LA SINCERITE DE PAUL ( 9 février 2014)

Bienvenus, chacun de vous, membres de la Paroisse de Port Royal Quartier Latin, bienvenus, qui que vous soyez, quelques soient les raisons qui vous ont conduit ici ce matin.
Dans le beau nom de Jésus-Christ, AMEN.






1 Corinthiens 2.1-5
1Pour ma part, mes frères, lorsque je suis venu chez vous, ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. 2Car j’ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d’autre que Jésus-Christ – Jésus-Christ crucifié. 3Moi-même, j’étais chez vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement ; 4ma parole et ma proclamation n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c’était une démonstration d’Esprit, de puissance, 5pour que votre foi ne soit pas en la sagesse des humains, mais en la puissance de Dieu.




On pourrait soupçonner à l'infini celui qui parle ainsi, comme Paul. Il dit qu'il n'avait rien pour les persuader quand il est venu leur annoncer l'évangile, oui mais évidemment, ne leur dit pas cela pour justement les persuader ?


Nous serions comme l'opinion - l'opinion qui n'a jamais été une bonne amie de l'évangile, car c'est l'opinion, en grec "la DOXA" qui de fil en aiguille, a installé Jésus sur une croix, oui nous serions comme l'opinion qui écouterait un homme politique "parler". On ne l'écoutera pas pour ce qu'il dit, mais juste pour voir comment il ment !

Comment il manipule. 

Comment il nous vend avec des mots généreux, des mots colorés, des mots qui font choc, qui font slogans, sa pauvre personne condamnée à gravir l'horrible pente vers plus de pouvoir, comment finalement il nous vend lui-même, pour nous "avoir"
On ne croit plus les gens qui parlent, ils nous mentent, par définition. Tout est devenu de la communication et même celui qui se pense sincère doit adapter son discours, doit employer les mots les formules les expressions de la sincérité. Pour nous persuader qu'il est sincère.


Les prédicateurs ne sont pas exemptés de ce retrait de la confiance. Beaucoup ont trop vendu l'évangile comme de la lessive, et même s'ils ont gagné, de l'audience, des stades entiers, certains se sont perdus.


Je vais vous confier que je me suis toujours posé cette question. Et je me suis toujours dit que je n'utiliserai jamais - trop - les moyens d'un orateur. Ce n'est pas que je ne les connais pas, je les connais. Mais je fais partie d'une autre peuplade de prédicateurs. Je veux d'abord être touché par un texte pour pouvoir en transmettre quelque chose, et je transmets avec ce qu'il m'a fait, et je n'ai pas un devoir dire. Je me dis, si un texte a pu me toucher, son énergie, sa puissance, va peut-être en toucher quelques uns d'entre vous. Et c'est pour ça que s'il me faut pas beaucoup de temps pour sympathiser avec les personnes, il me faut pas mal de temps pour qu'un auditoire m'accepte, pour qu'il comprenne que la prédication de l'évangile, c'est la rencontre avec quelqu'un, sa parole, son souffle, la parole, le souffle de Dieu qui inspire ceux qui interprètent les textes bibliques, qu'ils soient prédicateurs, ou auditeurs. C'est le même travail.


Je pense que Paul était sincère. Et ce qu'il dit est l'essence même de ce que je crois être la prédication de l'évangile.


ma parole et ma proclamation n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c’était une démonstration d’Esprit, de puissance, 5pour que votre foi ne soit pas en la sagesse des humains, mais en la puissance de Dieu.


Quand il est venu leur parler à ces gens de Corinthe, il avait faible, il avait peur, il était terrifié au point d'en trembler.

Il n'avait qu'un seule en tête dit il, il ne voulait rien savoir d'autre - alors qu'il savait beaucoup d'autres choses, car Paul était un grand intellectuel, un véritable philosophe, un lettré, un cultivé, un connaisseur...il ne voulait rien savoir d'autre que "Jésus Christ crucifié".
Et cette affirmation de Paul est incompréhensible, c'est pourquoi il faut en révéler le sens.
Certains s'imagineront que c'est ce dolorisme qu'a exalté l'Eglise pendant des siècles, par la douleur, le salut, imiter le Christ, c'était porter sa croix et en éprouver le supplice.
Mais c'est un contresens, un de ces contresens qui font qu'aujourd'hui beaucoup de personnes ne s'intéressent pas à l'évangile. A juste titre.

