1er décembre 2013 (avent)

LECTURES  MATTHIEU 
Veillez donc, puisque vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra.
Sachez-le bien, si le maître de maison savait à quelle veille de la nuit le voleur doit venir, il veillerait et ne permettrait pas qu’on fracture sa maison. C’est pourquoi, vous aussi, soyez prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas.

PREDICATION


Ces paroles viennent d'un temps où beaucoup de gens faisaient métier d'interpéter les signes , les signes de temps, et disaient, sous forme d'oracle, de transes, de prophéties ou d'enseignement, QUAND les choses finales allaient arriver.
Notre mentalité aujourd'hui est différente : nous interprétons les signes, politiques, naturels, non pas pour savoir quand les choses finales vont arriver, mais pour éventuellement empêcher qu'elles arrivent.
Le seul point commun entre ces deux mentalités, l'une, l'ancienne, dans laquelle on croyait à la venue ou à un retour d'un personnage divin qui signerait la fin des temps, l'autre mentalité, la nôtre, dans laquelle nous sommes sommés à imaginer sans cesse la fin de l'histoire humaine - le point commun ; c'est la peur et les tentatives pour la conjurer.

Cette peur, je ne pense pas qu'elle n' ait jamais été collective. Même dans les périodes de panique historique, elle n'est au mieux qu'un agrégat des peurs de chacun , et cette peur de chacun, c'est la peur de mourir, tout simplement, peur qui évolue en en angoisse de ne pas savoir ni comment, ni quand.
La peur de mourir, l'angoisse de ne pas savoir ni comment ni quand .
Peur et angoisse sur lesquelles on doit mettre sans cesse un couvercle.
Toutes les tentatives de conjurations, que Pascal appelait les divertissements : etymologiquement action de se détourner de
Nous sommes dans la société du divertissement: une société où il est devenu possible de passer toute une vie sans la vivre, sans se poser la question du comment, du quand, du pourquoi, du vers où. Sans se poser aucune question. Ecrasé par un travail sans fin, comme l'évoque l'écclesiaste, ou dirigé comme un troupeau aveugle dans une consommation stupéfiante, l'humain, qui ne voit plus les étoiles la nuit vit dans la conjuration permanente de sa condition. Ce n'est ni bien ni mal, c'est juste un moyen pour s'écraser dans l'inconscience.
Avoir peur de mourir, et être dans l'angoisse de ne pas savoir ni quand ni comment font partie de la vie et il ne sert à rien de le nier.
Ce déni est la source de bien des raisons de l'imperfection d'un monde où l'homme fait semblant de se croire immortel. Ce faire semblant genère collectivement bien plus de malheurs individuels et collectif que ne le ferait l'acceptation basique de notre condition naturelle qui consiste à être mortel, car être mortel c'est être humain. Or, visiblement, l'humain choisit pour conjurer ce qu'il croit être une malédiction en un je m'en foutisme qui transforme l'humanité en inhumanité.

Jésus, tel qu'il est présenté dans ce texte de Matthieu, n'apporte aucune réponse à toutes ces demandes pour réduire l'angoisse de la fin des temps. Il n'est pas là pour divertir le peuple. Il n'est pas là un chansonnier, il n'est pas un homme politique, il n'est pas inhumain. Mais il apporte une autre réponse, beaucoup plus fondamentale. Il présente un mode. Un mode de vie. Et ce mode, c'est celui de la veille. C'est à dire , le contraire de l'inconscience, le contraire de la fuite, de l'oubli. Si l'on voulait montrer en l'occurence que la religion peut aussi ne pas être ce fameux opium du peuple, l'on citerait ce mot de Jésus qui dit "veillez".

Qu'est ce que cela veut dire ?
Pratiquement, c'est un combat. Rester en mesure de savoir ce que l'on dit, ce que l'on fait, rester en mesure de voir le monde tel qu'il est, au delà de toutes les fictions, est une lutte permanente et le coeur de la spiritualité combattive proposée par Jésus.

