18 décembre 2013 Adieu à Eric Seydoux

Éric Seydoux (à l'état civil Éric Seydoux-Fornier de Clausonne) est un éditeur sérigraphe et lithographe français, né le 23 juin 1946 à Boulogne-Billancourt et mort le 13 juillet 2013 à Blonville-sur-Mer.
Nous sommes ses survivants. Famille, amis, connaissances, reconnaissants, nous nous sommes assemblés, en ce lieu, particulier, chacun avec le point de vue de notre mémoire. Et dans cette assemblée, une présence, une présence qu’aucun mot, aucune expression, aucune liturgie, ne pourra enclore. La présence d’un homme dans la communion des souvenirs de quelques témoins de son passage d’humain sur la terre.
Dans une spiritualité protestante, la vie éternelle, c’est la vie même de Dieu. Hériter de la vie éternelle, c’est rencontrer le passage de ce souffle d’éternité, qu’il soit nommé ou qu’il ne le soit pas, dans le cours, chronologique de notre existence. Cette rencontre est de l’ordre de la grâce.
C’est celle-ci qui est offerte, pour inaugurer un moment précieux comme ce moment préparé par Anne Marie et par Amélie. Un moment Précieux, ne serait parce qu’il restera unique.

                        Moment de louange

Je n’oublie aucun des bienfaits de Dieu. Je lui suis reconnaissant de m’avoir donné de la vie. J’espère qu’il me conduit dans cette vie. Je le remercie pour les frères et les sœurs que je suis appelé à découvrir comme tels dans le chemin de mon existence. AMEN.

                        Temps bref de prière

Les mots, comme les sons musicaux dont précédés et suivis de silence. Ce silence, dans lequel le Seigneur semble se nicher. Mais ce silence n’en est pas. Il est l’origine, la finalité et la source. C’est pourquoi je vous propose, un bref de nous recueillir, dans le sens le plus profond de ce terme, dans un moment de silence.

1mm                Silence
                        (Césure)

                        Prière d’inspiration

Seigneur souffle sur les pages de notre Bible et retourne les dans tous les sens pour que des mots anciens reprennent vie et que dans notre vie des pages se tournent. AMEN.
Voici maintenant lecture du texte choisi pour porter l’évangile, c'est-à-dire un nouvelle heureuse au milieu d’un moment d’adieu. J’invite donc Michèle et Catherine à venir lire les versets 1 à 8 du chapitre 3 d’un livre de la Bible hébraique qui s’appelle en hébreu le Qoheleth, c’est dire celui qui assemble par la parole, ou en français, l’Ecclésiaste.

                        L’ Ecclésiaste Chapitre 3 versets 1 à 8
                        (Lecture par Michèle et Catherine)

                       
 Prédication

Deux siècles avant notre ère a surgi, au cœur d’une spiritualité juive très influencée par la philosophie des grecs, un livre, appelé Qohelet.
Dans un temps où circulaient de nombreux écrits appelés « apocalyptiques », des écrits basés sur l’idée, anxiogène, du « temps qui reste ». Qu’en faire, que va-t-il nous arriver. Comment faire ? Qui suivre ?
Ce livre est à contre courant de toutes ces tendances. Il ne s’intéresse pas à « ce temps qui reste », et au lieu de susciter l’angoisse, ou la peur, il produit la joie. C’est un effet pas évident, mais que l’on ressent si par hasard on se met à lire ce texte, à haute voix, dans une bonne traduction, et en entier.
Qohelet, ou l’Ecclesiaste, n’articule pas son discours sur « le temps qui reste ». Il raconte l’histoire d’un Roi, ci devant le roi Salomon qui pendant deux chapitres décrit toute sa vie, de passions, de guerre, de fortune, de plaisirs, d’activités, et il scande que tout cela, tout cela qu’il a vécu et dont il est assez fier, c’est « fumée et poursuite du vent »
Et puis dans ce chapitre, commence ce qu’on pourrait appeler « un dialogue ». Une autre voix émerge au beau milieu du discours fleuve de ce Roi désabusé.
Tout le long du livre, cette « autre voix » viendra dire en somme « d’accord, tout est fumée, c'est-à-dire presque rien et qui en plus se dissipe », mais que ce c’est dans ce « presque » que tout peut survenir. Que dans cette vie, chronologique dévoratrice, dont a bien peine à voir la cohérence, quelque chose peut arriver, et transformer ce désert en abondance d’éternité, en cohérence absolue.
Ces petits huit versets qui viennent d’être lus par Michèle et Catherine, sont souvent mal compris. Ils sont perçus comme une succession, une liste, presque comme un agenda.