Je suis obligé de revenir à l'essentiel, que j'ai quelque fois évoqué avec vous, revenir au départ. Paul a vécu ce que les "vrais " disciples ont vécu. Exaltés, potentiellement victorieux de toutes les occupations perverses qui les abattaient, réhabilités par leur maître, guéris, soignés, rendus adultes, ils sont montés avec lui à Jérusalem, avec lui, ils ont chassé les marchants du temple, leur fierté leur avait déjà été rendue, et puis brusquement, leur maitre a été crucifié.
Et c'est à ce moment là que tout a commencé. Au lieu de voir dans cet assassinat la fin de leur rêve,  ils ont vu l'inverse. Au lieu d'obéir à l'injonction romaine qui mettait facilement n'importe quel agitateur sur une croix pour dire à ceux qui le suivaient : circulez, il n'y a plus rien à voir, ils se sont mis à faire exactement le contraire de ce que ce message, pourtant clair, leur intimer de faire. Ils se sont mis à proclamer la victoire.
Incompréhensible mystère du début du christianisme. Folie. Un théologien parle de "disjonction cognitive'.
Des récits parlants de son relèvement du tombeau ont aussitôt circulé. Mais ce n'est pas la foi en ces récits qui a créé l'engouement. L'énergie, la puissance a démarré avant.
On a commencé ensuite à parler de sacrifice, pour expliquer ce phénomène. Le père aurait sacrifié son fils. C'est une abomination, bien sûr. Mais il fallait bien rationaliser. Expliquer.
Mais ce n'est pas cette croyance, qui n'est pas majoritaire dans le nouveau testament qui a convaincu les premiers annonciateurs de l'évangile.
C'est la stupéfaction de voir dans ce crucifié le retournement complet du message apparent, d'être saisi par cette folie qui accomplit dans cette plus grande manifestation de faiblesse, la plus grande puissance créatrice de Dieu.
On pourrait dire que la résurrection s'est accomplie dans ce moment là. Dans ce retournement de sens complet. En envoyant Jésus sur la croix, c'est comme si Les romains avaient envoyé un message tel "il est mort" " c'est fini" , " il était faible" et les disciples ont compris " il est vivant " "ça commence" "il était vraiment la Parole de Dieu".
Et c'est pour cela que Paul dans son adresse aux Corinthiens n'a même pas besoin d'ajouter dans ce passage "ressuscité" à ce qu'il dit :
Car j’ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d’autre que Jésus-Christ – Jésus-Christ crucifié.

Paul a été victime comme les disciples de ce que j'ai envie d'appeler l' étonnement . C'est un beau mot l'étonnement, ça vient de tonner, de tonnerre.

L'étonnement de se voir révéler la puissance de Dieu dans un crucifié.
Vous allez me dire. Mais c'est incroyable ! Mais je vous répond: mais il est là le miracle. Sincèrement, vous imaginez qu'il n'y ait pas de miracle dans les prémices de l'évangile ? Le miracle est là, dans ce que j'appelle cet "étonnement".

C'est pour cela qu'il n'a pas besoin d'appeler à la rescousse la sagesse, la persuasion, ou la puissance de conviction.

Il sait que tout cela ce sont des artifices mondains.

Devant les corinthiens il a été faible, terrifié et tremblant.

Et il laissait la puissance de Dieu passer, se faire sentir, peut-être voulait il faire ressentir par sa propre faiblesse l'étonnement qu'il a vécu lui en faisant l'expérience du Christ crucifié, peut être était ce une naïveté de sa part.

Alors voilà ce passage de Paul est expliqué. Difficile de s'en saisir. Peut être en le méditant, et en méditant sur la croix, nous ressentirons cet étonnement, ce retournement, cette disjonction.

Et si cet étonnement, qui est la seule nuance qu'apporte la foi chrétienne à la foi classique, la simple croyance en Dieu, devient un style de vie, nous serons évidemment bien moins impressionnés par toutes les démonstrations de force, bien moins crédules devant une prétendue parole forte, bien plus attentifs au murmure, à ce qui se tait, au silence, à la nuance, à la profondeur, à la subtilité, bien plus conscient du monde étonnant dans lequel nous vivons, et peut être que nous retrouverons de la saveur, et que nous saurons de nouveau annoncer la bonne nouvelle pour rendre notre Eglise belle vivante et joyeuse.

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