Déjà c'est voir toutes les fois où j'ai été - ou je me suis enfoui - dans l'inconscience. Toutes les fois où je me suis laissé hypnotisé par des discours, par tous ces leurres qu'une société dissemine partout sur mon chemin. Les voir tout à coup, comme des leurres. Entendre, de nouveau le creux des discours, se réjouir de découvrir la stupidité des fantasmes collectifs. Rester éveillé quand la publicité nous matraque. Rester éveillé pour se rendre compte que souvent hélas l'on ne fait que repercuter ce qu'on a entendu. Rester éveillé, comme un enfant, dont on dit qu'il est éveillé pour son âge. Le chrétien selon ce texte doit être éveillé, comme cet enfant, pour son époque malgré la grande puissance des berceuses qui le poussent à l'endormissement, à l'enfouissement, à la mort-vivante.
Veillez.
Nous sommes tous plus ou moins croyants, ce n'est pas le problème d'être ou ne pas être en sympathie plus ou moins forte avec une notion d'un Dieu.

Le problème c'est de le laisser advenir dans notre vie. Et pour qu'il advienne réellement comme un être réel dans notre existence de mortel, il faut l'honorer de notre présence.
On dit souvent, je dirai même qu'on ressasse que Dieu brille par son absence. Très bien. Mais quelle est l'utilité de ressasser cela en permanence. Et si nous retournions ce problème ?
Et si c'était nous qui étions ABSENTS.
Imaginons qu'il Advienne - pour faire résonner le sens de ce temps de l'avent, imaginons qu'il advienne et que nous ne soyions pas là. Ou que ...nous soyons là, mais pas vraiment : parce qu' Occupés, stupéfiés, endormis, inconscients. Je me tiens à la porte et je frappe. Mais il faut bien que quelqu'un lui ouvre cette porte. Et ce quelqu'un , ce n'est pas un esclave au corps et à l'esprit endolori par le travail, ou un être insconscient, qui poursuit ses chimères, qui adore ses leurres, qui a perdu toute la singularité, toute la personnalité qui permet d'accueillir ce Dieu singulier qui vient le rencontrer pour emplir son existence de mortel de la sensation d'éternité.
VEILLEZ
Vous ne savez pas quand Dieu viendra réellement dans votre vie, alors veillez.
Tout ce qui permet de rester lucide est là pour ça. L'Eglise, dans ces cultes est là pour ça. Bien sûr, nous ne pouvons pas rester éveillé en permanence, et l'Eglise, collective permet aussi cette solidarité dans la veille.
Car veillez est sa mission.
Pour ne pas rater le Seigneur quand il vient.
Il vient dans le monde tel qu'il est vraiment et non pas dans une illusion. Une illusion, c'est facile à reconnaître: en général une illusion est beaucoup plus simple à comprendre, elle apparait souvent comme une solution. Le monde tel qu'il est, lui, est beaucoup plus mystérieux. Et c'est ce mystère là dont il faut, en étant éveillé, être conscient.
Il vient dans ce que nous sommes vraiment, et non pas une fiction de nous-même. Une fiction de nous même est facile à reconnaître. Elle est beaucoup plus facile à décrire. C'est pour ça qu'elle fait illusion. Ce que nous sommes est en vérité beaucoup plus mystérieux. Et c'est ce mystère là dont il faut, en étant éveillé, être conscient.
Il vient parmi nous. Et donc parmi les autres que moi. Et pas chez les fictions que j'aurai construite pour déterminer qui sont ces autres-là. Ces fictions des autres sont facile à reconnaîtres. Elles s'appellent des jugements .
Ce qu'ils sont en vérité est beaucoup mystérieux que le discours qu'en général nous tenons sur eux. Et c'est ce mystère de chacun des autres dont il faut, en suivant la recommandation de Jésus de rester en éveil, être conscient.

Alors oui, en ces temps de l'avent, qui est bien plus qu'un "avant-goût" de Noël, nous pourrions nous engager pour rester éveillés, conscient du monde tel qu'il est en vérité, conscient de nous mêmes tels que nous sommes en vérité, conscients des autres tels qu'ils sont, en vérité.
Et alors, nous pourrons , on ne sait pas quand, mais ce n'est pas grave, car l'angoisse disparait quand nous restons en éveil, nous pourrons accueillir et honorer ce Dieu qui vient.
AMEN


Commentaires

Articles les plus consultés