Ils sont mal compris parce que nous n’avons en français, la compréhension du temps que permet l’hébreu.
Sans rentrer dans les détails, il y a 3 mots dans ces versets et dans les versets qui suivent peu après pour désigner le temps, les temps.
Il y a la saison, qui parle de durée, il y a plus loin le temps éternel de Dieu, et puis il y a comme scandé dans ce texte, « le temps pour ». Ce temps pour est le temps où se croisent le temps éternel de Dieu, et la durée, le segment chronologique de notre existence.
C’est un tout petit mot en hébreu.
Il s’agit du « temps favorable ». Ce « moment » est un temps où la chose qui s’accomplit ne laisse jamais aucune séquelle, aucun regret, aucun remord. C’est de l’ordre de l’évidence, de l’accomplissement. Le croisement de l’éternité et de la durée.
Ainsi dans ce texte, nous avons ces temps pour . Pour engendrer, mais aussi pour mourir. Comme si il y avait d’autres moments où ce n’est pas le temps pour mourir ou pour engendrer.
Un temps pour pleurer. Comme si Qohelet admettait qu’il y ait des temps favorable, pour pleurer. Ou pour rire. Tous les segments de temps ne sont pas favorables, mais il y en a. Et dans ces moments favorables, il n’y a plus aucun jugement.
Un temps pour s’étreindre un temps pour se séparer.
Comme si Qohelet nous disait, qu’il y a un temps favorable pour s’étreindre et aussi pour se séparer. Tous les temps ne sont pas favorables. Mais il y en a . Et dans l’action accomplie dans ce temps ne laisse aucun regret, aucun remord, et ne suscite aucun jugement.
Le temps favorable, c’est le temps qui contient en lui-même sa force de persuasion.
Un temps pour chercher, un temps pour laisser , ou pour perdre. Il semblerait qu’il n’y ait pas temps pour trouver
Je pense ici évidemment à la démarche artistique, une démarche de chercheur, où le temps favorable, opportun, est le temps de la découverte d’un nouveau chemin, d’un nouveau procédé, mais rarement une fin.
Mais cette démarche artistique est la démarche de la vie, tout simplement, une vie nous sommes invités à nous rendre suffisamment disponibles pour saisir et être saisi par les moments favorables en général liés à l’émotion profonde que l’on vit dans ce moment là.

Un temps pour se taire, pour moi, il s’approche, un temps pour laisser parler, les témoins vivant. Un temps pour aimer. Tous les instants ne sont pas favorables pour aimer. Mais quand on est saisi par le temps pour aimer, on ne doute de rien. A jamais.

Et puis il y a deux temps évoqués à la fin de ce passage. Deux qui ne sont pas des « temps pour », et donc pas des croisements d’éternité dans la durée de vie humaine.
Un temps la guerre. Il s’agit ici d’un Etat. L’Etat permanent et conflictuel que nous les humains nous vivons . Une désignation de notre mode de vie. A divers niveaux.
Et un Temps la paix. Qui est tout simplement une autre désignation du temps de Dieu. Shalom, c’est bien plus que la paix. C’est en quelque sorte la Maison de Dieu. Cette paix que l’on ressent à chaque expérience du temps favorable dans notre existence.
C’est cette paix dans laquelle nous pouvons habiter, en compagnie de nos bien aimés, présents et absents visibles et invisibles, pour notre durée, et pour l’éternité

AMEN

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