'ailleurs. Mais moi, je crois que le véritable engagement provient d'un "défaut" de vision. Un "défaut" qui permet de voir le monde tel que profondément il est, sans le voile de ces innombrables distinctions, frontières, classes ,castes. C'est la force d'un certain protestantisme, bien sûr, du prophétisme biblique, certainement, de la conception d'un monde intègre créé par Dieu, mais au delà de ça, de toutes ses identités encore, c'est juste la force entraînante de la vérité. AMEN

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